Vaccination : Bruxelles est-elle à la traîne ?

La Région bruxelloise est-elle à la traîne dans son programme de vaccination ? L’écart avec la Flandre ne se résorbe pas, pour l’instant. Et le débat a pris une tournure politique.

La stratégie de vaccination bruxelloise est désormais au cœur de débats communautaires. Ainsi, Jan Jambon (N-VA) a estimé, ce week-end sur le plateau de la VRT, la vaccination bruxelloise à la traîne, par rapport à celle menée en Flandre. À tel point que le ministre-président flamand songeait à un déconfinement plus important en Flandre qu’ailleurs dans le pays, si l’écart continue à se creuser.

J’aurai beaucoup de mal à expliquer qu’on ne puisse pas assouplir en Flandre parce la Belgique francophone n’a pas été aussi vite que nous“, a ainsi déclaré Jan Jambon, tempérant cependant sa proposition en expliquant que sa mise en pratique serait difficile en raison des déplacements des francophones en Flandre et inversement.

Contacté ce matin par nos soins, le ministre bruxellois de la Santé, Alain Maron (Ecolo), a réagi à cette déclaration du ministre-président flamand. “Nous sommes conscients des différences entre Régions, mais notre priorité est de travailler tous les jours afin de lutter ensemble contre le virus. Nous mettons en place énormément de dispositifs afin d’atteindre les objectifs vaccinaux et de toucher tous les publics“, explique Alain Maron, “La Région de Bruxelles-Capitale a été solidaire avec les autres régions en vaccinant un très grand nombre de navetteurs (65.000 personnes). Et j’en suis fier. Le virus n’a pas de frontière“.

Bruxelles à la traîne : comment l’expliquer ?

Si l’on s’intéresse aux chiffres publiés quotidiennement par Sciensano, on constate effectivement que Bruxelles est la moins bien classée du pays en matière de pourcentage de sa population vaccinée : ainsi, dans la capitale, seule 22,7% de la population âgée de plus de 18 ans a déjà reçu sa première dose, alors que la Flandre et la Wallonie sont à environ 30%.

► Reportage | La vaccination plus lente à Bruxelles qu’ailleurs : comment évoluent les chiffres dans le pays ? (10/04/2021)

Quant à la population qui a déjà reçu sa seconde dose, la Région bruxelloise est à 6,1%, tandis que la Flandre est à 8,1% et la Wallonie 8,6%.

Capture d’écran – Site internet Epistat de Sciensano (26/04/2021)

Alors, comment expliquer que les Bruxellois se fassent moins vacciner ? “Premièrement, il y a plus de culture anti-vax côté francophone que néerlandophone. Deuxièmement, la prévention de la santé et l’accessibilité aux soins est bien inférieure en Région bruxelloise qu’en Flandre ou en Wallonie : on sait que 30 à 40% des Bruxellois n’ont pas de médecin généraliste“, nous explique Inge Neven, responsable du service d’inspection d’hygiène de la COCOM, “Et troisièmement, Bruxelles a une société très internationale, où justement, pour atteindre tout le monde dans sa langue, c’est un plus grand défi qu’en Flandre ou en Wallonie“.

Et à cela se rajoute aussi une quatrième explication, celle avancée par Alain Maron : les chiffres présentés par Sciensano ne tiennent compte que du lieu de résidence, et la capitale a donc vacciné plus que le nombre indiqué, notamment des navetteurs travaillant dans les maisons de repos et les hôpitaux. “La distribution régionale est basée sur le lieu de résidence, et non le lieu de vaccination“, précise Sciensano. Ainsi, un infirmier travaillant à Auderghem, et vacciné dans son hôpital bruxellois, mais vivant en Wallonie, sera repris dans les chiffres wallons, alors que son vaccin provient des stocks bruxellois.

La capitale, plus rapide à descendre la pyramide des âges

Reste que Bruxelles a descendu plus rapidement la pyramide des âges. Ainsi, dans la capitale, des personnes âgées de plus de 51 ans peuvent désormais s’inscrire pour être vaccinées. En Flandre, la vaccination reste restreinte, sauf exceptions, à des catégories d’âge bien plus strictes.

► Article | Les 50 ans et plus invités à se faire vacciner à Bruxelles

De quoi expliquer une couverture plus large de ces catégories en Flandre ? Car aujourd’hui, si l’on prend la tranche des 75-84 ans, qui ont tous déjà été convoqués, ils sont en Flandre 95,15% à être vaccinés, contre 70,4% à Bruxelles.

Il y a deux volontés : celle de vacciner le plus de personnes à risque, et celle aussi d’écouler tous nos vaccins“, indique Inge Neven, “Ces deux défis ensemble font qu’on continue à vraiment sensibiliser, faire converger tous nos efforts vers les personnes les plus âgées, mais qu’on baisse aussi les tranches d’âge pour arriver à écouler tous nos vaccins“.

Interview de Inge Neven, responsable du service d’hygiène de la COCOM

Entretien réalisé par Vanessa Lhuillier

Mais je suis convaincue qu’on va encore voir augmenter ce pourcentage de 70% dans les semaines à venir, même si c’est vrai qu’on doit faire plus d’efforts qu’en Flandre par exemple, où il semble que toute personne qui est convoquée va se faire vacciner“, conclut Inge Neven.

 

Arnaud Bruckner – Photo : Belga (archives)