Un “nouveau continent criminel”: le démarrage en trombe du Parquet européen nécessite des renforts

Le nombre inattendu d’enquêtes qu’a dû ouvrir le Parquet européen depuis sa mise en service il y a trois ans et demi nécessite de le renforcer, affirme lundi sa procureure en chef Laura Kövesi, dans le rapport annuel de l’institution. C’est un “nouveau continent criminel” qui a été découvert.

“Il y a quelques années, on s’attendait à ce que le Bureau du procureur général européen n’ait pas grand-chose à faire, rappelle la magistrate roumaine. Il a été conçu petitement pour s’occuper de ce qui était généralement considéré comme une ‘niche’ criminelle”, à savoir les fraudes qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, et notamment ses subsides. Mais “après plus de trois ans d’activité et la découverte d’un ‘nouveau continent criminel’, la capacité du Parquet européen doit être adaptée à la réalité”, dit-elle.  À ses yeux, ni le parquet qu’elle dirige, ni Europol, l’agence européenne de police criminelle, ne sont suffisamment équipés.

D’autant que tous les États membres participants ne soutiennent pas suffisamment le Parquet européen en lui affectant des policiers enquêteurs spécialisés, un soutien de l’administration fiscale ou des douanes, laisse-t-elle entendre. En Belgique, par exemple, il n’y a pas encore de policiers enquêteurs dédiés à plein temps au Parquet européen, selon le rapport.

Fin 2024, le Parquet européen menait pas moins de 2.666 enquêtes (+38% par rapport à l’année précédente), portant sur un préjudice estimé au budget de l’UE de 24,8 milliards d’euros (+22,5%). Plus de la moitié de ce préjudice (13,15 milliards d’euros) était lié à la fraude transfrontalière à la TVA, avec l’implication quasi systématique d’organisations criminelles.

Huit à dix députés  sous le coup d’une enquête

Au 31 décembre, le Parquet européen disposait de 166 procureurs délégués dans les 24 États participants et de 275 membres du personnel au bureau central, établi à Luxembourg. Dans Le Soir, le chef de l’antenne belge du Parquet européen, Yves Van Den Berge, signale que sa section a besoin de six procureurs délégués de plus que les quatre actuels. “Parce que les dossiers en Belgique sont complexes, par la présence des institutions européennes, de même que les dossiers de fraudes TVA et fraudes douanières”.

Pour le Parlement européen, par exemple, huit à dix (ex-)députés sont sous le coup d’une enquête, selon le procureur européen belge. Il s’agit de soupçons de fraudes aux rémunérations d’assistants parlementaires ou aux jetons de présence. Certaines enquêtes sont connues, comme celles contre la Grecque Eva Kaili (pour des faits n’ayant rien à voir avec le Qatargate) ou les Belges Hilde Vautmans (Open Vld) et Tom Vandendriessche (Vlaams Belang), note Le Soir.

La section belge est aussi en charge de l’enquête sur l’attribution à Pfizer, par la Commission européenne Von der Leyen I, d’un important contrat de vaccins anti-covid, dite “Pfizergate”. Yves Van Den Berge juge possible de boucler cette enquête cette année encore.

Avec Belga