Rue de la Loi : peut-on prendre Bart De Wever au sérieux ?
Faut-il prendre Bart De Wever au sérieux ? Oui, disent les partis flamands. Non, auraient plutôt tendance à répondre les francophones. Cette question n’est pas anodine : si on accorde du crédit à Bart De Wever, c’est qu’on peut discuter avec lui. Si on n’en accorde pas c’est qu’on perd son temps, que tout cela n’est qu’enfumage, communication, pire de la comédie, ou disons de la stratégie politique si on veut être moins méchant.
Au départ, il y a donc cette ouverture de Bart De Wever samedi soir aux vœux de la N-VA. Le président du parti nationaliste flamand y a redit sa disponibilité à entrer dans une discussion en vue de former un gouvernement fédéral. Il a dit aussi qu’il était prêt à discuter de mesures sociales, comme un relèvement des pensions. Il n’a pas reparlé de communautaire, comme si ces demandes-là n’étaient plus sur la table. Bingo : entre le dit et le non-dit, on pouvait conclure que Bart De Wever avait assoupli sa position, qu’il était désormais possible de discuter avec lui. Bref de là à croire que la coalition bourguignonne était désormais possible, ou au minimum envisageable, il n’y avait qu’un pas. Un pas que les deux informateurs Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens se sont empressés de franchir. Un pas appuyé à grandes enjambées par Johan Vande Lanotte, socialiste flamand, qui priait les socialistes francophone de bien vouloir prendre acte de la nouvelle donne.
Oui, Bart De Wever a fait une ouverture. Il faut donc retester cette piste, estiment CD&V, MR et sp.a, mettant ainsi le parti socialiste francophone à nouveau sous pression. Coté PS, on ne change pas de posture, pas de problème pour discuter quand on nous invite, mais toutes ces discussions ont été vaines jusqu’ici et le programme de la N-VA est du point de vue des socialistes francophones toujours aussi indigeste. Le PS a déjà dit 12 fois non, comptait le journal Le Soir ce matin. Pour l’instant, le PS ne fait pas d’autres commentaires, on attendra jeudi soir les vœux de Paul Magnette pour en savoir plus.
Faut-il prendre Bart De Wever au sérieux ? La réponse à cette question ne va pas tomber du ciel. Nous francophones, on se rappelle qu’avant Noël, Bart De Wever parlait de se laver la bouche avec du dentifrice flamand parce que la note de Paul Magnette avait un mauvais gout de bouillie arc-en-ciel. Alors c’est vrai, les mots, même quand ils sont injurieux s’envolent, les écrits restent. Alors pourquoi pas. Vérifions donc s’il est possible de mettre dans une même coalition fédérale des nationalistes flamands et des socialistes francophones, après tout nous ne sommes pas à deux semaines de plus ou de moins. C’est l’option voulue depuis le début par les sociaux-chrétiens flamands. C’est une option avec laquelle peut aussi vivre le Mouvement Réformateur (qui verra plus tard si on embarque les libéraux flamands ou pas). On comprend mieux du coup pourquoi la note Coens-Bouchez penchait autant à droite alors qu’on prétendait jouer la coalition Vivaldi. Pour l’instant Vivaldi, c’est fini, et dire que c’était la coalition de tous les amours, il y a à peine deux semaines. Peut-on croire Bart De Wever ? Pour avoir la réponse c’est assez simple. Il suffit de lui mettre quelques mesures concrètes sous les yeux. S’il dit oui à une pension de 1500 euros en net et pas en brut, s’il dit oui à un relèvement du salaire minimum comme le demandent les socialistes et comme ne veulent pas en entendre parler les patrons flamands, s’il est d’accord pour qu’une norme de croissance donne un peu d’air aux soins de santé, et qu’effectivement le confédéralisme n’est pas pour tout de suite… alors oui, on pourra le prendre au sérieux et acter qu’il effectivement fait un pas vers le PS. on pourra même dire qu’on ne sera plus très loin d’un accord de gouvernement. Franchement, on a un doute. La plupart des éditorialistes flamands ce matin partagent ce doute. Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens vont donc devoir soumettre Bart De Wever au détecteur de mensonge. Deux semaines semblent un délai largement raisonnable pour en avoir le cœur net.