Procès des attentats de Paris : retour sur une audition où Abdeslam aura dit le minimum
Le 102e jour du procès des attentats du 13-Novembre était l’un des plus attendus puisque Salah Abdeslam devait être interrogé sur cette nuit de terreur… mais l’attente a été déçue, mercredi, par le silence du principal accusé qui n’a consenti à dire quelques mots qu’en fin d’audience.
“Monsieur le président, Messieurs et Mesdames de la cour. Aujourd’hui, je souhaite faire l’usage de mon droit au silence“, annonce le Français de 32 ans, au tout début de l’audience, provoquant des soupirs consternés et déçus dans la salle d’audience, remplie.
“C’est votre droit, mais ce n’était pas du tout prévu“, réagit le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès, peinant à cacher sa déception.
Salah Abdeslam, qui a déjà été interrogé deux fois sur le fond du dossier, avait laissé entendre en février qu’il avait fait “marche arrière” et renoncé à tuer, le soir du 13 novembre 2015. Il avait alors promis des explications pour “plus tard“.
“J’ai fait des efforts“, affirme l’accusé, tout vêtu de noir, “j’ai dit des choses” après avoir gardé le silence pendant la quasi-totalité des cinq ans d’enquête.
“La lâcheté est bien la marque de fabrique des terroristes“
Le président le pousse, se “permet d’insister”, évoque les “conclusions” qui pourraient être tirées de son silence. Il reprend les éléments du dossier : les ultimes préparatifs, le voyage des commandos djihadistes vers Paris, le renoncement à faire exploser sa ceinture qu’il avait évoqué en février.
En vain. Impassible, l’accusé, cheveux bruns coiffés en arrière, barbe brune sous son masque noir, Salah Abdeslam continue à regarder droit devant lui.
Le président Périès et ses assesseurs cherchent par tous les moyens à le faire réagir. Rien n’y fait.
Excédé, un des avocats généraux, Nicolas Le Bris dénonce un accusé qui “se prend pour une vedette, fait du teasing et garde le silence, se plaisant à voir les réactions qu’il suscite“.
“On a la confirmation avec vous, M. Abdeslam, que la lâcheté est bien la marque de fabrique des terroristes. Il n’y a pas une once de courage chez vous, c’est vraiment de la lâcheté à l’état brut“, s’emporte l’avocat général.
Le droit au silence
Salah Abdeslam est le quatrième accusé à faire usage de son droit au silence depuis que le procès est entré dans la phase des interrogatoires. Avant lui, Mohamed Bakkali, Sofien Ayari et Osama Krayem (qui refuse depuis des mois de comparaître) ont déjà annoncé qu’ils ne répondraient plus aux questions.
Mardi, Mohamed Abrini avait expliqué avoir renoncé à participer aux attentats et affirmé que son ami d’enfance Salah Abdeslam l’avait remplacé au pied levé. Selon Abrini, Salah Abdeslam devait initialement rejoindre la Syrie et n’aurait intégré les commandos qu’en raison de sa défection.
La cour aurait voulu savoir si Salah Abdeslam allait confirmer ou infirmer ces déclarations, s’il avait renoncé à se faire exploser ou s’il y avait été contraint par un dysfonctionnement technique de sa ceinture ?
Un expert a rappelé à la barre que le gilet explosif de Salah Abdeslam était défectueux. Mais cela ne permet pas de savoir si son porteur a essayé ou non de le déclencher.
Quelques déclarations
Il faudra attendre l’intervention d’une avocate des parties civiles pour, qu’enfin, Salah Abdeslam sorte brièvement de son mutisme.
“On a un petit problème, quand même, vous m’aviez promis une réponse la dernière fois. Alors j’attends ma réponse“, explique d’une voix douce Me Claire Josserand-Schmidt, fixant l’accusé droit dans les yeux.
Salah Abdeslam se dit d’abord “navré“, puis consent à “quand même répondre à quelques questions parce que je vous avais promis“, dit-il.
A-t-il renoncé à se faire exploser, comme il l’avait laissé entendre, demande l’avocate ? “C’est ça“, confirme l’accusé. “Pas par lâcheté, pas par peur, mais parce que je ne voulais pas, c’est tout“.
Pourquoi alors, a-t-il dit à ses proches, “ses frères“, que sa ceinture n’a pas fonctionné ? “C’est un mensonge ?“, demande l’avocate.
“Oui c’est ça, j’avais honte de ne pas avoir été jusqu’au bout. J’avais peur du regard des autres. J’avais 25 ans aussi… J’avais honte, tout simplement“, dit-il.
D’autres avocats tentent de faire parler Salah Abdeslam mais la brève séquence est terminée. Le seul membre encore en vie des commandos djihadistes se mure de nouveau dans le silence.
■ Les explications de Camille Tang Quynh dans Le 12h30