L’Europe commence à Kiev : l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’escalade de la Russie face à l’Ukraine et l’OTAN.
Des militaires russes envoyés en Ukraine. Cette décision de Vladimir Poutine est un pas de plus dans l’engrenage de l’escalade. Mais un pas prévisible, qui n’est sans doute, hélas, pas le dernier. Commençons par bien analyser la situation. Ce qu’a annoncé Vladimir Poutine hier, ce n’est pas encore la guerre, même s’il y a une intention désormais revendiquée de s’affranchir du droit international. Ce que le président russe met en place, c’est donc la reconnaissance de deux républiques sécessionnistes et l’envoi de troupes à l’intérieur de ces territoires. Ce n’est donc pas, ou pas encore, l’envahissement de l’Ukraine.
Dans les faits, ces deux républiques de l’est de l’Ukraine échappaient déjà au contrôle du pouvoir ukrainien. Depuis 2014, ces deux territoires ont autoproclamé leur indépendance. Avec le soutien de Moscou, y compris un soutien militaire qui se cachait à peine. On savait que les forces séparatistes étaient armées, coachées, conseillées par les militaires russes. En annonçant que les soldats russes vont entrer dans ces territoires, Poutine franchit un pas supplémentaire. D’un point de vue du droit, c’est inacceptable : les soldats russes entrent dans un territoire qui est juridiquement le territoire ukrainien. D’un point de vue pratique, c’est surtout une forme de pression supplémentaire. Ce ne sont plus des rebelles, mais l’armée russe elle-même qui va désormais se retrouver au contact direct de l’armée ukrainienne. Avec tous les risques d’incidents irrécupérables que cela représente. Dans l’escalier de l’escalade, Poutine vient donc de gravier une marche supplémentaire.
Alors évidemment, l’Union européenne, l’OTAN, le monde occidental dans son ensemble proteste et annonce des mesures de rétorsion. Personne en revanche n’envisage d’envoyer des soldats sur place. Et ça, Poutine le sait. Si le président russe donne effectivement l’ordre d’envahir l’Ukraine, il ne rencontrera pas de résistance au sens militaire du terme. La vérité est que l’Ukraine est militairement toute seule en face. La volonté politique du peuple ukrainien, qui a donc renversé un pouvoir autoritaire et voulu mettre en place une démocratie à l’occidentale, ne pèse pas grand-chose face à un “niet” catégorique quand il vient d’un voisin surarmé.
Croire que la démocratie se suffit à elle seule est un leurre. La démocratie ne survit que lorsqu’on est en mesure de la protéger. Ça, peu d’Européens en sont sans doute conscients. Pourtant, entre Kiev et Bruxelles, il n’y a que deux mille kilomètres. C’est la distance qui nous sépare de Lisbonne, ou d’Helsinki. C’est moins loin que d’aller jusqu’à Torremolinos.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley