L’État belge condamné à adopter un cadre légal pour encadrer les “mesures Covid”

Le tribunal de première instance de Bruxelles, en référé, a condamné l’État belge à mettre fin aux “mesures Covid” endéans les trente jours, sous peine d’astreintes, a indiqué Me Audrey Lackner, conseil de la Ligue des droits humains qui avait intenté cette action, confirmant une information du Soir.

Dans son ordonnance, le tribunal condamne l’État, représenté par sa ministre de l’Intérieur, à “prendre toutes les mesures qu’elle estimera appropriées pour mettre un terme à la situation d’illégalité apparente découlant des mesures restrictives des libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution […] contenues dans l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et ses arrêtés subséquents“.

Pas de bases légales suffisantes

Le tribunal a donné raison à la Ligue des droits humains (LDH) et à la Liga voor mensenrechten, défendues par Me Audrey Lackner et Me Audrey Despontin, en déclarant illégales les mesures gouvernementales édictées pour contrer la propagation du coronavirus. Le tribunal a estimé notamment que la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile, qui prévoit l’organisation de l’évacuation de la population de lieux ou régions menacés ou sinistrés “vise des situations bien spécifiques qui ne recouvrent pas la situation de gestion d’une pandémie“.

Il a précisé que “soutenir que cette loi offrirait une base légale suffisante aux arrêtés ministériels litigieux reviendrait à conférer à une loi d’habilitation ordinaire une portée générale identique à celle que pourrait avoir une habilitation de pouvoirs spéciaux sans les garde-fous qui l’entourent“.

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Le juge a donc considéré que “dans ces circonstances, il apparaît que les mesures restrictives des libertés constitutionnelles et des droits de l’homme, édictées par l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et ses arrêtés subséquents ne reposent, en apparence, pas sur une base légale suffisante“. Il a ajouté que “si l’urgence des premiers temps de l’épidémie aurait pu expliquer qu’il faille s’appuyer sur la loi du 15 mai 2007, il ne paraît plus justifié de s’en prévaloir plusieurs mois après l’émergence de la crise sanitaire” et que “les difficultés plus que complexes que la crise engendre pour l’État belge ne justifient pas qu’il se soustraie durant de nombreux mois, et maintenant plus d’un an, au principe de légalité qu’exige toute restriction des droits fondamentaux“.

Le tribunal a dès lors ordonné à l’État de mettre fin aux mesures prises dans le cadre de la pandémie, et ce dans les 30 jours, sous peine d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard sur l’exécution de la décision.

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La LDH et la Liga voor mensenrechten avaient introduit une demande devant le tribunal il y a quelques semaines visant à contraindre l’État à suspendre les effets de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et de ses modifications successives. Les avocates des deux associations de défense des droits humains, Me Audrey Lackner et Me Audrey Despontin, avaient soutenu que ces arrêtés “se fondent sur des bases légales inadéquates et sont systématiquement soustraits à la consultation de la section de législation du Conseil d’État sous prétexte d’urgence“. Or, après un an de crise sanitaire, l’urgence n’est plus une excuse pour éviter un débat parlementaire sur les mesures à prendre, avaient-elles avancé.

Le gouvernement fera appel

Le gouvernement fera appel, a annoncé mercredi la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, devant la Chambre. Plusieurs décisions judiciaires et du Conseil d’Etat ont auparavant conforté le fondement de ces mesures, a-t-elle rappelé.

Belga 

Les explications de Anne-Emmanuelle Bourgaux, professeure de droit constitutionnel