L’édito de Fabrice Grosfilley : violence routière
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le danger des poids lourds en centre-ville.
Les terrasses renversées rue Saint-Michel étaient le résultat d’un déséquilibre psychologique, pas d’un acte terroriste. Cela n’empêche pas le conducteur d’être inculpé pour tentative de meurtre.
Ces terrasses renversées, vous vous en souvenez, c’était vendredi dernier à deux pas de la rue neuve. Notre émotion avait été très grande. Les images de surveillance très spectaculaire, on voyait cette camionnette blanche foncer à vive allure vers les terrasses, renverser les tables, rater de peu les consommateurs qui avaient juste eu le temps de sauter de leur chaise. On a échappé à ce qui aurait pu être un véritable drame dans les rues de Bruxelles.
Ce matin, cinq jours plus tard, l’auteur des faits passait en Chambre du conseil. On ne comprend toujours pas très bien les raisons qui l’ont amené à foncer vers ces terrasses. « Il ne va pas très bien » commentait ce midi son avocate, les faits ne sont pas clairs, mais il coopère avec la justice. Et effectivement des examens psychologiques ont été ordonnés.
En attendant le résultat de cette expertise, il est intéressant de noter la qualification retenue par la justice. On parle à ce stade d’une tentative de meurtre. Meurtre pour la justice belge, cela signifie qu’il n’y a pas eu de préméditation, à la différence d’un assassinat. Cette qualification écarte ainsi la thèse de l’attentat ou de l’attaque plus ou moins coordonnée ou préparée. Malgré tout, un meurtre, c’est quand même, l’intention de tuer. L’auteur encourt jusqu’à 30 ans de prison. L’arme du crime ici, c’est bien la camionnette, une arme par assimilation, qui a été utilisée dans le but de commettre un homicide.
Vendredi dernier, lorsque j’avais dans cette chronique soulignée que faire circuler des poids lourds dans des rues censées être réservées aux piétons, je me suis attiré les foudres de quelques internautes qui m’ont accusés sur les réseaux sociaux de faire du bashing anti-voiture. Je note que les commerçants eux-mêmes ont fait part de la même inquiétude et que la Ville de Bruxelles a annoncé réfléchir à l’installation de bornes rétractables dans la rue Saint-Marcel. Parce que c’est une évidence : s’il n’y avait pas eu de camionnette dans cette rue piétonne, il n’y aurait pas eu d’accident.
Partager l’espace entre des usagers faibles et des véhicules lourds, c’est forcément prendre un risque. Aujourd’hui d’ailleurs, l’institut Vias publie une nouvelle étude qui estime que le nombre de blessés sur la route est largement sous-estimé. Il y aurait quatre fois plus de blessés graves que ce que les constats de police enregistrent. Et ces dernières années, quatre blessés sur dix sont des cyclistes. La prise de conscience qu’une camionnette, mais aussi qu’un bus, une voiture, une moto, un scooter, sont des instruments dangereux qui peuvent provoquer des blessures voir la mort, a encore du mal à passer.
En conclusion, il est tout à fait légitime de s’émouvoir de la violence routière qu’on constate chez les autres. Et les images de la rue Saint-Michel peuvent y contribuer. Mais il ne faut pas oublier de s’interroger sur la manière dont on conduit soi-même. Cette interrogation concerne aussi les cyclistes et les trottinetistes, qui face à un piéton, se retrouvent dans le rôle de l’usager fort.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley