L’édito de Fabrice Grosfilley : quel paysage universitaire ?
Dans son édito de ce mardi 02 avril, Fabrice Grosfilley revient sur le décret paysage.
Un premier débat en Commission de l’Enseignement supérieur ce matin, une séance plénière qui pourrait être houleuse mercredi. Et des contacts entre direction de partis qui se multiplient pour essayer de trouver une sortie de crise sans faire trop de dégâts collatéraux. L’évaluation et l’éventuelle réforme du décret paysage sera sans doute le feuilleton politique de la semaine. Ce décret qui impose aux étudiants de réussir leur première année en deux ans, ou rois ans s’ils ont décidé de changer d’orientation, d’avoir bouclé son bachelier en cinq ans et son master en quatre est au cœur d’une bataille rangée depuis le milieu de la semaine dernière. D’un côté, le PS et Ecolo qui demandent qu’on retire ou au moins qu’on gèle la réforme le temps d’y voir plus clair. De l’autre, le Mouvement Réformateur qui estime que cela serait un très mauvais signal envoyé aux étudiants.
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Ce matin, et dans les prochains jours, on risque d’abord d’assister à une querelle de chiffres. Combien d’étudiant sont effectivement concernés par un risque d’exclusion des études supérieures ? Des étudiants qu’on qualifie de non finançables, parce que leur parcours est anormalement long. La Fédération des Étudiants Francophones a avancé le chiffre de 70.000 étudiants concernés pour la rentrée prochaine. Ce chiffre a mis le feu aux poudres. Pour le PS et Ecolo, il n’est pas envisageable de permettre l’exclusion de dizaines de milliers d’étudiants. Pour Françoise Bertieaux, ces chiffres seraient largement exagérés, “farfelus” même. Chaque année, entre 10 et 15% des étudiants deviennent “non finançables”. L’entrée en vigueur de la réforme n’aurait qu’un impact marginal, de l’ordre d’un pourcent supplémentaire. Et ce volume pourrait être absorbé par les universités qui acceptent tous les ans d’inscrire des étudiants non finançables (et donc de prendre à leur charge le coût de leurs études).
La difficulté pour établir la vérité, c’est que tant que les examens ne sont pas passés, on ne peut pas savoir combien d’étudiants risquent ou pas de rester sur le carreau. Premier constat : sans tableau de bord fiable, il est difficile de prendre des décisions sensées. Gouverner avec une boule de cristal n’est pas envisageable quand on parle de l’avenir de millier d’étudiants.
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Deuxième constat : la grande difficulté d’une partie de nos étudiants à mener à bien leurs études. Là, il faudrait sans doute entrer dans le détail, quitte à choquer et heurter de plein fouet quelques tabous. Il y a autant de situations personnelles qu’il y a d’étudiants. Mais le constat est le suivant : pour étudier, il faut avoir du temps. Plus on est contraint de travailler, moins on a de temps pour préparer ses examens. C’est sans doute tout le problème de la paupérisation des étudiants. Ceux qui ont le soutien de leur famille, et ceux qui ne l’ont pas. Ceux qui se contentent d’un job quelques heures par semaine, et ceux qui travaillent à plein temps (ou plus) en parallèle de leurs études. Et puis, on va oser le dire aussi, ceux qui se laissent absorber par la guindaille ou ce qu’on appelle pudiquement le folklore étudiant, et ceux qui se concentrent sur l’enseignement. Le décret paysage est une chose. Le paysage étudiant en est une autre. S’assurer que les étudiants ont le temps d’étudier serait une question de bon sens.
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Dans l’immédiat, le monde universitaire semble majoritairement favorable au maintien du décret paysage. Un millier d’enseignants ont en tout cas signé un appel en ce sens. Pour eux, il faut bien envoyer un signal d’obligation de réussite aux étudiants. Réussir ses examens, passer d’une année à l’autre, cela semble du bon sens. Reste le cas des étudiants qui sont effectivement dans une difficulté matérielle telle qu’il leur est impossible de se concentrer sur leurs études. Faut-il imaginer de les repêcher ou faut-il retirer temporairement le décret paysage ? On entendra l’avis des différents groupes politiques au Parlement de la Fédération. À ce stade, les positions du PS et d’Ecolo et celle du MR semblent très éloignées. La menace d’un vote où la majorité se diviserait, avec un texte qui passerait grâce à une majorité alternative n’est pas à exclure. La menace en est en tout cas brandie. Mais, entre le retrait, le moratoire, l’aménagement, la temporisation, plusieurs options restent possibles. Le décret paysage est donc au centre de l’attention, les enjeux électoraux sont énormes et la semaine politique sera tendue.
Fabrice Grosfilley