Pour rappeler Vooruit, il faudrait faire des concessions. Les dirigeants du parti socialiste néerlandophone l’ont encore répété ce week-end. Ils sont désireux de participer à une coalition fédérale, mais à la condition expresse qu’on augmente l’impôt des plus riches. C’est donc une exigence préalable. Jusqu’à présent, la N-VA et surtout le Mouvement Réformateur refusent cette condition. Ce serait permettre à Vooruit de commencer la négociation avec deux buts d’avance, explique Georges-Louis Bouchez depuis plusieurs jours. Le retour de Vooruit semble, à ce stade, faire l’objet d’un veto du Mouvement Réformateur et peut-être aussi de la N-VA.
La seconde option, celle de l’Open VLD, a donc été testée au cours de contacts discrets ce week-end. Elle se heurte aux réticences de la famille centriste. Maxime Prévot et Sammy Mahdi ne sont pas enthousiastes; ils craignent de se retrouver dans une coalition qui pencherait trop à droite. Ils redoutent également une instabilité chronique d’une majorité qui ne tiendrait qu’à un siège. Avec notre “bande des quatre” plus l’Open VLD, cela fait 76 députés… c’est donc très juste. Trop juste, disait encore hier Sammy Mahdi sur le plateau de RTL : “C’est du cirque, et je ne m’appelle pas Bouglione.” Fin de la conversation et retour à la case départ.
À ce stade, le groupe des quatre est donc divisé. Le MR et la N-VA penchent vers l’Open VLD et voudraient étudier cette piste. Le CD&V et Les Engagés penchent vers Vooruit et seraient prêts à envisager certaines concessions pour ramener les socialistes néerlandophones à la table de négociation. Si aucun accord n’est trouvé ce matin, Bart De Wever risque de ne pas avoir grand-chose à raconter au roi Philippe. Le constat est d’autant plus cruel que le résultat des élections laissait entrevoir une situation relativement claire, avec une coalition qui semblait, sur le papier, assez évidente. Après une première occasion ratée, lorsque le MR avait refusé la première “super note”, voici la seconde torpillée également, cette fois-ci par le refus de Vooruit. On verra si Bart De Wever a droit ou non à une troisième chance.
Ce piétinement dans la choucroute fédérale ne fait pas spécialement les affaires des négociateurs bruxellois. Là aussi, on fait du surplace pour l’instant. D’abord du côté néerlandophone : tant qu’il n’y a pas d’accord au fédéral, Vooruit et la N-VA n’ont pas réellement de raison de voler au secours du formateur David Leisterh. On n’a donc toujours pas de majorité dans le collège néerlandophone, même si les choses ne sont pas complètement figées. Deuxième raison de ne pas se réjouir : tant que ce sera l’impasse au fédéral, les regards ne se tourneront pas trop vers la région bruxelloise. Pas trop d’attention de la presse nationale, pas trop d’implication des états-majors des partis nationaux, il n’y a pas de raison que les négociations bruxelloises enregistrent un coup soudain d’accélérateur. Et même au contraire, tant que les négociations communales à Forest, Schaerbeek et, dans une moindre mesure, Molenbeek sont en cours, il est probable que les discussions à la région resteront sur un faux rythme. À tel point qu’on commence à douter qu’un gouvernement bruxellois puisse être formé d’ici la fin de l’année.
Fabrice Grosfilley