L’édito de Fabrice Grosfilley : les finances communales

C’est un signal d’alarme. L’étude de la banque Belfius sur l’état des finances communales n’aura peut-être jamais été aussi inquiétante que cette année. Cela fait 45 ans maintenant que la banque publie ce baromètre communal. Ce n’est pas une situation dramatique, mais c’est une situation tendue, indiquait l’un des auteurs de l’étude à l’agence belga hier. Les communes ont dû puiser dans leurs bas de laine. Pour la plupart d’entre elles, il n’y a plus de réserve, et la situation est plus délicate en région bruxelloise qu’ailleurs.

Ce qui met les finances communales dans le rouge, ce sont avant tout les charges liées aux salaires. Les frais de personnel représentent 40 % des dépenses ordinaires. Quand l’inflation repart à la hausse et que les salaires sont indexés, cela fait mal. C’est exactement la situation que nous avons connue ces deux dernières années avec la flambée des prix de l’énergie et les indexations à répétition. Cette flambée des prix du gaz et de l’électricité a également un impact sur les dépenses des CPAS. Elles représentent environ 15 % des dépenses des communes. Plus les ménages sont en difficulté, plus ces dépenses augmentent. Cette enveloppe CPAS est en augmentation de 8 % par an en moyenne, et les communes les plus paupérisées sont plus touchées que les autres.

Enfin, troisième grosse augmentation : la charge des pensions. Les agents communaux, de par leur statut, restent à charge des communes une fois qu’ils sont pensionnés. Aujourd’hui, cette charge des pensions représente 100 millions d’euros à charge des communes. Elle passera à 175 millions d’ici 2028. C’est probablement le problème budgétaire numéro un auquel les communes devront faire face.

Personnel, pauvreté, pension : c’est la règle des trois P. Trois postes budgétaires qui sont en augmentation dans toutes les communes dans la colonne des dépenses. Dans la colonne des recettes, on retrouve le précompte immobilier et les centimes additionnels des impôts sur le revenu. Augmenter le précompte ou les centimes additionnels n’est jamais populaire. Cela peut aussi avoir des effets de retour négatifs, quand les habitants envisagent de s’installer ailleurs. Mais c’est peut-être un exercice auquel les communes bruxelloises devront se plier dans les prochaines années. Quand on doit augmenter la pression fiscale, il est préférable de le faire en début de mandature, alors qu’à l’approche des élections suivantes, il est politiquement préférable de desserrer la pression fiscale si l’on veut avoir une chance d’être réélu.

En théorie, il faut savoir que les communes n’ont pas le droit de présenter un budget en déficit. Pour combler les trous, nos communes peuvent donc solliciter l’aide de la région ; c’est la dotation régionale qui permet d’équilibrer. Quand le déficit est trop important, les communes doivent présenter un plan d’apurement, leur budget passe alors sous tutelle de la région. C’est le cas aujourd’hui de 11 communes sur 19 en région bruxelloise. Les communes qui reçoivent le plus d’aides de la région sont, dans l’ordre, Anderlecht, avec près de 40 millions d’aide régionale, Molenbeek, Schaerbeek et Jette qui reçoit 22 millions. La commune de Bruxelles, qui a elle aussi des dépenses sociales importantes, a l’avantage d’avoir des ressources liées à ses biens immobiliers et à la présence de grandes entreprises situées sur son territoire qui la mettent à l’abri.

La suite des opérations ne sera pas simple, surtout si l’on renvoie des chômeurs vers les CPAS en limitant les allocations de chômage dans le temps, surtout si l’inflation perdure et que les salaires continuent d’augmenter. Les communes bruxelloises pourraient bien se retrouver étranglées dans les prochaines années. La réduction du personnel risque de devenir un impératif budgétaire, avec ce que cela implique en termes de services rendus à la population. Il ne faut pas oublier non plus que derrière les communes, il y a la région. Quand les communes s’enrhument, c’est finalement toute la région qui éternue.

Fabrice Grosfilley