L’édito de Fabrice Grosfilley : le réchauffement, la ville et les inégalités
Dans son édito du mercredi 15 novembre, Fabrice Grosfilley revient sur le réchauffement climatique.
4 degrés, c’est ce qui attend la Région Bruxelloise en matière de réchauffement climatique. Si nous sommes nombreux à avoir plutôt en tête le chiffre de 1,5°C, c’est que nous sommes peut qu’insuffisamment ou confusément informés sur la question : 1,5, c’est l’objectif de l’accord de Paris. Un objectif que nous sommes en train de rater : nous sommes plutôt sur une trajectoire qui actuellement nous rapproche des 2 degrés. Et si rien ne change, ce seront même 2,7 degrés à l’horizon 20100. Et puis surtout ces chiffres de 1,5 ou 2 degrés ou de deux degrés qu’on entend très régulièrement lorsque parle de changement climatique ne sont que des moyennes mondiales. Or, à Bruxelles, nous serons au-dessus de la moyenne. C’est la raison pour laquelle BX1 a décidé de lancer un podcast sur la question. Il est mis en ligne ce matin, pas pour faire peur, mais pour informer tout simplement. Pour donner l’état des connaissances scientifiques sur la question, pour partager les projections disponibles avec les premiers concernés, les habitants de Bruxelles, et surtout aussi pour essayer de trouver des pistes de solutions. Il ne suffit pas de savoir que la température va monter de 4 degrés dans les prochaines décennies, il faut surtout s’y préparer et adapter la ville et nos modes de vie en conséquence.
Pourquoi 4 degrés ? Parce que la terre se réchauffe plus vite que les océans (1,5 degré est donc la moyenne mondiale, océans inclus.) Ensuite parce que la terre se réchauffe plus vite aux pôles qu’à l’équateur. C’est pour cela que les glaces de l’Antarctique et de l’Arctique sont menacées (nous, nous sommes situés à mi-chemin entre le pôle et l’équateur). Quand on parle de 1,5 degrés de réchauffement, cela veut dire plutôt 2,5 degrés pour l’ensemble de la Belgique. Et en ce qui concerne Bruxelles et les grandes villes il faut ajouter un troisième facteur, que les scientifiques appellent “l’ilot de chaleur urbain”. La forte concentration, la présence d’activités humaines et le fait que les bâtiments stockent la chaleur entrainent un phénomène de réchauffement supplémentaire, surtout perceptible en été. Une sorte de “prime à la chaleur” en quelque sorte. Quand on interroge les climatologues sur le climat de demain en Région Bruxelloise ils avancent spontanément des chiffres qui se situent entre 3 et 5 degrés d’augmentation des températures. Les scientifiques de l’IRM et du centre fédéral climat, sur la base du site de l’observatoire à Uccle, ont mené une étude précise sur la question d’où il ressort que l’élévation des températures attendue en Région Bruxelloise se situe entre 3,6 et 4,1 degrés.
Quand on observe sur la longueur les relevés météo sur le site d’Uccle, le réchauffement climatique saute aux yeux. C’est en moyenne un dixième de degrés de plus par tranche de dix années. Phénomène qui pourrait s’accélérer ou s’amplifier dans les prochaines décennies. Il faut ensuite avoir en tête que nous parlons bien de moyennes, pas d’une augmentation linéaire. On ne ressentira pas fortement cette hausse des températures moyennes en hiver ou au printemps par exemple. On la ressentira en revanche très nettement en été, avec des vagues de chaleur qui seront plus intenses et plus longues.
► Revoir | À Bruxelles, le réchauffement climatique pourrait atteindre 4 degrés
Les scientifiques que nous avons rencontrés pour ce podcast nous alertent aussi sur la disparités entre les différents quartiers de Bruxelles. Ce sont dans les quartiers les plus densément peuplés, et donc les plus populaires, que le phénomène d’îlot de chaleur sera le plus fort. Cela peut entrainer pendant les pics de chaleur une différence qui peut aller jusqu’à 3 degrés. Cela veut dire que demain, au plus fort de l’été, on pourrait avoir jusqu’à 3 degrés d’écart entre les températures relevées, au centre ville, dans les Marolles, à Anderlecht, Schaerbeek, Koekelberg ou Molenbeek d’un coté, et des températures observées à Uccle, Watermael-Boitsfort ou Woluwe-Saint-Pierre de l’autre. Ajoutons que ce sont souvent dans les quartiers populaires que les logements sont mal isolés et qu’on manque d’espace verts. L’impact du réchauffement climatique sera inégalitaire et ne sera pas sans conséquence sur la santé et l’espérance de vie. Chaque vague de chaleur se traduit par des décès supplémentaires, en particulier parmi les personnes âgées.
Ce matin, hasard du calendrier la revue médicale, The Lancet publie une nouvelle étude sur les conséquences des changements climatiques sur la santé. Selon ce rapport le nombre de décès liés à la chaleur dans le monde devrait être multipli par 5 dans les 30 années à venir. 5 fois plus de décès, liés aux sécheresses, aux famines, aux maladies infectieuses transportées par les moustiques qui seront plus nombreux… Tous ces chiffres sonnent comme des avertissements alors que s’ouvre dans deux semaine le 28e conférence internationale sur le climat, la COP 28. Et alors que 2023 s’annonce d’ores et deja comme l’année la plus chaude jamais enregistrée dans l’historie de l’humanité.
Fabrice Grosfilley