L’édito de Fabrice Grosfilley : le grand écart
Dans son édito du lundi 5 février, Fabrice Grosfilley revient sur le départ du PTB, du député Youssef Handichi
Youssef Handichi, sera-t-il candidat aux élections de juin prochain ? Ce lundi matin, il est difficile de répondre à la question. L’intéressé se tait dans toutes les langues et ne répond pas aux messages que nous lui avons envoyé. Initialement, Youssef Handichi avait annoncé qu’il quittait la politique. Déclaration faite au mois de septembre à nos confrères de la Dernière Heure. Il indiquait des divergence avec son parti, estimant qu’il y avait des dérives. Petite phrase sibylline, mais le député n’avait pas voulu en dire plus. Il indiquait qu’il souhaitait en tout cas à ce moment-là reprendre sa place à la Stib, et avait lancé un appel en ce sens à Brieuc de Meeus. Depuis, Youssef Handichi se faisait discret, visiblement la piste d’un retour à la Stib ne s’était pas concrétisée, le député bruxellois avait entrepris des démarches pour monter une entreprise.
Depuis la semaine dernière, c’est une autre musique qui accompagne les conversations où il est question de Youssef Handichi. Celle d’un rapprochement entre le député PTBiste et l’état-major des partis libéraux. On emploiera le conditionnel puisqu’il semble que Youssef Handichi ait eu des discussions assez avancées tant avec Alexia Bertrand, de l’Open VLD, qu’avec David Leisterh du Mouvement Réformateur (et ce matin Georges-Louis Bouchez sur notre antenne a reconnu avoir aussi eu des contact et laissait la porte ouverte à un éventuel ralliement de l’intéressé). A-t-on réellement proposé au député rouge foncé d’avoir une place sur les listes bleues ? Personne ne le confirme, mais personne ne le dément. Plusieurs quotidiens ont donc avancé ces derniers jours l’hypothèse de voir Youssef Handichi figurer sur une liste commune MR-Open VLD aux prochaines élections législatives, il aurait même pu dérocher la 3eme place, ce qui lui assurerait un siège à la chambre. Il faut rappeler que Youssef Handichi avait obtenu 13 000 voix lors des élections régionales de 2019. Le 4ème meilleur score tous partis confondus lors de cette élection. L’ancien syndicaliste de la STIB, connu pour sa liberté de parole, jouit d’une popularité certaine. Il pourrait donc amener au parti qui le recrutera un matelas de voix non négligeable, et surtout aller chercher ces voix dans les milieux ouvriers et chez les Bruxellois issus de l’immigration, deux catégories dans lesquelles le Mouvement Réformateur et l’Open VLD ne sont pas toujours très performants. Amener Youssef Handichi sur ces listes c’était donc une surprise, et peut être un bon coup électoral.
Du coté du PTB, on a avalé son café de travers en lisant les gazettes et en apprenant ces tractations. Le parti a donc publié un communiqué hier pour annonce que Youssef Handichi quittait le parti. “Fin de la collaboration d’un commun accord” dit le communiqué de 7 petites lignes. Youssef Handichi siégera donc désormais comme indépendant au parlement régional. C’est vrai que voter avec le groupe communiste quand on discute avec les libéraux est un grand écart qui n’est pas très confortable. On imagine que Youssef Handichi bénéficie d’une souplesse hors du commun.
Nous qui suivons cela de l’extérieur, nous attendons donc la suite de l’histoire. Y-a-t-il vraiment des tractations entre la famille libérale et ce député d’extrême-gauche ? Quelle sera l’explication fournie, sera-t-il finalement sur les listes, et en quelle positon ? Et on se demande qui nous surprend le plus dans cette opération de ralliement-débauchage étonnante ? Est-ce la famille libérale qui mange son chapeau quand Georges-Louis Bouchez assimile l’extrême-droite à l’extrême-gauche et réclame un cordon sanitaire pour isoler le PTB quand dans le même temps il négocie ou laisse négocier un tel ralliement ? Est-ce Youssef Handichi lui même qui après avoir passé 2 mandats, donc 10 années au Parlement bruxellois, à taper sur les patrons, à se présenter comme le défenseur de la classe ouvrière, à dénoncer la politique de la Stib (en réclamant au passage la gratuité des transports en commun), à défendre les actions syndicales, en allant se présenter physiquement sur les piquets de grève, à voter l’autorisation de l’abattage rituel, sans oublier la défense d’une lourde taxation des hauts-revenus, pour finalement rejoindre un parti qui dit l’inverse de tout ce qu’il a défendu. Qu’on porte un costume trois pièce de marque italienne, un bleu d’ouvrier ou un gilet fluo, le réflexe est donc le même. Quelque soit le tissu, une veste ça peut toujours se retourner.
Fabrice Grosfilley