L’édito de Fabrice Grosfilley : la fracture numérique
Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le numérique.
Près d’un Belge sur deux n’est pas à l’aise avec l’utilisation du numérique. La crise du Covid n’a rien arrangé, au contraire, c’est ce qui ressort d’une étude publiée aujourd’hui par la fondation Roi Baudoin.
Le numérique, c’est l’ensemble des techniques qui nous permettent d’interagir à distance. Un site internet, une application, les réseaux sociaux, un QR code, le fait d’utiliser son smartphone comme moyen de paiement, tout cela appartient à cette culture du numérique, qui est aujourd’hui omniprésente, dans la vie publique, dans nos activités professionnelles, et de plus en plus aussi dans nos activités privées.
Le problème, c’est que 46% des Belges, près de la moitié donc, sont en situation de vulnérabilité numérique. Pour être plus précis, nous avons 7% de la population qui n’utilisent pas du tout le numérique. Internet leur est une terre étrangère ; et 39% ont recours à des outils numériques, mais qui ne les maîtrisent pas, ce que la fondation Roi Baudouin appelle de faibles compétences. Et le drame, c’est que ces deux catégories ont tendance à augmenter. Pour les compétences jugées insuffisantes, on est passé de 32% à 37% de la population en l’espace de deux.
Prenons un exemple, celui de la sécurité en ligne. Savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire, comment protéger un code d’accès, protéger ses données, ne pas s’exposer inutilement aux pirates informatiques. 30% des Belges n’ont aucune compétence dans ce domaine-là. Et 28% ont des compétences considérées comme insuffisantes.
Si ces chiffres sont particulièrement alarmants, c’est parce qu’on sort de deux années de Covid-19 où le numérique a été plus présent que jamais. L’enseignement à distance, les courses en ligne, avec le fameux click and collect, mais aussi les guichets des administrations qui sont restés longtemps inaccessibles, et le mouvement de fonds dans le secteur des banques et des assurances qui ferment leurs agences à tour de bras… nous n’avons jamais été aussi poussé par le numérique, et il est probable que ce mouvement va encore s’accentuer.
L’autre constat, et il n’est pas neuf, de la fondation Roi Baudoin, c’est la corrélation entre le niveau de vie ainsi que le niveau d’étude et l’inclusion numérique. Les ¾ de ceux qui ont un revenu supérieur à 3200 euros possèdent un ordinateur portable. Chez ceux qui ont moins de 1400 euros par mois pour vivre, on arrive tout juste à la moitié. Cette fracture numérique, on peut la constater aussi dans le fait d’avoir ou pas internet à domicile, d’avoir ou pas une connexion mobile, d’avoir ou pas un accès à un service de ebanking, etc. Et même chez les jeunes, ceux qui sont peu diplômés n’ont dans un cas sur 4 accès au numérique qu’au travers d’un seul smartphone, alors que quasiment tous ceux qui ont fait des études supérieures ont accès un ordinateur.
Bref, plus le temps passe et plus la fracture numérique se creuse. « Il est urgent de prendre conscience de l’ampleur de la situation » disait l’une des chercheuses qui présentait l’étude ce matin. À chaque fois qu’on supprime un guichet humain, qu’on renonce à un envoi papier et qu’on le remplace par un service numérique ou par un PDF à télécharger… on prend le risque qu’une partie non négligeable de la population n’ait plus accès à ces informations. Une fracture, ça peut soigner, le décrochage et le repli sur soi… c’est beaucoup plus compliqué.