L’édito de Fabrice Grosfilley : éclaircissements ?

Le lundi, c’est bureau de parti. Depuis toujours – ou presque – ce rituel immuable rythme la vie de nos formations politiques. On peut l’appeler autrement : conseil de fédération, comité directeur, secrétariat général, groupe des 10, parlement interne, direction journalière… mais le résultat est le même. Il y a, dans chaque parti, une instance décisionnelle appelée à réfléchir sur les grandes orientations et à valider les choix stratégiques.

Ces bureaux de parti peuvent, selon les cas, fonctionner au consensus ou passer par un vote. Ils sont plus ou moins ouverts à la discussion, plus ou moins soumis à l’autorité du président de parti, plus ou moins participatifs ou disciplinés, plus ou moins portés sur les grands enjeux idéologiques ou sur les questions de fonctionnement interne. Chaque parti a développé sa propre culture en la matière. Ce sont des réunions plus ou moins opaques aussi : habituellement, ce qui se discute en interne n’a pas vocation à se retrouver sur la place publique. Mais il y a évidemment des fois où ça dérape. Ce lundi, nos bureaux de parti ne devraient pas faire l’impasse sur la situation politique en Région bruxelloise.

Depuis la semaine dernière, il y a désormais deux initiatives sur la table : celle du Mouvement Réformateur, qui a déposé une proposition de déclaration de politique générale, et celle du Parti socialiste, qui a réussi à réunir six partis en vue de bâtir une coalition progressiste. La première proposition n’a pas suffisamment de soutien pour obtenir une majorité à ce stade. La seconde n’en est qu’à ses débuts, et l’on n’est pas sûr que tous les partis ayant participé à la première réunion soient prêts à entrer réellement en négociation. Ce lundi, ou dans les jours à venir, on attend donc que les uns et les autres clarifient leur position. Qui est prêt à soutenir le texte du Mouvement Réformateur ? Qui est prêt à discuter avec le Parti socialiste ?

Il faut se préparer à ne pas avoir toutes les réponses aujourd’hui. Les partis vont sans doute essayer de ne pas dévoiler leurs cartes trop rapidement. Éviter d’aller trop vite et de s’en mordre les doigts ensuite. « Tout n’est pas noir ou blanc », vous diront-ils. Il peut y avoir de bonnes choses dans le texte du MR, et un intérêt à entrer dans le processus proposé par Ahmed Laaouej… ou l’inverse. Quelques jours de réflexion supplémentaires – autant de temps pour continuer à négocier en sous-marin – constituent donc un scénario plausible.

Et pourtant, nos partis n’ont plus vraiment beaucoup de temps. Ecolo Bruxelles tiendra une assemblée générale ce jeudi. Il est probable que les militants voudront, à cette occasion, peser dans un sens ou dans l’autre. La date du 9 juin approche : lundi prochain, cela fera en effet un an que les citoyens auront voté. Apparaître comme celui qui bloque, alors que les rédactions mettront forcément l’accent sur ce curieux anniversaire, n’est pas sans risque en termes d’image de marque. Une manifestation citoyenne, sous forme de pique-nique, est d’ailleurs annoncée place de la Bourse ce jour-là.

Après le 9 juin, il y aura le 13 juin : date à laquelle l’agence Standard & Poor’s rendra son verdict sur la capacité de la Région à rester un emprunteur digne de confiance. Bref, le monde politique va se retrouver sous pression dans les semaines à venir. Ceux qui apparaîtront comme facilitateurs de solutions et clairement engagés dans une négociation s’en sortiront mieux que ceux qui campent sur leurs exclusives et refusent de faire un pas vers un compromis.

On ajoutera une dimension supplémentaire : la capacité à se distancier – ou pas – de ce qui se passe à l’échelon fédéral. Qui est prêt à se passer de la N-VA, au risque de déplaire à Bart De Wever ? Qui préfère ne pas favoriser une coalition qui serait perçue comme divergente, voire concurrente, de la coalition Arizona ? En théorie, la question ne devrait pas se poser. Un fédéralisme de coopération mature, c’est assumer que les niveaux de pouvoir sont indépendants les uns des autres. Mais visiblement, cette maturité-là – quand on entend les menaces de mise sous tutelle ou le chantage aux mesures de rétorsion – nous ne l’avons pas vraiment atteinte.

Ce week-end, on aura d’ailleurs remarqué une prise de parole remarquée d’Yvan Verougstraete, président des Engagés, sur le réseau X. Une prise de parole avec deux messages en un. D’abord, l’affirmation que, finalement, les Engagés ne veulent pas gouverner avec la team Fouad Ahidar. Un désaveu cinglant pour le chef de file Christophe De Beukelaer, qui avait ouvert cette possibilité sur les antennes de LN24, estimant qu’il était temps pour son parti aussi de lever les exclusives. Il est donc rappelé à l’ordre par son président de parti.

Deuxième message d’Yvan Verougstraete, cette fois à destination des libéraux : il les appelle à renoncer à la présence de la N-VA dans le collège néerlandophone. Cette présence, note-t-il, rend toute majorité francophone impossible, vu que DéFI, Ecolo et le PS la refusent. Il appelle donc les libéraux, MR et Open VLD, à accepter de remplacer la N-VA par le CD&V. On notera le paradoxe de cette double déclaration : moi, je ne veux pas gouverner avec Fouad Ahidar. Mais vous, vous devriez pouvoir vous passer de la N-VA. C’est tout le problème de ces interminables concertations, où l’on estime que ce sont les exclusives des autres qui posent problème et bloquent le jeu, alors que celles que l’on a émises soi-même seraient forcément légitimes et acceptables.

Ce n’est sans doute pas comme cela que les négociations pourront avancer.

Fabrice Grosfilley

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