L’édito de Fabrice Grosfilley : climat, le rendez-vous manqué
C’est un rendez-vous que nous sommes en train de rater. En 2050, la Belgique, comme le reste de l’Union européenne, s’est engagée à atteindre la neutralité carbone. Ce sont les accords de Paris, négociés il y a déjà dix ans.
Les derniers chiffres publiés par le Service public fédéral de la Santé publique, chargé de réaliser un baromètre de la transition, indiquent que nous ne sommes pas nulle part. D’après les données disponibles, en 2023, la Belgique avait déjà réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 31 % par rapport à 1990. Cela nous place sur une trajectoire de baisse d’environ 1 % par an. Ce n’est pas rien, mais c’est insuffisant. Il faudrait doubler ce rythme pour atteindre le zéro carbone en 2050.
Le bulletin n’est pas « peut mieux faire », mais doit mieux faire. Et cela vaut pour tous les secteurs producteurs de gaz à effet de serre : l’énergie, le chauffage des bâtiments, la mobilité, l’agriculture. « Aucun secteur ne s’inscrit sur une trajectoire cohérente avec les scénarios de neutralité climatique en Belgique », constate le baromètre de la transition.
Ce baromètre épingle notamment le transport individuel, dont les émissions ne sont pas en baisse, mais en hausse de 18 % depuis 1990. Le transfert modal de la voiture vers des modes de mobilité douce reste insuffisant, et le nombre de voitures ne cesse d’augmenter en Belgique. Quant à l’électrification du parc automobile, elle concerne surtout les voitures de société et n’en est qu’à ses balbutiements pour les voitures de particuliers. Autre source d’inquiétude : l’artificialisation des sols et l’étalement urbain.
Si ce rapport est fédéral et concerne la décarbonation de l’ensemble du pays, les deux éléments que je viens de citer entrent en résonance avec l’actualité bruxelloise. Le transport individuel, c’est la LEZ, la zone de basses émissions, qu’un tribunal vient de réimposer à nos gouvernants, alors qu’une majorité de parlementaires avait voté pour un décalage dans le temps.
L’artificialisation des sols, c’est une autre décision de justice apprise ce lundi matin qui demande de geler les constructions sur les zones non bâties tant qu’on n’aura pas adopté un nouveau plan régional d’affectation des sols.
Dans les deux cas, la justice a donc tordu le bras des politiques.
Il est vrai que la lutte contre le réchauffement climatique ne semble plus autant au centre de nos préoccupations qu’elle ne l’était il y a quelques années. Pas seulement en Belgique, mais dans toute l’Europe. Nous avons d’autres soucis : Donald Trump, la guerre en Ukraine qui déborde sur nos bases militaires, la déferlante du trafic de drogue, la situation sociale et budgétaire.
Mais s’il y a des hommes ou des femmes d’État dans nos négociations bruxelloises, ils ne devraient pas ignorer ce baromètre et les signaux que la justice leur envoie. Encore faudrait-il, pour commencer, qu’il y ait un véritable gouvernement.





