Le projet d’ordonnance sur le financement des cultes revient au parlement

La semaine prochaine, les membres de la commission Affaires intérieures du Parlement bruxellois se pencheront sur le projet d’ordonnance du gouvernement Vervoort visant à la régionalisation du financement des cultes. Mais le texte est plus qu’une affaire comptable et pose pas mal de questions pour les cultes.

En février 2020, le gouvernement de Rudi Vervoort approuvait en première lecture un avant-projet d’ordonnance portant sur “la gestion des intérêts matériels des communautés cultuelles locales reconnues”. Depuis, le conseil d’État a pu remettre son avis, les communautés ont analysé le texte et quelques amendements ont déjà été déposés en vue de la discussion de la semaine prochaine.

Actuellement, le financement des cultes catholique, protestant, anglican et israélite est assuré par les communes alors que les musulman et orthodoxe le sont par la Région. Il existe donc une inégalité de traitement. Pour modifier cela, il fallait s’attaquer à un décret napoléonien. Mais Rudi Vervoort (PS) a décidé d’aller plus loin. En plus du financement par la Région, il change les règles en matière de reconnaissance, de comptabilité, d’investissement, mais surtout de compensation du déficit.

La Région bruxelloise financera les fabriques d’église, mais avec modération

“Chaque année, certaines fabriques d’église nous rendent des comptes en déficit”, explique le bourgmestre d’Auderghem, Didier Gosuin (DéFi). “Au fil du temps, de plus en plus de conseillers communaux votent contre mais ensuite, la décision du conseil communal est cassée par la tutelle régionale puisque nous avons l’obligation de financer les déficits. Il fallait réformer cela. Nous l’attendions depuis longtemps.”

Un financement de 30%

Effectivement, sur la centaine de fabriques d’église bruxelloise, environ 40% ne demandent aucun financement. Pour les autres, cela peut aller de 200 à 30 000 euros. En tout, les Pouvoirs locaux estiment que les fabriques leur coûtent 1,7 million d’euros par an. La Région souhaite prendre en charge cette somme, mais en imposant un plafond, à savoir 30% du montant du budget ordinaire. Pour les Saints-Michel et Gudule et pour les fabriques qui s’associent, on montera à 40%. Le but est de rendre la gestion plus méticuleuse. Et si le déficit s’installe, alors il faudra vendre le patrimoine immobilier ou les avoirs.

Une communauté de 200 membres

Pour être financés, les cultes doivent aussi répondre à d’autres obligations. Il faudra tout d’abord s’enregistrer et prouver que la communauté fait plus de 200 membres. “Au départ, on voulait que nous donnions une liste avec des noms ce qui a été refusé par les Juifs et nous pouvons les comprendre”, explique Thierry Claessens, adjoint de l’évêque auxiliaire de Bruxelles. “Nous devons donc estimer le nombre de nos membres, mais nous ne savons pas quelle est la définition d’un membre. Est-ce une personne qui vient tous les dimanches ou seulement à un mariage ? A priori, à Bruxelles, cela ne devrait pas nous poser de problème de reconnaissance.”

Un plan pluriannuel

Une fois cette étape franchie, les cultes devront remettre un plan pluriannuel d’investissements sur une période de 5 ans. La comptabilité devra aussi être faite de manière informatique et standardisée. Pour le moment, certains bénévoles font encore des comptes à la main. Un système commun à tous les cultes de type tax-on-web devrait être mis sur pied par la Région.

Si la Région valide le plan pluriannuel, la procédure sera assouplie pour chaque année prise en considération dans le plan. Le regroupement de communauté doit aussi permettre de créer moins de documents, mais aussi de transférer des fonds entre les membres sans pour autant parler de fusion. “Cela doit se faire de manière spontanée, mais nous demandons de pouvoir l’organiser au niveau de l’archevêché”,  commente Thierry Claessens. “Les fabriques ne se connaissent pas. Certaines ne demandent jamais d’argent, d’autres 60%. Nous avons une vision globale et pourrions mieux gérer ce passage.” Un amendement a d’ailleurs été déposé en ce sens par le CD&V et le cdH.

Les conseils d’administration devront aussi être composés de 5 personnes avec un maximum de 3 personnes du même genre. Et là, cela pose de grandes difficultés. “Nous avons plus d’hommes dans nos conseils d’administration”, concède Thierry Claessens. “Nous avons déjà du mal à trouver des bénévoles. Avec le changement de comptabilité, certains arrêteront. Alors si nous devons en plus prendre en compte le genre, je crains que cela soit impossible. Nous demandons un délai pour répondre à cette demande.”

De manière globale, l’Église juge les demandes difficilement exécutables dans le délai imparti. En effet, l’ordonnance doit rentrer en vigueur le 1er janvier 2022 pour que les plans pluriannuels arrivent au 1er janvier 2023“Si je fais un rétroplanning, cela veut dire que nous devons avoir formé tous nos bénévoles pour avril de l’an prochain afin de rentrer les comptes en septembre. Il ne faut pas que la Région traîne dans le vote et la publication des arrêtés d’exécution.”

L’entretien du patrimoine

Reste la question du financement de l’extraordinaire. Si les communes sont propriétaires du bâtiment, elles doivent l’entretenir. Mais s’il appartient au culte, dans la nouvelle ordonnance, la Région ne serait plus obligée de financer les travaux. Pour le culte catholique, beaucoup d’églises sont classées et recevront donc de l’argent de la Région. Mais pour les autres, ce n’est que rarement le cas. “Cela pose une question d’égalité de traitement qui doit être débattue”, ajoute Ahmed Mouhssin, député Ecolo. “Idem d’ailleurs pour le bouddhisme et les activités laïques. Il faut donc qu’on nous précise ce que comprend ce 1,7 million d’euros que la Région prendrait en charge.”

“En vue de l’élaboration de ce projet d’ordonnance, il aurait été essentiel de mener une concertation approfondie avec tous les acteurs concernés”, conteste la députée Céline Fremault (cdH). “Or, il apparaît clairement aujourd’hui qu’il y a eu très peu de contact entre le Ministre-Président ou son cabinet et les représentants des cultes, par exemple. Ceux-ci ont plutôt été mis devant le fait accompli, ce qui est très déplorable, car ce sont justement eux qui demain devront porter cette réforme.”

L’ordonnance devrait passer en commission la semaine prochaine et soumise au vote article par article.

Vanessa Lhuillier – Photo: BX1