Le contexte n’encourage pas un débat sur la réforme du système des voitures de société

En imposant que toute réforme du dispositif des voitures de société ne pénalise ni le travailleur ni l’employeur par rapport au régime actuel, on balise le débat en mettant hors-jeu dès le départ toute possibilité de refonte en profondeur du régime des voitures de société. C’est une des conclusions tirées par trois chercheurs de l’ULB et de la VUB d’une recherche sur l’enjeu fiscal des voitures de société menée pour compte de la revue scientifique bruxelloise Brussels studies.

Xavier May, chercheur à l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du territoire (DGES-IGEAT) de l’ULB, Thomas Ermans (ULB) chercheur au Centre de sociologie de l’ULB et Nils Hooftman, chercheur au sein du groupe MOBI de la VUB) partent du constat selon lequel la Belgique comptait environ 650.000 voitures de société en 2016 pour un total de 5,7 millions de voitures en circulation. Selon eux, environ 100.000 voitures de société entrent, sortent ou circulent en Région bruxelloise chaque jour, contribuant significativement aux problèmes de circulation.

Leur note de synthèse, publiée lundi dans le numéro 133 de la revue Brussels Studies met en exergue que le régime des voitures de société représentait un manque à gagner fiscal très important, estimé à 2,3 milliards d’euros pour l’année 2016. Celui-ci croît chaque année avec l’augmentation constante du nombre de voitures de société – de 6% entre 2004 et 2009 et de 8% entre 2009 et 2016-. Les 650.000 voitures de société représentent 11,5% du parc total des voitures en Belgique, mais parcourent 23% de la distance totale parcourue par les voitures immatriculées en Belgique.

Autre constat basé sur les chiffres du SPF Finances: le système des voitures de société bénéficie aux travailleurs qui disposent des revenus les plus élevés (82% des voitures de société sont à la disposition de la population des trois derniers déciles). “Vu la concentration des utilisateurs de voitures de société parmi les plus hauts revenus, on ne s’étonnera d’ailleurs pas de les retrouver préférentiellement dans des espaces résidentiels d’habitat dispersé où on se déplace en général davantage que dans une zone d’habitat dense… Sur le plan de l’aménagement du territoire, le système de voitures de société, encourage la perpétuation d’un modèle d’occupation du territoire éclaté du point de vue des fonctions résidentielles et économiques. Cet éclatement des fonctions s’accompagne d’une part de distances élevées, … et grève, d’autre part, durablement les possibilités de recourir à des modes de transport alternatifs à la voiture”, soulignent les chercheurs.

Les auteurs soulignent, dans ce contexte, que selon l’enquête nationale de Mobilité BELDAM, 92% des bénéficiaires de voitures de société l’utilisent pour se rendre au travail pour 67% des travailleurs sans voiture de société. Les travailleurs avec voiture de société pratiquent aussi moins le co-voiturage. La distance annuelle que leur véhicule parcourt représente près du double de celle des véhicules privés. Enfin, sur le plan environnemental, les auteurs montrent qu’en l’état actuel de la flotte, à cause d’une proportion très élevée de voitures équipées de moteurs diesel, celle-ci est plus dommageable pour la santé humaine par kilomètre parcouru. En ce qui concerne les gaz à effet de serre, si l’on tient compte du fait que le régime des voitures de société incite les bénéficiaires à rouler davantage, les voitures de société émettraient in fine davantage de gaz à effet de serre.

Belga-Photo:BX1