Le compte Twitter Balance ton Willy publie des témoignages de viols à Bruxelles et ailleurs

Compte Twitter Balance Ton Willy

Depuis le 12 août, un compte Twitter recueille et dévoile tout au long de la journée des témoignages de personnes victimes de viols et d’agressions sexuelles, principalement en Région bruxelloise. Ce compte, Balance ton Willy, a rapidement attiré des milliers d’abonnés.

“Ils ont commencé à me violer à 2h et ils ont arrêté à 6h. Ils étaient quatre”, “Je me suis fait violer de mes 5 à mes 11 ans chaque soir par mon ancien beau-père”, “Il a enlevé la capote sans me le dire”… Les témoignages sont rudes et montrent à quel point les histoires de viols et d’agressions sexuelles sont encore trop souvent monnaie courante, à Bruxelles ou ailleurs. C’est ce que montre chaque jour le compte Twitter @BalanceTonWilly, créé le 12 août dernier, et qui dénombre déjà des dizaines d’histoires de ce type, révélés plus de 7 000 abonnés (à l’heure d’écrire ces lignes).

Ce compte a rapidement grandi en moins d’une semaine pour devenir un espace d’expression pour des centaines de personnes, principalement des femmes, qui souhaitent témoigner anonymement des faits de viols et d’agressions sexuelles dont ils/elles ont été victimes par le passé. Le compte a été créé par une jeune femme de 20 ans, qui reçoit chaque jour près de 250 témoignages depuis son arrivée sur le réseau social. La créatrice, qui a grandi à Bruxelles et est aujourd’hui étudiante, souhaite rester anonyme, mais veut que la parole de toutes ces personnes soit entendue, et montre que de nombreux violeurs et agresseurs restent aujourd’hui en liberté.

Willy, un faux nom, une vraie histoire

Balance Ton Willy a été créé suite à une nouvelle histoire qui a choqué l’initiatrice du projet. “Cela remonte à voici une semaine”, raconte-t-elle. “Un garçon avait donné rendez-vous dans sa voiture à une fille de 17 ans avec qui il discutait depuis plusieurs jours. Mais la fille a découvert que le garçon n’était pas seul dans la voiture. Le gars lui a fait des avances, lui a proposé d’aller à l’hôtel, mais la fille a refusé, et le conducteur l’a abandonné sur une aire d’autoroute. Elle a voulu faire du stop, mais impossible de rentrer chez elle… Le garçon est revenu, la fille n’avait pas d’autre choix que de rentrer dans la voiture pour rentrer. Le garçon et son pote l’ont emmenée dans un appartement ensuite pour abuser d’elle, se masturber sur elle…”.

L’histoire a été racontée sur le compte Instagram Confiradio, qui partage des témoignages en direct sur le réseau social. “Les responsables du compte ont appelé le garçon qui se faisait appeler Willy et l’ont confronté, mais il a nié les faits d’abus sexuels et l’histoire s’est arrêtée là. Et c’est cela que je veux dénoncer. Trop d’histoires s’arrêtent comme ça. Cela ne peut pas durer”, explique la créatrice du compte Twitter, qui a donc repris ce faux nom, Willy, pour dénoncer les auteurs de ces agressions sexuelles.

Faire le tri

Elle a donc proposé de partager les témoignages de ces personnes agressées sur Twitter, un réseau où elle estime “la parole plus libre”. “On sent que les jeunes sont plus à l’aise que sur Snapchat ou Instagram où il faut s’afficher, et où écrire de longs témoignages est plus long. Ici, il suffit d’envoyer un message privé anonyme et je le partage ensuite”, explique-t-elle. Toutefois, pas question de tout publier. Elle passe plusieurs heures à trier les différents messages, pour diffuser celles qu’elle juge crédibles. “Il y a des profils plus suspects, comme ceux créés depuis seulement quelques jours, qui n’ont pas d’abonnés, ou des photos de profil de personnalités. J’essaie un peu d’analyser les comptes des personnes qui m’envoient des messages”, ajoute-t-elle.

L’initiatrice du projet ne veut désormais pas que ce compte reste seul et imagine la création, notamment, d’un site web. “Je ne veux pas que cela se limite à la révélation de témoignages. J’aimerais qu’il y ait un suivi, et non pas que cela reste juste une tendance Twitter. J’espère que ce compte peut permettre aux filles de voir qu’elles sont soutenues, et qu’elles peuvent en parler, et aller porter plainte”, dit-elle. Une cagnotte a été lancée sur Leetchi pour permettre la création de cette future plateforme.

La police fédérale a en effet pris contact avec la jeune femme suite à cette mise en lumière de témoignages rapidement partagés sur Twitter. “Ils m’ont félicité et m’ont également demandé de bien dire aux personnes de venir porter plainte”, rapporte-t-elle. “J’espère que la police va enfin comprendre que c’est un problème sérieux et qu’il y a un souci actuellement. Quand on met un témoignage, on a parfois plusieurs personnes qui disent que cette même personne les a aussi violés. Il y a plusieurs plaintes contre une même personne, mais celle-ci est encore en liberté. Il faut que ça change”.

La créatrice de @BalanceTonWilly continue désormais d’alimenter le compte avec des histoires bruxelloises, mais pas seulement, et est ravie d’avoir vu un compte @BalanceTonWilly France créé le 16 août dernier (même si celui-ci n’a pas encore diffusé de témoignage à l’heure d’écrire ces lignes).

Grégory Ienco – Photo : Twitter @BalanceTonWilly