Le CHU Brugmann fête ses cent ans : retour sur un siècle d’histoire bruxelloise
Le 18 juin 1923, l’Hôpital Brugmann était inauguré.
Nous sommes le 18 juin 1923 : ce jour-là, au terme d’une décennie de travaux, l’Hôpital Brugmann est inauguré en grande pompe. Des milliers d’invités accompagnent ainsi les souverains de l’époque, le Roi Albert Ier et la Reine Elisabeth, dans leur découverte de ce tout nouveau centre de soins. Le couple royal est alors aussi accompagné par Victor Horta : le célèbre architecte est en effet l’auteur du complexe. Et il choisit une forme atypique : l’hôpital pavillonnaire. “C’est ce qui prévalait à l’époque, essentiellement pour des raisons d’hygiène : pour éviter la contagion des patients d’un pavillon à l’autre“, relate le professeur Daniel Désir, médecin et ancien directeur général et directeur général médical du CHU Brugmann.
Si la décision de construire un nouvel hôpital germe à la mort du mécène Georges Brugmann (1829-1900), il faut attendre quelques années pour voir la construction démarrer sur ce site qui est, jusqu’alors, sur le territoire de Jette. Le chantier, d’abord bien plus pharaonique tel que pensé par Horta, est retardé par la Première Guerre Mondiale, puis par les conséquences du conflit. L’hôpital est finalement inauguré, dans une forme moins grande que prévue, en 1923. Médecins, infirmiers, pharmaciens et patients évoluent alors dans des locaux flambants neufs, mais à une époque où la médecine est encore tout à fait différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Reste que, durant toute la gestation du projet, “les professeurs de la faculté de médecine étaient basés au Parc Léopold, et trouvaient que l’idée de mettre un hôpital à la campagne était peu productive. Car ici, à l’époque, c’était la campagne !“, explique Daniel Désir.
Quelques années plus tard, la Seconde Guerre Mondiale a, elle aussi, un impact lourd sur l’hôpital : Bruxelles est occupé, et les hôpitaux également. Comme nous l’expliquait l’infirmière Madeleine Capon, interrogée en 1998 à l’occasion des 75 ans de l’institution, “dès que les chefs-médecins allemands ont visité l’hôpital, ils étaient tout étonnés qu’on avait des malades mentaux, car chez eux ils disparaissaient“. À la Libération, l’hôpital reprend son fonctionnement normal, et se dirige vers une période faste.
Reportage à l’occasion du septante-cinquième anniversaire de l’hôpital (1998)
Reportage de Marie-Noëlle Dinant, Thierry Dubocquet, A. Neven et Françoise Verlaine
Les grandes premières
Au cours des décennies, l’hôpital Brugmann poursuit son développement, et sa modernisation. Brugmann est alors à la pointe de la médecine, et les professionnels de la santé multiplient, année après année, les grandes premières, et les avancées notables. “Les médecins qui s’occupaient de l’insuffisance rénale ont été les premiers en Belgique à faire des dialyses et des transplantations rénales. Le premier chef de service de chirurgie, Albert Hustin, a eu un rôle fondamental pour généraliser la technique de transfusion sanguine, qui a évidemment sauvé des millions de vies“, explique le professeur Daniel Désir.
En 1973, le professeur Georges Primo est également le premier à réaliser une transplantation cardiaque en Belgique. “Le professeur Primo n’est pas le premier à avoir fait une transplantation dans le monde, mais il avait acquis toutes sortes de techniques chirurgicales autour des opérations conventionnelles et de la circulation extra-corporelle. Et il a jugé que le moment était opportun quand l’équipe s’est constituée, avec ceux qui maîtrisaient les techniques d’immunologie et de réanimation. Cette opération a été un succès“, raconte Daniel Désir.
Pousser les murs, et moderniser
Mais au fil du temps, l’hôpital vieillit, et la volonté de pousser les murs devient de plus en plus forte. Dans les années 1980, une nouvelle unité de psychiatrie voit le jour au Nord du site, dans de nouveaux bâtiments, qui conservent néanmoins une structure pavillonnaire, comme celle voulue par Horta. La décennie suivante, la construction de nouvelles ailes modernes est décidée, et est confiée à l’architecte Philippe Samyn. Le défi est alors de faire rentrer l’hôpital dans une nouvelle époque, tout en conservant l’héritage du maître de l’Art nouveau. “Tous les travaux sont faits de manière constante dans le respect de l’architecture Horta. C’est un souci quotidien d’essayer d’harmoniser les nouvelles constructions avec les anciennes“, nous confie en 2001, lors de la pause de la première pierre, le directeur technique de l’époque, Eddy Van den Plas.
Reportage à l’occasion de la pose de la première pierre du chantier (2001)
Reportage de Murielle Berck
Les nouveaux bâtiments sont inaugurés en 2009 (une nouvelle polyclinique verra également le jour sur le site, la décennie suivante). À l’intérieur, soignants et patients découvrent des unités modernes, y compris dans les bâtiments historiques. Ainsi, si “on pourrait se dire qu’on travaille avec des moyens et des ressources désuettes [en raison de l’âge des bâtiments, NDLR], ce n’est absolument pas le cas. Si on travaille dans ces bâtiments, on se rend compte que les unités sont excessivement modernes et répondent à toutes les normes et les technologies qu’on veut développer dans l’hôpital“, confirme Olivier Vermylen, actuel directeur médical du CHU Brugmann.
■ Reportage de Arnaud Bruckner et Morgane Van Hoobrouck, avec Paul Bourrières
ArBr – Photo : Archives du CPAS de Bruxelles