La fécondité n’a jamais été aussi basse à Bruxelles : les femmes font en moyenne 1.37 enfant

Les naissances à Bruxelles chutent depuis une dizaine d’années. Dans une récente étude, l’IBSA (institut bruxellois de statistique et d’analyse) tente de comprendre les raisons de cette forte diminution. Incertitude mondiale, procréation tardive ou encore changement de mentalité : les causes sont multiples.

Depuis 2014, la natalité en Région bruxelloise, à savoir le nombre de bébés qui naissent chaque année, est en baisse. En 2023, 13.987 naissances ont eu lieu dans la capitale, soit 4.600 de moins qu’en 2010. Cela correspond à une diminution de 25%.

La natalité dépend de deux facteurs. Tout d’abord, il y a le nombre de femmes en âge de procréer, à savoir entre 15 et 49 ans. Si ce nombre diminue, la natalité diminue également. Pourtant, à Bruxelles, le nombre de femmes en âge de procréer est en augmentation (+16% entre 2010 et 2024). C’est donc un autre facteur qui entre en jeu : la fécondité. Cette fécondité correspond au nombre d’enfants par femme en âge de procréer. Et c’est ce chiffre qui est en diminution dans la capitale.

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Cette baisse de fécondité est particulièrement préoccupante, puisqu’elle a atteint un niveau record en 2023 : le nombre moyen d’enfants par femme bruxelloise est de 1.37. C’est également la troisième année consécutive où la fécondité bruxelloise est inférieure à celle des deux autres régions.

À noter qu’il ne faut pas confondre la fécondité et la fertilité. Si la fécondité correspond au nombre d’enfants par femme, la fertilité, elle, désigne la capacité à procréer. “Contrairement à la fécondité (qui est le fait d’avoir une naissance), la fertilité n’est donc pas un fait, mais une potentialité”, précise l’IBSA.

Cette forte baisse de fécondité peut s’expliquer par quatre facteurs principaux. Certains touchent le monde entier, mais d’autres concernent particulièrement Bruxelles.

Un contexte mondial peu propice à la reproduction

Ce premier facteur concerne aussi bien Bruxelles que la Belgique ou encore l’Europe. Depuis 2008 et la crise économique, la non-parentalité est en augmentation. En effet, de plus en plus de personnes en âge de procréer décident de ne pas faire d’enfants à cause d’un contexte mondial incertain. Entre les crises économiques, environnementales, politiques, mais aussi les guerres et les maladies, faire un enfant n’est plus une priorité absolue pour certaines personnes.

Faire des enfants, mais pas maintenant

Un autre facteur qui touche Bruxelles, mais également d’autres régions, c’est le glissement de l’âge auquel les femmes commencent à faire des enfants. Si, auparavant, les femmes commençaient assez jeunes, elles ont tendance désormais à avoir leur premier enfant plus tardivement. Ce phénomène a débuté il y a une trentaine d’années.

Entre 1992 et 2023, l’âge moyen à la maternité des femmes bruxelloises a augmenté de plus de trois ans. En 2023, l’âge moyen était de 32.3 ans, contre 28.9 ans en 1992.

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Il y a donc un changement dans le “calendrier des naissances”, à savoir l’âge auquel on fait des enfants. Du début des années 1990 à 2010, les femmes avaient tendance à faire des enfants jeunes, mais aussi sur le tard. La fécondité a donc explosé, puisque différentes générations faisaient des enfants en même temps. Cette augmentation a été particulièrement marquée en 2007, quand la fécondité a atteint 2.08 enfants par femme, soit presque assez pour le seuil de renouvellement des générations (2.1 enfants).

Mais, depuis 2010, les femmes ont progressivement arrêté de faire des enfants jeunes, préférant attendre plus tard. Dès lors, la fécondité des femmes bruxelloises de moins de 35 ans a diminué, sans pour autant augmenter chez les femmes de plus de 35 ans.

Le niveau record de 2023 peut s’expliquer par un phénomène particulier : celui du basculement des générations. En effet, il est probable que nous soyons à une période où les femmes jeunes veulent attendre plus tard, alors que les femmes plus âgées ont déjà eu le nombre d’enfants qu’elles souhaitaient, créant dès lors un creux dans la natalité bruxelloise. “Les femmes âgées de 35-44 ans en 2023 ont, pour la plupart, déjà accompli leur descendance finale. Ayant déjà eu leurs enfants étant plus jeunes, elles n’en feront plus. À l’inverse, les jeunes femmes qui postposent aujourd’hui leur premier enfant, pourraient ‘rattraper leur retard’ et faire davantage d’enfants à des âges plus élevés, c’est-à-dire à l’avenir”, indique l’IBSA. Cela signifie que la natalité pourrait revenir à la hausse dans les prochaines années. Cependant, ce ‘rattrapage’ restera limité, puisqu’avec l’âge, la fertilité diminue. Il ne sera donc pas possible pour les femmes d’avoir un nombre d’enfants important si elles deviennent mères plus tard.

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Construire sa famille ailleurs

Le troisième facteur pouvant expliquer une baisse de la fécondité à Bruxelles concerne le caractère urbain de la capitale. Bruxelles joue un rôle de transit dans le cycle de la vie. On s’y installe pour les études, le premier travail et les activités socioculturelles, mais on part quand on veut construire une famille.

Il y a d’ailleurs plus d’habitants qui quittent Bruxelles pour la Flandre ou la Wallonie que l’inverse. Le solde migratoire interne est négatif pour la Région bruxelloise depuis plusieurs décennies.

Les personnes quittant Bruxelles sont principalement âgées entre 30 et 44 ans, ainsi que les jeunes de moins de 15 ans. Ces personnes quittent la capitale pour trouver, par exemple, des logements plus calmes, plus grands et plus abordables dans les autres régions.

Il y a donc un transfert de personnes, mais aussi un transfert de potentiels futurs enfants. En effet, puisque les femmes veulent des enfants plus tard et qu’elles quittent Bruxelles vers 30 ans, il est probable qu’elles fassent des enfants en dehors de la capitale. En 2023, la moitié des femmes qui ont quitté Bruxelles et qui sont âgées entre 30 et 34 ans n’avaient d’ailleurs pas d’enfants avant de partir. Leurs futurs bébés naîtront en Flandre ou en Wallonie, et ne seront donc pas comptabilisés dans les chiffres bruxellois alors que leur mère aura passé une large partie de sa période où elle est en âge de procréer dans la capitale.

Cela se ressent d’ailleurs par une fécondité élevée dans la périphérie proche de Bruxelles. Dans l’arrondissement Hal-Vilvorde, par exemple, la fécondité était de 1.7 enfant par femme en 2023.

Changement dans la fécondité étrangère

À Bruxelles, 45% des femmes en âge de procréer ne sont pas belges. La fécondité étrangère a donc une importance primordiale dans la fécondité bruxelloise.

De manière générale, ces femmes étrangères font plus d’enfants que les femmes d’origine belge. En 2022, les femmes étrangères avaient 1.66 enfant, contre 1.33 pour les femmes belges.

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Cependant, la fécondité des femmes étrangères a drastiquement diminué ces dernières années. Si, en 2022, ce chiffre était de 1.66, il était de 2.5 en 2007. Cela correspond à une diminution de 0.84 enfant par femme en quinze ans. Une diminution moins marquée chez les femmes belges, avec une différence de 0.57 enfant entre 2009 et 2022.

Cela s’explique notamment par un changement de composition. De plus en plus de Françaises et de Roumaines sont présentes à Bruxelles. Ces deux nationalités ont un taux de fécondité faible comparé aux Marocaines qui étaient majoritaires jusqu’en 2003.

Emilie Vanhemelen – Photo : Belga