Journaliste arrêté à cause de “matériel susceptible de causer des dommages” : “La police essaye de justifier ce qui n’est pas justifiable”

On essaie de me faire passer pour un militant, pour autre chose qu’un journaliste”, déplore Thomas Haulotte.

Fin avril, Bernard Quintin (MR), ministre fédéral, était entendu en Commission de l’Intérieur et de la Sécurité. Le député François De Smet (DéFI) l’a questionné sur l’arrestation de Thomas Haulotte, journaliste indépendant. Pour rappel, le 8 avril dernier, le journaliste et vidéaste couvrait une action de collage d’affiches contre l’extrême-droite dans le quartier européen de Bruxelles. Il a fait l’objet d’une arrestation administrative par la police de la zone Bruxelles Capitale / Ixelles.

Dans sa réponse, le ministre fédéral explique avoir “demandé directement des éclaircissements quant à l’intervention, en particulier en ce qui concerne la détention administrative“. La zone de police Bruxelles Capitale / Ixelles lui a confirmé l’arrestation de six personnes “dans le cadre d’une intervention relative à des faits de collage d’affiches dans le quartier européen“. “Les policiers sur place ont constaté qu’un groupe de six personnes, vêtues de la même manière, s’apprêtaient à coller des affiches et à commettre des dégradations dans le cadre d’une action de désobéissance civile.”

Une des six personnes “s’est identifiée en tant que journaliste et a déclenché sa caméra“. Il s’agissait de Thomas Haulotte. Bernard Quintin précise, sur base des informations fournies par les services concernés, à savoir la zone de police : “Après vérification, il a été constaté que la même personne détenait dans son sac du matériel susceptible de causer des dommages. En conséquence, l’arrestation administrative de cette personne a été confirmée, motivée par les circonstances et par les éléments en sa possession.”

Je suis très étonné de la facilité avec laquelle on peut réécrire l’histoire

Quelques jours après l’arrestation, la zone de police Bruxelles Capitale / Ixelles se justifiait auprès de BX1 en indiquant qu'”aucun élément concret ne permettait de confirmer l’exercice effectif d’une mission journalistique au moment des faits et aucune demande de tournage n’avait préalablement été envoyée“. Il n’était alors pas question de matériel présent dans le sac du journaliste.

Je me demande d’où provient cette information“, s’étonne Thomas Haulotte. “Je ne sais pas si cela provient de Bernard Quintin directement ou bien de la zone de police qui aurait réagi dans la panique et aurait donné un nouveau motif“, poursuit-il. Pour Thomas Haulotte, ce changement de motif est surprenant : “C’est la première fois qu’on entend parler de ce motif. On essaie de me faire passer pour un militant, pour autre chose qu’un journaliste. La phrase est bien formulée, mais le motif est très flou“. Thomas Haulotte poursuit : “Je suis très étonné de la facilité avec laquelle on peut réécrire l’histoire, sans être questionné par la suite.”

 

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Pour Martine Simonis de l’Association des journalistes professionnels (AJP), avec ce changement de motif, “la police essaye de justifier ce qui n’est pas justifiable“. Elle précise que l’AJP sait que “c’est faux“, et que Thomas Haulotte n’avait pas de matériel problématique sur lui.  “Il ne présentait aucun danger. Pourtant, il a été menotté, arrêté et mis en cellule pendant une nuit.

Une plainte déposée au Comité P

Du côté de l’AJP, on parle d’une arrestation arbitraire puisque le journaliste détenait sa carte de presse. Une plainte a dès lors été déposée auprès du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P), nous confirme Thomas Haulotte. “Cela a pris du retard, mais la plainte est effectivement déposée.

Si le Comité P fait son travail consciencieusement, les bodycams des policiers seront visionnées. Nous pourrons alors voir ce qu’il y avait effectivement dans le sac de Thomas Haulotte“, poursuit Martine Simonis. L’AJP craint d’ailleurs que cela puisse se reproduire : “Si les journalistes qui couvrent un événement finissent en cellule pendant une nuit, il y a un véritable risque d’autocensure. Même s’il n’y avait pas de violences policières à proprement parler, l’arrestation est déjà une forme de violence.

Lire aussi | Arrestation d’un journaliste par la police bruxelloise : une alerte au Conseil de l’Europe

Bernard Quintin indiquait en commission se tenir “à la disposition des autorités pour faire toute la lumière sur les circonstances de cet incident“.

Pour obtenir davantage d’informations, le cabinet de Bernard Quintin nous renvoie vers la zone de police Bruxelles-Capitale / Ixelles. Cette dernière nous indique qu’en raison de la plainte au Comité P “et par respect pour la procédure ainsi que pour les principes de transparence et d’impartialité, la zone de police ne fera plus de communication complémentaire sur ce dossier tant que l’enquête est en cours“.

Emilie Vanhemelen – Photos : Belga / BX1

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28 mai 2025 - 16h00
Modifié le 28 mai 2025 - 15h22

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