Attirer des jeunes vers les métiers de la construction pour répondre à la demande des Bruxellois

La Région bruxelloise compte beaucoup sur le secteur de la construction et de la rénovation  pour relancer son économie et également améliorer la qualité du bâti tout en réduisant sa consommation énergétique. Cependant, selon les prévisions, il manquerait 12.000 professionnels, tous secteurs confondus, pour répondre à ce défi.

La semaine dernière, le gouvernement bruxellois présentait sa stratégie pour la rénovation de bâti existant, Rénolution. La Région souhaite revoir à plusieurs niveaux, les démarches pour la rénovation des habitations. Cela passe par une simplification administrative avec la suppression de permis d’urbanisme pour certains travaux, la fusion des primes énergie et rénovation ou encore des stratégies pour aider les pouvoirs publics à rénover.

Rénover son logement sera bientôt plus facile : la Région bruxelloise présente sa “Renolution”

Le gouvernement bruxellois travaille actuellement sur la mise en œuvre de ce plan qui devrait permettre la création de 8.000 emplois. Une bonne nouvelle dans le cadre du plan de relance et pour le plan Alliance Emploi Environnement. Seulement, le secteur de la construction et de la rénovation tire déjà la sonnette d’alarme. Selon certaines projections, il manquerait déjà près de 12.000 professionnels qualifiés en Belgique. Et toutes les branches sont concernées que cela soit les architectes, les maçons, les plafonneurs ou les certificateurs PEB.

Alors comment faire pour répondre à la demande qui va être croissante dans les prochains mois? Une première étape consiste à attirer les demandeurs d’emploi et les jeunes vers les métiers de la construction. Tous ne sont pas des métiers physiques comme on pourrait le croire car les techniques ont évolué pour rendre le travail moins physique. A Bruxelles Formation, on a mis l’accent sur ce type de formation en proposant une fois par mois une séance d’information sur les métiers du bâtiment. La durée entre la séance d’information et le début des cours a également été réduite.

En partenariat avec Bruxelles Formation, Actiris et la fédération des métiers de la construction, le gouvernement bruxellois a décidé de mettre en place un pôle construction nommé Construcity. Cette plateforme doit regrouper tous les acteurs de la formation, mettre en relation les demandeurs d’emploi ou de stage et les entreprises. “Cela fait déjà quelque temps que nous travaillons avec Actiris et Bruxelles Formation pour mettre sur pied un Pôle formation emploi pour les métiers de la construction, explique Laurent Schiltz de la fédération de la construction. Dans le cadre des projets Beliris, nous devrions avoir un centre d’ici quelque temps qui permettra d’être un point unique pour tous les jeunes qui désirent se lancer dans ce secteur.”

Le ministre de la Formation, Bernard Clerfayt (DéFi) souhaite que ce projet de centre aboutisse. Il viendrait ainsi compléter le centre de formation qui se situe actuellement à Uccle. Il espère pouvoir le construire dans le nord de Bruxelles. D’ici l’été, Brucity sera constitué en ASBL et une campagne de communication sera lancée en septembre.

Accéder aux formations qualifiantes

Un autre problème est l’accès aux formations qualifiantes de Bruxelles Formation ou d’opérateurs privés et même dans le cadre de l’enseignement secondaire. “Les métiers de la construction font encore l’objet de clichés. Aujourd’hui, maçon ne veut pas dire porter des sacs de ciment à longueur de journée. Certains ont des petites grues qui permettent de placer des blocs au millimètre près, précise Laurent Schiltz. Le problème, c’est que les jeunes arrivent là parce qu’ils ont échoué ailleurs. Et puis, les écoles disposent souvent de matériels qui sont obsolètes. Dans le futur pôle, nous aurons les dernières technologies.”

Le secteur doit donc faire connaître la réalité de la construction aujourd’hui pour attirer des jeunes vers les formations. Actuellement, sur les 1.000 personnes engagées chaque année, seules 30 ont suivi une véritable formation. Les autres apprennent sur le terrain et sont souvent la famille ou une connaissance du patron.

Autre problème récurrent: les connaissances de base. Pour rentrer dans une formation qualifiante de Bruxelles Formation, il faut avoir un certain niveau de français et de mathématiques“Si les formations dans les métiers de la construction ne sont pas complètes, celles pour le français langue étrangère ou l’alphabétisation affichent complet des mois à l’avance, explique Selin Salun, porte-parole de Bruxelles Formation. Nous avons diminué le niveau d’exigence pour entrer dans les formations qui mènent vers l’emploi mais il y a quand même un seuil minimum à avoir.”

Augmenter l’alternance

Un autre point qui aiderait à répondre à la demande et remplir ces 8.000 postes qui seront créés à l’horizon 2050, c’est l’augmentation des formations en alternance. “Cela se pratique dans d’autres pays notamment en Allemagne ou en Suisse, ajoute Laurent Schiltz. Ce n’est pas du tout mal vu là-bas. Au contraire. Ce qu’il faudrait c’est apprendre la théorie et une partie de la pratique à l’école et ensuite d’aller en entreprise pour être formé sur le terrain. Un jour, nous avons eu un jeune en troisième année pour devenir couvreur et lors de son premier stage, il nous a dit qu’il avait le vertige. Tout le monde perd du temps. L’alternance permettra de mieux trouver sa voie. En Flandre, pour les métiers de la construction, il n’y a déjà plus que de l’alternance. Nous devons faire la même chose.”

Reste encore à régler la question d’équivalence de diplôme entre les organismes. Un chantier qui a été mis en place pour la Fédération Wallonie Bruxelles mais qui tarde. Tout comme celui de la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger ou de la validation des compétences professionnelles.

“Je pense que nous pourrons répondre à la demande des Bruxellois mais il faut vraiment accélérer les formations, les rendre plus proche de la réalité des entreprises et continuer à sensibiliser les entrepreneurs mais aussi le public aux techniques plus durablesconclut Laurent Schiltz. Les incitants fiscaux, les primes, la volonté gouvernementale vont dans ce sens. Les métiers de la construction avec Renolution, ce sont potentiellement un milliard d’euros par an et de l’emploi non délocalisable. L’enjeu est énorme.”

Vanessa Lhuillier – Photo : Belga/Dirk Waem