Rue de la Loi : le discours de la méthode

Un discours et surtout une méthode. En prenant le rôle d’informateur, Paul Magnette a voulu marquer un tournant. Et pour illustrer ce tournant, il a imposé un changement de méthode : partir de propositions concrètes et non plus des programmes des partis. Essayer de bâtir un accord de gouvernement à partir de quelques idées fortes, et pas à partir d’une idée de coalition que l’on se ferait au départ du processus. Et pour souligner ce changement de méthode, Paul Magnette a aussi imposé un changement de style : finies les longues semaines où l’on n’avait aucune nouvelle des négociateurs. Lui a promis la transparence (relative, n’exagérons rien). Il fait donc des points presse à intervalles réguliers. Non seulement Paul Magnette a changé de méthode, mais ce changement de méthode est devenu le discours central de l’informateur, le discours de la méthode, comme dirait Descartes, ça permet de montrer qu’on n’avance pas au hasard, qu’on essaye de sortir des tractations de parti à parti, qu’on se donne un objectif, et les moyens rationnels d’y parvenir.

Paul Magnette en communiquant à chaque étape oblige ses partenaires à avancer pas à pas. Pour l’instant, ils sont donc encore 10 à discuter. Comme l’informateur tient la presse informée de chacune de ses initiatives, impossible de faire semblant. Si l’un des partis décroche, on le saura tout de suite. En avançant étape par étape, nous entamons une montée des escaliers petit pas par petit pas. Impossible de rester au pied de l’escalier, chaque fois qu’un parti accepte l’initiative suivante, c’est qu’il a gravi une marche.

Bien sûr, monter une marche n’est pas encore passer à l’étage d’au dessus. Il y a loin de la coupe aux lèvres , encore plus loin du rez-de-chaussée au dernier étage, ou de la nomination de l’informateur à la prestation de serment des ministres. L’avantage de cet escalier, avec la presse qui a l’œil dessus, c’est qu’on finira par voir qui accepte de monter et qui rechigne. Et c’est là toute l’astuce, (dé)montrer à l’opinion que l’un des partis, qu’il soit francophone ou flamand, reste coincé sur une marche alors que les autres continuent de grimper. On verra alors si ceux qui ont poursuivi l’ascension la poursuivent ou s’ils décident de stopper net pour regarder celui qui s’est arrêté à la marche précédente. Ça n’offre aucune garantie d’arriver en haut de l’escalier, mais ça permettra d’identifier le parti bloquant et de lui refiler le fameux valet noir, celui qui est censé vous plomber la campagne électorale. Et ceux qui prétendent ne pas bloquer mais s’arrêtent parce qu’un autre bloque devront alors assumer cette sentence : ils seront bloqués au milieu de l’escalier, non pas parce qu’ils sont en désaccord avec les politiques proposées, mais parce qu’ils ont peur de grimper tout seul. Ce serait l’aveu que les partis flamands se tiennent la main, comme on se tient par la barbichette.

Alors on le répète, cette montée des marches, n’est aujourd’hui qu’un festival de bonnes intentions, on n’a pas la garantie qu’elle décrochera la palme d’or de la meilleure négociation. Quand il a rédigé “Le discours de la méthode”, Descartes  l’envisageait d’ailleurs comme  l’introduction à un ensemble de trois traités scientifiques. Et son sous-titre était “pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences.”  Si on avait déjà la raison et la vérité dans ces négociations, après 5 mois de poker menteur, on n’aurait pas perdu notre temps.

Téléchargez et écoutez l’édito en podcast sur toutes les plateformes