Rue de la Loi : la politique n’est pas une île (J+11)

Entendre les demandes des partenaires sociaux est un passage obligé dans la formation d’un gouvernement. Tous les formateurs sacrifient à cette tradition. C’est vrai pour la formation du gouvernement fédéral, cela l’est aussi pour les négociations au niveau régional.

En région bruxelloise, cette journée de jeudi a donc été découpée en deux parties : le matin pour entendre les organisations syndicales, l’après-midi pour les organisations patronales et les indépendants. Chaque entretien était prévu pour durer une 30aine de minutes. Précision importante : les réunions ont été menées par Laurette Onkelinx et Rudi Vervoort en compagnie de Elke Van den Brandt, de Groen. Cela veut dire que les formateurs francophones et néerlandophones travaillent désormais de concert, on est entré dans une nouvelle étape du processus.

Bien sûr, les régions n’ont pas toutes les cartes en main lorsqu’il s’agit de parler de pouvoir d’achat, de bien être au travail ou de compétitivité des entreprises. Pour les syndicats comme pour les entreprises, les dossiers les plus sensibles se traitent au niveau fédéral. On pense à l’âge de la pension, au temps de travail, ou à la fiscalité des entreprises par exemple. Mais la région possède malgré tout de nombreux leviers qui intéressent le monde du travail : la qualité de l’enseignement, l’investissement dans la formation professionnelle, la politique d’activation mise en place par Actiris…

Faut-il intensifier la lutte contre la discrimination à l’embauche, avec des contrôles surprises ? Peut-on développer un plan de mobilité qui permette aux salariés de rejoindre plus facilement leur lieu de travail ? Quels sont les incitants fiscaux qui aideraient des entreprises à s’installer en Région bruxelloise plutôt que de rejoindre la périphérie, ce sont des questions qui intéressent patrons et syndicats. Il faut donc les entendre, comprendre leurs attentes et leurs points de vue avant de rédiger un accord de gouvernement. Dans certains cas, ces acteurs en profitent d’ailleurs pour faire passer des messages très politiques, c’est ce qu’a fait par exemple Estelle Ceulemans, au nom du syndicat socialiste bruxellois: “Pour nous, le MR n’est pas une option… Les affiliés de la FGTB ne le comprendraient pas” a-t-elle soufflé à son arrivée.

Ce qui est vrai au niveau régional l’est encore plus au niveau fédéral. Syndicats et représentants des entreprises ont donc aussi été entendus par les informateurs Johan Vande Lanotte et Didier Reynders.  La synthèse de leurs attentes est même au cœur du premier rapport des deux informateurs transmis au roi.  Les attentes des syndicats d’un coté, et du monde des entreprises de l’autre sont même particulièrement utiles quand il s’agit de masquer le sur-place du jeu politique ou de mettre la pression sur l’un ou l’autre partenaire.  Il y a des dossiers urgents à régler, comme par exemple la définition des métiers pénibles pour les pensions, ou la volonté de limiter les dérapages budgétaires, avant que la commission européenne ne fasse les gros yeux. Ce sont autant de moyens de mettre des partis politiques face à leurs responsabilités pour tenter d’éviter un enlisement de longue durée. Et de leur rappeler que le monde politique n’est pas un ilot coupé du reste du monde, et qu’il doit au contraire, être au service du monde du travail, et de la société civile en général.

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06 juin 2019 - 10h00
Modifié le 06 juin 2019 - 17h31