Rue de la Loi : il y a un parti de trop au fédéral (J+108)

Fabrice Grosfilley - Photo Couverture

Puisque les choses s’éclaircissent au niveau des régions, une nouvelle phase peut-elle voir le jour au niveau fédéral ? La réponse est forcément oui : depuis ce lundi on sait que Didier Reynders et Johan Vande Lanotte rendront un « rapport final » au plus tard début octobre. Comprenez qu’après cette date le duo passera la main. Depuis lundi aussi, on sait que les informateurs estiment être sortis de la phase d’information « classique » et ont exclu Groen de leurs réunions (Ecolo avait déjà refusé de venir). On se retrouve donc à 6 partis, soit, classés par ordre d’importance : N-VA (25 députés), PS (20), MR (14), CD&V (12), Open VLD (12) et SPA (9). Au total 92 députés, soit une majorité confortable (il faut 76 sièges pour une majorité simple). Trop confortable même et un peu déséquilibrée avec 58 néerlandophones pour 34 francophones (clivage linguistique, même si on vient de connaitre un déséquilibre plus marqué encore) et 63 députés de droite ou de centre-droit contre 29 députés de gauche (clivage idéologique). D’où la petite idée qui trotte dans les têtes socialistes et qui est éventée ce matin à la une du Standaard : tout le monde n’est pas indispensable. On pourrait par exemple se passer de l’Open VLD pour « recentrer » cette coalition et permettre à la famille socialiste d’être plus à l’aise. Officiellement cette demande n’aurait pas été formulée auprès des informateurs, que ce soit en petit comité ou à plus forte raison en réunion élargie. Logique puisque l’on se refuse à employer le terme de « négociation » à ce stade. Officieusement, certaines éminences socialistes trouvent la piste intéressante. Pas seulement parce qu’une telle coalition permettrait d’aller vers un programme de gouvernement d’inspiration moins libérale (la N-VA avait aussi quelques accents sociaux dans ses arguments de campagne et pourrait donc s’y retrouver), mais aussi parce que cela met la pression sur l’ensemble des partis flamands. A commencer par l’Open VLD qui doit ainsi enregistrer que l’on peut se passer de lui… et que rester scotché à la N-VA n’est peut-être pas une garantie fédérale absolue. Cette pression s’exerce aussi sur le CD&V (même nombre de députés, donc mêmes causes et mêmes effets, et on ajoutera que les relations entre la N-VA et les chrétiens démocrates flamands ne sont guère au beau fixe). Et enfin pression (relative) sur la N-VA qui peut entrevoir que le front flamand n’est pas une garantie absolue de remonter au fédéral.

Bien sûr, pour que la menace porte ses effets, il faut qu’elle soit crédible. Cela veut dire que PS et SPA lient leur destin au fédéral (au passage vous n’oublierez pas que la famille socialiste, avec 29 députés est en position de revendiquer le poste de premier ministre). Il est fort probable qu’Elio Di Rupo avait tous ces éléments en tête lorsqu’il a expliqué ce lundi à Namur que « Si c’est pour une Suédoise, non, no, never, nooit, mais si c’est pour répondre à nos exigences sociales, le PS négociera. Je n’exclus rien ni personne ». Une manière habile de ne plus fermer la porte à la N-VA mais de poser ses propres exigences. Pour que le siège éjectable reste vraiment sous le séant de l’Open VLD, il faudra que le MR accepte de se séparer de son parti frère. On notera que les libéraux flamands avaient fait des pieds et des mains pour ramener les réformateurs à bord de la majorité bruxelloise, ils peuvent donc espérer un renvoi d’ascenseur du MR… sauf que l’opération ne fut au final pas couronnée de réussite, pouffe un observateur, et que Charles Michel ne rate pas une occasion de vanter ses bonnes relations avec Wouter Beke (il l’a encore rappelé ce dimanche sur RTL lors de la séquence du podium de Pascal Vrebos). Tant qu’à imaginer un partenaire de trop, on pourrait aussi se passer du SPA… avec pour effet de placer la famille libérale en pôle position pour la conquête du 16 rue de la loi. C’est évidement le scénario privilégié des libéraux, à l’opposé de celui des socialistes, mais cela suppose que le PS francophone accepterait de monter dans un attelage fort à droite. Autant dire qu’il mettrait un genou à terre. Quand à tout faire pour que ce soit le CD&V qui s’en aille… ce serait laisser les familles socialistes et libérales face à face, alors que le CD&V “cet animal qui ne marche plus que sur une patte” ne fait d’ombre à personne.

L’article du Standaard a donc le mérite de relancer des spéculations qu’un tweet de Sophie Wilmes, appelée à devenir cheffe de file des réformateurs au fédéral, posté ce mercredi midi dans le deux langues ne tranche pas vraiment : «  trois mois et demi c’est franchement long pour une partie de « valet puant ». Et si au lieu de multiplier les exclusives on se mettait à travailler concrètement à un vrai projet fédéral ? » demandait la ministre du budget. Un grand classique.

Quand la presse s’interroge sur les coalitions possibles, les politiques répondent qu’il faut d’abord parler programmes. La vérité, c’est que l’un ne va pas sans l’autre. Et que la famille socialiste vient clairement de faire savoir qu’il y avait un partenaire de trop pour commencer de vraies négociations. Ce partenaire se trouve coté flamand. Si l’Open VLD ou le CD&V se refusent à défenestrer la formation de Bart De Wever, cela risque, à terme, d’être à leurs dépens.

 

 

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11 septembre 2019 - 16h16
Modifié le 11 septembre 2019 - 19h16