Le président de parti et la fachosphère, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le retweet polémique de Georges-Louis Bouchez.
Un président de parti démocratique peut-il faire la promotion d’un site d’extrême droite ? A priori, la réponse est non. Et pourtant, ce vendredi, il y a eu un fameux dérapage.
Le président dont il est question ici, c’est Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement Réformateur. Vendredi, Georges-Louis Bouchez a partagé sur le réseau social Twitter un post de l’extrême droite française. Partager, ça veut dire republier, retweeter comme on dit sur tweeter, un procédé qui consiste à prendre la publication d’un autre intervenant et à la reposter auprès de ses propres abonnés. Quand on possède comme le président du Mouvement Réformateur plus de 40 000 abonnés, ce n’est pas anodin.
Le tweet initial que Georges-Louis Bouchez a repartagé était celui de Pierre Sautarel. Pierre Sautarel est un militant bien connu de l’extrême droite française. Ancien militant du Front National du temps de Jean-Marie Le Pen, qui a travaillé ensuite pour Bruno Megret, militant identitaire, il est surtout le fondateur et la cheville ouvrière d’un site qui s’appelle “Français de Souche”, qui se présente comme une revue de presse, mais une revue de presse très orientée, le site s’est fait une spécialité de partager des articles évoquant des faits divers ou des actualités liées à l’immigration, en y ajoutant des attaques personnelles contre Emmanuel ou Brigitte Macron, avec en prime quelques fausses informations. C’est véritablement le cœur de la fachosphère à la Française.
Vendredi, vous vous en souvenez peut-être, il y avait au cœur de l’actualité deux activistes du climat britanniques qui avaient aspergé une toile de Van Gogh de soupe à la tomate. Le tableau étant protégé par une vitre, il n’a pas été endommagé, mais l’action a suffisamment choqué les esprits pour qu’on ait 50 nuances de réactions… Du coup de com’ génial pour réveiller les consciences, à l’acte scandaleux qui méprise les œuvres d’art, en passant par la question pertinente, mais démarche contre-productive.
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Pierre Sautarel, alias “Français de Souche”, a publié la vidéo de cette action avec le commentaire suivant : « Des activistes écolo-gauchistes viennent de saccager les tournesols de Van Gogh. » Et Georges-Louis Bouchez a repris la publication de Sautarel en ajoutant, je cite, « d’ignares imbéciles qui font énormément de tort à la cause climatique » fin de citation. Alors qu’on se mette d’accord, le débat ne porte pas sur le fond du message. Que Georges-Louis Bouchez condamne cette action, c’est évidemment son droit. Le problème, c’est le partage d’un contenu qui est ouvertement d’extrême droite. On n’est plus dans la rupture du cordon sanitaire, on est carrément dans la publicité gratuite. Georges-Louis Bouchez passe suffisamment de temps sur Twitter pour savoir ce qu’il fait.
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Il y a 5 mois, le 8 mai, Georges-Louis Bouchez, Paul Magnette, Maxime Prévot et François De Smet avaient signé une charte pour la démocratie. Un document où tous les partis s’engageaient à combattre l’extrême droite et à ne pas débattre avec elle. Le seul à avoir refusé de signer, c’était Raoul Hedebouw. L’article 9 de cette charte dit ceci : « Ne pas répercuter des propos dans la presse ou sur les réseaux sociaux aboutissant à banaliser des propos à caractère discriminatoires, xénophobes, racistes ou antisémites ou des propos tenus par des personnes vivant en Belgique ou à l’étranger qui promeuvent manifestement des idées d’extrême droite. » Manifestement des idées d’extrême droite, il faudrait avoir très peu de culture politique pour ne pas saisir que “Français de souche” relève bien de cette catégorie.
À l’évidence, Georges-Louis Bouchez a donc rompu la charte pour la démocratie qu’il a lui-même signée. Et il serait sain qu’il puisse le reconnaître et s’en excuser ou donner des explications. De notre côté, puisque le rôle de la presse est aussi de mettre le doigt là où cela fait mal, on s’étonne que les autres signataires de cette fameuse charte n’estiment pas nécessaire de réagir. Et qu’il n’ait pas fallu 6 mois pour que ce document, négocié au plus haut niveau des partis francophones, finisse finalement dans une corbeille à papier.
Un édito de Fabrice Grosfilley