Des inculpations qui changent tout, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’inculpation de l’échevin Schaerbeekois Michel de Herde (DéFi) pour l’atteinte à l’intégrité sexuelle de majeures.

Ce n’est qu’une étape dans une procédure judiciaire. Elle ne remet pas en cause la présomption d’innocence qui bénéficie à une personne inculpée. L’échevin de Schaerbeek Michel De Herde est désormais inculpé. Et cela va hanger beaucoup de choses.

Cette inculpation, ce sont nos confrères de la RTBF qui l’ont révélée sur leur site web ce mercredi après-midi. Elle fait suite à une perquisition menée lundi à la maison communale, ainsi qu’à une longue audition de l’intéressé par la police fédérale. Deux jours d’auditions, avec une nuit dans les locaux de la police, écrit la RTBF. Et même si l’échevin a été remis en liberté sous conditions, c’est le genre d’information dont un homme ou une femme politique a du mal à se relever.

Michel De Herde, échevin en charge de l’enseignement, c’est un poids lourd à Schaerbeek. Membre de DéFi4ie échevin, 1300 voix de préférence en 2018, le 4e score de la liste du bourgmestre. Cela fait 27 ans qu’il est actif au conseil échevinal, d’abord en charge des crèches, depuis 6 ans en charge de l’enseignement francophone, qui accueille près de 10 000 élèves à Schaerbeek. Il est également en charge du budget, ce qui lui permet d’avoir une vue sur tout ce qui se passe au niveau local. Qu’on puisse être inculpé et continuer à assumer cette charge, est difficilement imaginable.

► À voir aussi : 200 personnes manifestent pour le départ de Michel de Herde, l’échevin nie toujours les faits


Et cela est d’autant plus difficile que le mot “inculpations” est à écrire au pluriel. Il y a une inculpation pour atteinte à l’intégrité sexuelle, ce qu’on appelait autrefois un attentat à la pudeur. Et une inculpation pour atteinte à l’intégrité sexuelle par personne ayant autorité. La première inculpation est probablement liée à la plainte déposée par l’échevine Sihame Haddioui qui reprochait à Michel De Herde d’avoir mis sa main sur sa cuisse et tenu des propos graveleux en plein conseil communal. La seconde vise probablement des plaintes ou des témoignages émanant du personnel communal sur lequel Michel De Herde avait donc autorité.

Du côté de DéFi, le parti de Michel De Herde annonce ce soir que le comité des sages entendra Michel De Herde mercredi prochain. Et qu’il faudra attendre cette audition pour prendre les dispositions utiles. Et le parti d’affirmer dans un communiqué que s’il est indispensable de respecter la présomption d’innocence, il est tout autant indispensable de respecter, d’écouter et d’entendre la parole des femmes dénonçant une agression. La jurisprudence constante de DéFI est de suspendre les membres faisant l’objet d’une inculpation et de les mettre en suspens de toutes leurs fonctions politiques, précise également le communiqué de presse du parti amarante.

En clair, Michel de Herde n’est pas encore formellement suspendu. Mais ce n’est plus qu’une question de jours. En parallèle aux décisions du parti, il y aura aussi celles de la majorité communale. Le bureau de la bourgmestre confirme qu’un Collège échevinal aura lieu demain et aura à se pencher sur le retrait des attributions de l’échevin.  C’est la seule issue politiquement possible après l’annonce de cette double inculpation. Personne ne comprendrait que Michel De Herde reste en poste. Même s’il va désormais avoir la possibilité de se défendre, de prendre un avocat, de contester les charges qui pèsent contre lui. On notera qu’un juge d’instruction instruit à charge et à décharge ne prend pas ce genre de décision à la légère. Mais être inculpé, ce n’est pas être coupable, il faut évidemment le rappeler.

Le seul regret dans cette affaire, c’est qu’il aura fallu près de 10 mois pour aboutir à une conclusion. Les faits reprochés par Sihame Haddioui se sont produits en février. Signalés en mars, avec une plainte au pénal au mois de mai. 10 mois, c’est sans doute anormalement long et compliqué à vivre quand on est la victime d’un acte sexiste et qu’on doit croiser régulièrement son agresseur.

À Schaerbeek, il va donc falloir tourner la page Michel De Herde. Et dans le petit monde politique bruxellois, prendre acte qu’on a changé d’époque, et que des comportements qui paraissaient anodins il y a 30 ans, ne sont plus tolérables aujourd’hui. La toute-puissance masculine, l’impunité des harceleurs, l’indélicatesse des hommes de pouvoir, cela appartient au passé. On ne peut que s’en féliciter.

Un édito de Fabrice Grosfilley