L’édito de Fabrice Grosfilley : les 4 défaites de Bart De Wever

Un camouflet

Le Premier ministre aura beau prétendre l’inverse, il vient de subir un revers majeur. Brandir la menace d’une démission en s’enfermant dans un calendrier avec un ultimatum fixé au 6 novembre, pour finalement annoncer qu’on se donne cinquante jours supplémentaires, et qu’au lieu du 6 novembre, la date butoir sera finalement la veille de Noël, est une reculade. Le genre de renoncement auquel Bart De Wever, maître incontesté de la politique en Flandre depuis plus de vingt ans, ne nous avait pas habitués.

Un renoncement sur le plan des symboles

En allant chez le roi et en lui demandant un délai supplémentaire, le Premier ministre s’inscrit parfaitement dans l’ambiguïté qui régit les rapports entre le Palais et le chef de gouvernement dans notre monarchie constitutionnelle. Hors période de formation gouvernementale, le rôle du roi est en théorie limité : il incarne l’État, il signe les lois, il s’informe, mais, théoriquement, il n’intervient pas. Mais en période de crise, faire rapport au roi, le faire savoir, menacer de démissionner puis convenir avec le souverain que ce ne serait pas une bonne chose, est une manière de s’appuyer sur lui pour éviter de se retrouver tout nu face aux parlementaires. On s’abrite derrière le roi pour contourner le problème. C’est exactement ce qu’a fait Bart De Wever, comme Yves Leterme, Herman Van Rompuy ou Jean-Luc Dehaene avaient pu le faire avant lui.
Bien sûr, le roi est consentant. Mais il est savoureux de voir un nationaliste flamand passer par la case Palais pour masquer son incapacité à diriger sa majorité.

Le deuxième renoncement est politique

Bart De Wever a finalement moins d’autorité qu’on ne le pensait sur sa majorité. Il n’a pas été capable de faire plier le Mouvement Réformateur. David Clarinval et Georges-Louis Bouchez se sont montrés inflexibles. Ils sont d’ailleurs clairement montrés du doigt par leurs partenaires de coalition.
L’attitude du MR est “un des éléments qui a créé la difficulté”, a expliqué le vice-premier ministre des Engagés, Maxime Prévot, hier soir sur le plateau de la RTBF.
Le ministre des Affaires étrangères, qui nous avait habitués à plus de diplomatie vis-à-vis du parti libéral, a également expliqué que “faire un accord, ce n’est pas renier ses promesses, c’est accepter l’idée que nous ne sommes pas tout seuls autour de la table“. Qu’il fallait plutôt “accepter une recette équilibrée, avec aussi une part liée aux recettes fiscales… sauf à casser la machine Belgique. Et ce serait un comble que ce soit à cause de francophones“.

Troisième renoncement : sur le plan budgétaire

Il n’y aura pas de budget voté par le Parlement fédéral avant la fin de l’année. Cela signifie que l’année 2026 commencera sur le principe des douzièmes provisoires. Cela concernera toutes les dépenses de l’État fédéral et de ses administrations, y compris les dépenses de sécurité sociale.
La grande ambition de contrôler et de réduire le déficit budgétaire n’est donc pas rencontrée. C’est un comble pour une majorité qui nous promettait de faire bien mieux que les précédents gouvernements.

J’ouvre ici une parenthèse : si comparaison n’est pas raison, on ne peut s’empêcher de penser à la situation de la Région bruxelloise. Là aussi, on est en douzièmes provisoires, et le déficit continue de se creuser. Et l’on doit bien noter que le parti qui a bloqué le débat au niveau fédéral, le MR, est aussi celui qui est à la manœuvre au niveau bruxellois, et qui, jusqu’à présent, s’est montré incapable d’inverser le cours des choses.
Blocage au fédéral, blocage à Bruxelles : dans les deux cas, la bonne et saine gestion budgétaire qu’on nous avait promise n’est pas au rendez-vous.

Quatrième et dernier renoncement : celui des réformes

Non seulement Bart De Wever n’a pas d’accord sur le budget des années à venir, mais il n’a pas non plus d’accord sur la mise en œuvre de l’accord d’été, avec des réformes très concrètes qui auraient pu changer le quotidien de certains citoyens et des entreprises.
Le malus pension, par exemple, ne pourra pas entrer en vigueur au 1er janvier. Même chose pour le plan d’accompagnement des malades de longue durée, pour le passage du travail de nuit de 20h à minuit dans les secteurs du commerce et de la logistique, ou encore pour la taxation des plus-values. Tous ces dossiers sont donc à ce stade suspendus.
La seule réforme qui entrera concrètement en vigueur au 1er janvier, c’est celle de la limitation à deux ans de l’assurance-chômage.

Conclusion (provisoire)

Pour Bart De Wever et son équipe, le bilan est à ce stade bien plus maigre qu’on ne l’avait imaginé.
Le renvoi du Parti socialiste et de la famille écologiste dans l’opposition aurait dû rendre le travail plus simple. Avec des partis qui se réclament tous d’une idéologie de droite ou de centre-droit — à l’exception de Vooruit, qu’on classe au centre gauche — on aurait dû avoir une majorité capable de plus de cohérence et de plus d’efficacité. Ce n’est finalement pas le cas.

La majorité fédérale est aujourd’hui paralysée. En se laissant cinquante jours, elle enjambera la Saint-Nicolas et espère un miracle pour le 25 décembre. Mais en s’enfermant dans un nouveau calendrier, si les positions n’évoluent pas d’ici là, le réveillon de Noël ne sera pas forcément un cadeau.
Et la seule manière pour Bart De Wever de tirer son épingle du jeu, en cas d’échec, ce sera finalement de dire qu’avec le roi ou sans le roi, ce pays qui est le nôtre est devenu ingouvernable.

Fabrice Grosfilley

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