L’édito de Fabrice Grosfilley : la pression monte

Un bouillonnement d’initiatives, et une mise sous pression qui gagne en intensité. Les négociateurs bruxellois entrent de nouveau, ce matin, dans une zone dépressionnaire, comme on dit à la météo marine. La mer se creuse, la houle devient plus forte, les nuages plus menaçants. Aujourd’hui, cela fait exactement 460 jours que nous avons voté. 460 jours que nous sommes sans gouvernement de plein exercice.

Côté nuages menaçants, on se rapproche d’un nouveau rapport de l’agence de notation Standard & Poor’s, alors qu’à ce stade rien ne bouge en matière de budget. De nombreuses associations ont été contraintes de licencier du personnel. On met des familles à la rue, faute de place dans les hébergements d’urgence. La réparation des tunnels routiers vétustes n’est toujours pas lancée. Etc.

Après les nuages noirs, le coup de tonnerre : la suspension par la Cour constitutionnelle du report de la dernière phase de la zone de basse émission. L’interdiction de circulation qui aurait dû frapper 30 000 véhicules polluants au 1er janvier de cette année va devoir s’appliquer. Le report de cette mesure à 2027, décidé par le parlement bruxellois, est à ce stade suspendu par la Cour, et il sera probablement annulé dans les semaines à venir.

En clair, il est bel et bien interdit de rouler avec des véhicules diesel Euro 5 ou essence Euro 2 en Région bruxelloise. Cela s’applique à tout le monde : aux automobilistes bruxellois, aux navetteurs, et surtout aux autorités, qui vont devoir faire respecter la législation. On peut évidemment faire preuve d’un peu de souplesse, ne pas verbaliser tout de suite, trouver des modalités d’accompagnement, mais on ne pourra pas aller contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle. La décision des juges est à ce stade incontournable, à moins que Bruxelles ou la Belgique ne soient plus considérées comme un État de droit.

Cette décision, mine de rien, met les politiques face à leurs responsabilités. D’abord face à un certain excès de confiance, pour les partis qui avaient voté ce report — MR, PS et Engagés notamment — qui avaient haussé les épaules face aux nombreux avertissements lancés lors du vote. Défenseurs de l’environnement et juristes les avaient mis en garde, ils avaient refusé d’écouter, persuadés de se mettre une partie de l’opinion publique dans la poche. La gestion des affaires publiques ne se fait pas uniquement en distribuant des cadeaux à telle ou telle partie de la population. Ensuite, si les partis veulent encore nuancer ou adoucir la mesure (en lui appliquant des correctifs sociaux par exemple) il y a désormais urgence à légiférer à nouveau.

Toujours au rayon responsabilités, on notera cette mise en demeure du collectif citoyen « Respect Brussels ». Celui-ci adresse aujourd’hui une missive aux parlementaires bruxellois. Le courrier demande le lancement de négociations pour le 26 septembre au plus tard, et la présentation d’un budget avant le 10 octobre. Le collectif se réserve le droit d’entamer par la suite des procédures juridiques contre les députés. Respect Brussels est le collectif qui avait organisé un pique-nique citoyen le 9 juin dernier. Ce n’est que symbolique, bien sûr, mais cela rappelle aussi aux députés régionaux l’ensemble de leurs responsabilités. Ces députés et leurs dirigeants doivent savoir que l’opinion les regarde.

Côté pression, l’idée d’organiser de nouvelles élections est aussi en train de faire son chemin. Lancée par David Leisterh, la proposition avait déjà reçu hier le soutien d’Ecolo. Ce matin, c’est Cieltje Van Achter (N-VA), dans La Libre Belgique, qui s’y dit favorable. Comme il faut une majorité des deux tiers au parlement fédéral pour adapter la loi spéciale, on n’y est pas encore. Mais la pression ne tardera pas à rattraper le Parti socialiste, qui n’était pas enthousiaste à l’idée de revoter. Ce Parti socialiste risque malgré tout de ne pas avoir vraiment la liberté de refuser. Il ne pourra pas apparaître comme celui qui bloque les négociations de l’intérieur en refusant la N-VA et qui bloque aussi une solution venant de l’extérieur avec l’organisation de nouvelles élections.

Lundi, ce sera aussi la rentrée du Parlement bruxellois, avec notamment le renouvellement du bureau de l’assemblée. On pourrait laisser Bertin Mampaka, initialement désigné parce qu’il était le doyen, à la présidence. On pourrait aussi le remplacer. Dans ce cas-là, les partis se compteront. Si l’on passe au vote, ce sera l’expression d’un rapport de forces, avec un gagnant et un perdant… Et dans ce cas, le risque que le parti du perdant, gagné par la déception, se raidisse dans d’éventuelles négociations est réel. Comme la majorité du bureau est à gauche, c’est dans cette hypothèse que le MR perdrait un poste hautement symbolique. Les partis ont donc intérêt à s’entendre à l’amiable.

Enfin, lundi soir, il y a la réunion proposée par Frédéric De Gucht. On ne doit pas en attendre grand-chose, ai-je écrit dans mes éditoriaux précédents. Mais peut-être que l’un ou l’autre partenaire aura à cœur de lever un élément de blocage pour éviter que cette réunion ne se termine par un nouveau fiasco.

Quand on met tous ces éléments les uns à côté des autres, qu’on constate que les pressions s’additionnent, on aimerait pouvoir se dire qu’on entre à nouveau dans ce genre de moment qui pourrait faire bouger les lignes. Qu’il y a une fenêtre d’opportunité pour qu’il se passe quelque chose d’ici lundi. On aimerait l’écrire. Mais on a si souvent été déçus, qu’on ne l’ose plus.

BX1
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