L’édito de Fabrice Grosfilley : l’important c’est l’atterisage
Le plus important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. Vous connaissez peut-être cette phrase du film La Haine de Mathieu Kassovitz. Une maxime qui signifie qu’on ne peut décoder une situation qu’en fonction de ce qui se passe à la fin, et que les conséquences d’un événement ont plus d’impact que l’événement en lui-même.
Le plus important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. C’est peut-être ce que se dit ce matin le facilitateur Yvan Verougstraete. Initialement, celui-ci s’était lancé pour une mission d’une semaine avec l’objectif d’écrire une note de cadrage. Finalement, il en fait une deuxième pour approfondir les discussions sur le plan budgétaire. On avait évoqué une fin de mission ce vendredi, finalement ce sera plutôt lundi, et on est pas sûrs qu’il s’agira du point final à la facilitation.
D’après mes informations, les travaux budgétaires annoncés pour cette semaine prennent un peu plus de temps que prévu. Yvan Verougstraete n’a pas encore revu tous les partis politiques bruxellois. Certains, hier soir, attendaient même toujours qu’on fixe un rendez-vous. À la décharge du facilitateur, on rappellera qu’il est aussi président de parti, et que les débats au fédéral, notamment sur la bande de Gaza, ont probablement un peu perturbé son agenda.
Toujours d’après mes informations, les questions budgétaires sont loin d’être les seules à avoir été discutées cette semaine. Ce second tour d’entretiens bilatéraux permet surtout aux partis de réagir à la première note envoyée par Yvan Verougstraete dimanche dernier. Cette note de 17 pages voulait faire de Bruxelles la capitale de la qualité de vie. Une note qui, on l’a dit dans cet éditorial lundi matin, paraissait de l’extérieur assez équilibrée, mais qui comprenait aussi un certain nombre d’éléments « poil à gratter » pour une série de partenaires potentiels. Ainsi, la suspension de l’ordonnance sur les loyers abusifs ou le retour de la taxation automobile au kilomètre parcouru sont de nature à crisper les socialistes, et ils l’ont sans doute fait savoir. Les ouvertures en matière de mobilité douce ne sont probablement pas de nature à réjouir les partis qui avaient fait campagne contre Good Move, même si ce terme-là n’est plus repris. La fixation de l’équilibre budgétaire à 7 ans ne sera sans doute pas considérée comme suffisamment ambitieuse par un parti comme l’Open VLD.
En réalité, chaque partenaire pouvait trouver dans ce texte des éléments positifs, et aussi des éléments qu’il pouvait juger inacceptables. Pour l’instant, personne n’a réellement claqué la porte. Il faut donc approfondir les discussions pour savoir ce qu’on met derrière les mots et les formules un peu trop vagues. Approfondir les convergences, c’est le travail que mène Yvan Verougstraete. La véritable explication budgétaire n’est donc pas encore à l’ordre du jour. Il n’est pas exclu que le facilitateur demande à prolonger d’une troisième semaine.
Reste la question centrale : qui est prêt à entrer dans un gouvernement ? Qui est prêt à le faire dans un contexte où ce gouvernement aura fort peu de bonnes nouvelles à annoncer ? Et qui est prêt à le faire avec des partenaires qu’il ne souhaite pas fréquenter, ou sans les alliés auxquels il avait initialement pensé ? Cette question de la coalition n’a jamais été affrontée frontalement ces derniers jours. Et pourtant, elle reste dans tous les esprits.
Lundi, Yvan Verougstraete devra donc dire à quel niveau d’approfondissement et de convergence il arrive, ce qui reste à faire en termes de préparation budgétaire, et aussi s’il a trouvé ou pas le chemin vers la fameuse double majorité nécessaire pour installer un gouvernement. En fonction de ces différents éléments, il dira s’il entend poursuivre sa mission parce que les choses avancent et qu’il serait préférable de ne pas changer de méthode ni d’ambiance en changeant de négociateur (option 1), ou s’il passe le relais à un formateur, à charge pour celui-ci de conclure un accord en bonne et due forme (option 2) , ou encore s’il tire un constat d’échec dans le cas où les négociations se heurteraient de nouveau au mur des exclusives et au manque d’enthousiasme des uns et des autres (option 3). Ce n’est qu’après cela qu’on pourra dire si cette mission de facilitation a permis d’avancer, ou si on est toujours autant bloqué qu’avant les vacances. Pour l’instant, on ne peut pas encore tirer de conclusion.
Le plus important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.





