L’édito de Fabrice Grosfilley : Rima Hassan, les étudiants et leurs détracteurs

Rima Hassan. C’est le nom que les étudiants en droit et en criminologie de l’ULB ont décidé de donner à leur promotion. Un hommage à la députée européenne de La France insoumise, dans l’esprit des étudiants. Une incongruité, selon ses détracteurs, car la députée française ne serait pas digne de servir de modèle.

Essayons de prendre un peu de recul, plutôt que de nous lancer dans des indignations à l’emporte-pièce. D’abord, qui est Rima Hassan ? Une enfant palestinienne, née dans un camp de réfugiés en Syrie. Apatride, elle arrive en France à l’âge de 10 ans. Sa famille, qui a le statut de réfugié, s’installe dans le Poitou-Charentes. À 18 ans, Rima Hassan obtient la nationalité française et entame des études de droit – ce qui est important dans l’affaire qui nous occupe. Elle est diplômée de l’université Panthéon-Sorbonne. Dans son mémoire, elle établit une comparaison entre la politique menée par Israël et l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.

Militante, elle fait régulièrement des allers-retours en Jordanie et prend souvent la parole sur le dossier du Proche-Orient. Cela l’amène finalement à être élue au Parlement européen pour le parti de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise.  En 2024, elle est même classée parmi les 40 femmes qui font rayonner la France à l’international par le magazine Forbes.

Que reproche-t-on à Rima Hassan ? D’abord une série de déclarations jugées ambiguës, au cours desquelles elle ne condamne pas explicitement l’action du Hamas. Des propos où elle emploie régulièrement le terme de « résistance palestinienne », ce qui semble indiquer une forme de soutien, allant jusqu’à estimer que l’action du Hamas serait légitime du point de vue du droit international. Ses détracteurs lui reprochent aussi un séjour en Syrie, du temps de Bachar el-Assad, ou encore un manque de distance vis-à-vis du pouvoir algérien. Des organisations juives ont même déposé plainte contre elle pour apologie du terrorisme et l’accusent d’antisémitisme. Elle répond en parlant de propagande orchestrée par le gouvernement israélien.

Cette polémique a déjà démarré au mois de juin, avec une pétition qui a recueilli 1 300 signatures. Ce qui a amené la direction de l’ULB à organiser un second vote. Les étudiants ont confirmé leur choix, et hier, une cinquantaine d’intellectuels français et belges ont envoyé un nouveau courrier de protestation.

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On a évidemment le droit de ne pas être d’accord avec Rima Hassan, de critiquer certaines de ses prises de parole. On peut aussi comprendre pourquoi elle est considérée comme inspirante par les étudiants qui se reconnaissent en elle.

Quelle que soit la position que l’on adopte sur le fond, il y a un élément que l’on doit garder à l’esprit : celui de la mesure. Parler de nouveau fascisme, comme j’ai pu le lire sur les réseaux sociaux, s’enflammer, exiger, condamner, ce n’est pas digne d’un débat démocratique et encore moins d’un débat intellectuel. Rima Hassan n’est pas une criminelle de guerre, quoi qu’elle ait pu dire. On n’a pas forcément raison parce qu’on crie plus fort que l’autre, l’anathème et l’excommunication ne sont que des moyens d’éviter le débat qui nous dérange.

Il y a, derrière cette polémique, un clash des générations mais aussi un problème de curseur. En choisissant le nom de Rima Hassan, beaucoup d’étudiants expriment leur malaise face à ce qui se passe à Gaza et leur souhait de voir ce dossier devenir une priorité pour nos démocraties occidentales. Au delà d’une forme de provocation il y a là une critique implicite des élites et du pouvoir.  Et vouloir, au nom de la liberté, de la morale et de la justice, retirer aux étudiants la liberté de choisir ce qui leur semble moral ou juste, ce serait tout de même assez paradoxal.

Ecouter l’édito de Fabrice Grosfilley dans Bonjour Bruxelles

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