L’édito de Fabrice Grosfilley : un “super bourgmestre” sera le patron de la “super zone de police”

Ce sera pour 2027… ou peut-être l’année suivante. En tout cas dans un délai d’un an après l’adoption du projet de loi par le Parlement fédéral et sa promulgation. C’est ce qui est prévu dans l’avant-projet de loi transmis par le gouvernement fédéral aux 19 bourgmestres de la Région bruxelloise. Pour créer la future zone de police unifiée, le gouvernement fédéral a donc rédigé 67 pages, 135 articles portant sur des “modifications de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré”, un texte adopté en conseil restreint le 18 juin dernier. Une première version sur laquelle les bourgmestres ont jusqu’à la fin août pour faire part de leurs remarques.Un monstre juridique“, indique d’ores et déjà après une première lecture Olivier Maingain, bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert qui va passer les prochains jours à décortiquer le projet dans le détail.

À la lecture du document, une question vient rapidement à l’esprit : qui seront les patrons de la nouvelle zone de police ?  Un gigantesque corps de police de 6500 agents qui sera dirigé par un duo : un chef de corps et un président du collège de police. Le chef de corps sera un policier. Le président du collège sera l’un des 19 bourgmestres. La désignation de l’un et de l’autre sera du ressort du collège des bourgmestres qui deviendra, en Région bruxelloise, le conseil de police nouvelle formule.

Administrer une aussi grande zone de police à 19 ?  Difficilement jouable. Voilà pourquoi l’avant-projet prévoit de créer un bureau composé d’un tiers des membres (soit 6 membres si on sait compter). Précision importante : un tiers du bureau (soit 2 bourgmestres) devront provenir de communes dont la population est inférieure à la médiane de la zone. Ce bureau  fonctionnera comme un mini-gouvernement de la sécurité, avec des portefeuilles à attribuer. Il est précisé que le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, le Haut Fonctionnaire de l’Agglomération bruxelloise et le vice-gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale participent aux réunions du collège de police (et peuvent participer à celles du bureau), mais sans voix délibérative. Traduction : c’est le bureau de la zone unifié, et en particulier son président, qui aura bien tous les pouvoirs en matière de sécurité (on en est donc revenu du projet de doper les prérogatives du ministre-président et de confier plus de responsabilités à la région).

Un enjeu politique majeur

La désignation du président du collège de police sera donc un enjeu politique majeur dans les années à venir, d’autant plus qu’il ne sera pas question d’une présidence tournante comme c’est le cas pour la conférence des bourgmestres : “sauf autre accord entre les membres du collège de police, la présidence est exercée pour une durée minimale de deux ans et une durée maximale de six ans”, précise l’avant-projet de loi. Et cette désignation ne reposera pas sur le principe un homme, une voix. Le poids de chacun des bourgmestres est en effet pondéré en fonction de la dotation financière des communes au budget de la zone. Une pondération, qui est théoriquement déjà d’application mais appliquée avec souplesse aujourd’hui, alors qu’elle pourrait devenir un formidable outil de pression à l’avenir. Dans le futur collège de police bruxellois les grandes communes seront fortement avantagées... et le bourgmestre de la Ville a de fortes chances de devenir le “super flic” de la Région bruxelloise (l’actuelle zone PolBru, soit Bruxelles-Ixelles, compte à elle seule 2700 collaborateurs).

Une fois la question du président et du bureau réglée, les 19 bourgmestres ne seront pas au bout de leurs peines. Car la même règle de pondération s’appliquera pour décider du budget et de la répartition des effectifs, avec le risque que les petites communes soient régulièrement minorisées, ou que le collège des bourgmestres qui fonctionne aujourd’hui au consensus dans un climat relativement serein ne devienne un champ de bataille permanent.

Certains bourgmestres pointent aussi un déficit de contrôle démocratique. Le fonctionnement décrit dans l’avant-projet donne beaucoup de pouvoir au bureau, mais assez peu au collège dans son ensemble. Tous les trois mois un rapport sur les activités de la super-zone sera transmis aux communes. Le conseil de police ayant été supprimé c’est au conseil communal que le citoyen  pourra interpeller sur le fonctionnement de la zone, avec un bourgmestre qui sera donc obligé de répondre au nom de celle-ci alors qu’il ne fera pas toujours partie du bureau exécutif ou qu’il aura pu être minorisé sur l’une ou l’autre décision. “Comment respecter l’obligation de collégialité et de huis-clos dans ces circonstances?”, s’interroge  déjà Olivier Maingain.

Un organe exécutif qui s’auto-contrôle ?

Le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert pointe aussi  une “bizarrerie institutionnelle” puisque le collège de police votera son propre budget. Il sera un organe exécutif qui s’autocontrôlera. Et l’ancien parlementaire fédéral  de s’interroger sur l’égalité entre pouvoirs  communaux à partir du moment ou une pondération s’applique et risque de priver les plus petites communes de leur pouvoir. Et de finir par poser  la question à 1000 euros : que se passera-t-il si une commune refuse de valider la dotation que la zone lui demande ?

De son coté, Jean Spinette, bourgmestre de Saint-Gilles  s’interroge sur le financement insuffisant de la réforme. “La norme KUL nous donnerait droit à 420 millions supplémentaires, et le fédéral nous offre 55 millions sur 5 ans, soit 11 millions par an”, note-t-il. “On nous impose une réforme alors qu’elle ne le sera pas sur le reste du royaume, et les financements ne suivent toujours pas”. Lui redoute déjà que les policier bruxellois doivent continuer à intervenir ailleurs, en renfort (il cite la foire de Libramont par exemple) et regrette que les bourgmestres se voient délester progressivement de leurs prérogatives, alors qu’ils sont le lien entre la police et le citoyen.

Pour l’instant les bourgmestres se laissent donc le temps de l’analyse. Mais les termes “question préjudicielle”, “avis du Conseil d’Etat”, “Cour constitutionnelle” sont déjà dans toutes les conversations…

 

 

 

 

 

 

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