L’édito de Fabrice Grosfilley : c’est par le budget qu’on est réellement gouverné

Et votre budget, où en est-il ? S’il ne devait y avoir qu’un seul moyen de mesurer la bonne santé d’un gouvernement, ce serait sa capacité à présenter ou non un budget acceptable. Pas seulement l’idée d’un budget en équilibre ou non. Cela relève en grande partie de l’idéologie, entre ceux qui estiment qu’il faut à tout prix rétablir les finances publiques et rembourser la dette rapidement, et ceux qui pensent qu’un endettement raisonnable est soutenable, car c’est le rôle de l’État d’aider et d’investir, surtout quand les choses vont mal. C’est le débat classique entre droite et gauche, même s’il faut souligner que certains États, dont la Belgique, ont un endettement plus important que d’autres.

Non, je parle du budget comme révélateur de l’état politique, par le simple fait de pouvoir ou non présenter un budget. Cet exercice est un rituel des rentrées parlementaires. On présente un budget à l’automne, notamment parce qu’il faut l’avoir voté avant la fin de l’année pour qu’il soit applicable au premier janvier. Et, depuis quelques années maintenant, parce que l’Union européenne nous demande de garantir que nous restons bien dans le cadre du pacte de stabilité. Les prévisions budgétaires des États membres doivent être soumises cette année pour le 20 septembre, c’est vendredi, afin que la Commission ait le temps de les examiner et de demander des corrections si nécessaire.

Cette année, la Belgique ne sera donc pas en mesure de respecter le délai. Pour la simple raison que nous n’avons pas de gouvernement de plein exercice ; celui d’Alexander De Croo est en affaires courantes, et le suivant, s’il voit le jour un jour, est dans une phase de négociation qu’on qualifiera de peu empressée. Depuis que la note de Bart De Wever a été rejetée, on prend son temps pour négocier, et on s’occupe au moins autant des élections communales à venir que de préparer les budgets des prochaines années. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai. Disons que les techniciens planchent sur le budget, mais que les hommes et femmes politiques ont la tête ailleurs. Et comme ce sont les politiques qui tranchent les difficultés, il n’y aura pas de miracle d’ici vendredi, ni même d’ici au 13 octobre, date des élections communales. Bart De Wever l’a d’ailleurs reconnu officiellement dans un courrier adressé à la secrétaire d’État au Budget du gouvernement d’affaires courantes, Alexia Bertrand  : “Il sera impossible de remettre à la Commission européenne un plan structurel budgétaire belge à moyen terme dans les délais impartis, à savoir le 20 septembre 2024. Je vous prie donc de demander à la Commission européenne de permettre à la Belgique de présenter un nouveau plan structurel budgétaire à moyen terme d’ici la fin de l’année”. Fin de l’année, voilà donc qui est clair. Bart De Wever ne veut pas s’enfermer dans un calendrier ; il vise large. Il est donc fort possible que nous n’ayons pas de gouvernement fédéral avant décembre.

Le budget comme révélateur des difficultés, c’est aussi vrai en France d’ailleurs. Hier, Michel Barnier, le nouveau Premier ministre français, a lui aussi demandé un délai pour présenter son projet de budget. Théoriquement, il aurait dû le faire pour le 1er octobre. La loi de finances ne sera pas prête avant le 9 octobre, a fait savoir son entourage… quitte à provoquer une certaine irritation dans les rangs parlementaires. La loi de finances doit être examinée en commission des finances de l’Assemblée nationale, sans doute l’un des salons les moins accommodants de la République Française  et sans majorité claire, ce ne sera pas une partie de plaisir.

Pas de budget au fédéral, pas de budget en France. Et pas de budget non plus à la Région bruxelloise. Alors que le gouvernement wallon a prévu de tenir un conclave budgétaire en octobre, et annonce que les débats débuteront le 15 novembre au parlement wallon. Ce sera donc après les élections communales, mais avant la fin de l’année. Mais à Bruxelles, rien. Et pour cause, puisque nous n’avons pas de gouvernement. Nous en sommes même assez loin. Pas de gouvernement, pas de budget. Si rien n’est fait d’ici la fin de l’année, cela signifierait que pour l’année 2025, la région bruxelloise fonctionnerait avec le système des douzièmes provisoires, reproduisant à l’identique ce qui existe sans aucune modification possible. Le degré zéro de l’action politique. C’est ce qui, faute d’accord, nous menace aujourd’hui. Ce serait la démonstration, par le budget, que notre région n’est plus en état d’être gouvernée.

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