Procès des attentats de Bruxelles : l’audience de jeudi marque la fin des plaidoiries des parties civiles
Les plaidoiries des parties civiles au procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles prendront fin jeudi, après environ six jours de prises de parole successives. Les avocats de la défense prendront la suite à partir du mardi 20 juin, après une journée sans audience lundi pour leur permettre de revoir leurs arguments.
Un collectif d’avocats de la partie civile s’était organisé pour présenter une plaidoirie commune, qui s’est étendu sur cinq jours. Ils ont notamment présenté les éléments de culpabilité relatifs à chaque accusé et présenté les histoires de certaines victimes.
Mercredi en fin de journée, plusieurs pénalistes ne faisant pas partie de ce groupe ont pris la parole pour leurs clients. Jeudi, ce sont les derniers d’entre eux qui plaideront, notamment Mes Wilmotte et Mayence.
Si tout se déroule comme prévu, leurs présentations se termineront en début d’après-midi. À ce moment, les parties civiles elles-mêmes pourront s’exprimer si elles le désirent. Les conseils des accusés ayant demandé un délai pour revoir leurs lignes de défense, il n’y aura pas d’audience lundi. Leurs plaidoiries débuteront mardi avec, a priori, Me Delphine Paci pour Salah Abdeslam.
Dix hommes sont accusés dans ce procès. Oussama Atar, présumé mort en Syrie, fait défaut. Huit – Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa, Ali El Haddad Asufi et Smail Farisi – sont accusés d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste ainsi que de participation aux activités d’un groupe terroriste. Un neuvième, Ibrahim Farisi, doit uniquement répondre de ce dernier chef.
“Vous êtes un assassin”, a martelé Me Mayence en direction de Salah Abdeslam
“Vous étiez un assassin, vous êtes un assassin et vous serez encore plus un assassin en sortant d’ici“, a envoyé Me Jean-Philippe Mayence, conseil de la partie civile, en direction de Salah Abdeslam, jeudi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, au procès des attentats du 22 mars 2016. Le ténor du barreau de Charleroi n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour qualifier les principaux accusés: des tueurs dont “la volonté de destruction dépasse l’intention de tuer et va jusqu’à punir le peuple belge, faire couler le plus de sang possible…“.
L’avocat s’en est particulièrement pris à Salah Abdeslam, qu’il a traité d’assassin à plusieurs reprises, tentant de tourner en ridicule sa ligne de défense.
“Vous n’êtes rien pour eux, vous ne représentez rien“, a plaidé Me Mayence à l’attention des jurés. “Eux, ils se font des petits signes dans le box, ils rigolent… Mais, de temps en temps, ils s’insurgent“, a-t-il dit, narquois, faisant allusion aux plaintes des accusés, au début du procès, au sujet de leurs conditions de transfert de la prison au Justitia. “Mais vous leur direz le prix à payer quand on a voué allégeance au terrorisme”, a-t-il poursuivi.
“N’oubliez surtout pas le caractère exceptionnel de ce procès, n’oubliez pas que leur volonté de destruction dépasse l’intention de tuer et va jusqu’à punir le peuple belge, faire couler le plus de sang possible… Appliquez les règles qu’eux ne respectent pas“, a-t-il avancé, affirmant que “tous ont participé aux attentats à Paris, et ça ne les a pas empêchés de remettre le couvert“.
Le pénaliste, en roue libre, s’est particulièrement emporté contre Salah Abdeslam, qu’il a qualifié de “leader médiatique des affaires de terrorisme”. “Vous étiez un assassin, vous êtes un assassin et vous serez encore plus un assassin en sortant d’ici“, lui a-t-il dit sans ménagement. “Quelle attitude déplaisante! Il est ici comme s’il était sur sa terrasse. Il rentre et sort du box, il rit, il discute…“, a-t-il décrit pour mettre à mal l’image d’individu responsable que cet accusé tente de donner.
Pour Me Mayence, Salah Abdeslam savait qu’il participait à un nouvel acte terroriste lorsqu’il est revenu à Bruxelles, après avoir fait partie des commandos armés des attentats à Paris. Il est allé de planque en planque, ce qui prouve qu’il avait la volonté de réintégrer une “cellule opérationnelle”.
14h25 – “Ces gens ne sont pas des humains”, assène Me Wilmotte à propos des accusés
“Ces gens ne sont pas des humains. C’est la première fois que je dis ça en cour d’assises. Ce sont des individus déshumanisés”, a lancé jeudi Me Alexandre Wilmotte lors de sa plaidoirie, en désignant les accusés au procès des attentats du 22 mars 2016. “Ce sont des gens qui ont fait les choix de se couper des autres, de nier même la valeur de l’autre, de faire disparaître toute notion de générosité, de sensibilité et d’empathie.”
L’avocat, qui défend deux victimes des attentats (un entraîneur de jeunes du club de foot d’Eupen, présent le jour des faits à l’aéroport, et sa compagne) était le dernier à prendre la parole du côté des parties civiles.
“Nous sommes devant des vulgaires assassins, des barbares sanguinaires d’un autre temps”, a-t-il asséné à propos des accusés. “Leurs actes, eux aussi barbares, ne sauraient trouver aucune justification, aucune explication rationnelle”, a poursuivi le pénaliste. “De nombreuses personnes ont en effet été massacrées de manière atroce, brutale et sauvage. Elles ont été tuées ou handicapées à l’aveugle, sans qu’elles n’aient eu, elles, la moindre chance de se défendre”, a-t-il étayé.
Aux yeux de Me Wilmotte, la culpabilité des accusés “ne souffre pas la moindre discussion tant elle est évidente” et les preuves sont accablantes. Au fil du procès, cette culpabilité est devenue “une véritable obligation, celle de protéger l’humanité de ces barbares”.
Pour l’avocat, les accusés ont de la chance d’être jugés dans un État de droit car, “s’ils l’étaient par des barbares comme eux, ce serait réglé depuis longtemps et on imagine bien comment”. “Aucun d’entre eux, alors qu’ils savaient ce qu’il se tramait, n’a jamais tenté le moindre geste, la moindre démarche pour tenter d’éviter qu’une souffrance atroce ne puisse se répandre sur des personnes innocentes”, a fustigé le pénaliste. “À aucun moment. Rien, pas un geste, pas une main tendue.”
Leur absence de réaction, de dénonciation et de désolidarisation a permis les attentats tels qu’ils se sont produits, a-t-il estimé. Me Wilmotte a également balayé un argument que devrait avancer la défense de Bilal El Makhoukhi : le droit de la guerre doit s’appliquer aux faits du 22 mars. “Un autre argument à dormir debout !”, a-t-il rejeté.
“On va essayer de vous faire croire que les accusés sont des guerriers. Les victimes deviennent coupables. C’est de votre faute en fait, on est en guerre avec ça revient à dire ça !” Mais, a-t-il ajouté, la guerre a aussi ses règles. “Ce n’est pas tirer dans le dos de n’importe qui, ce n’est pas massacrer délibérément, au hasard, des femmes, des hommes et des enfants. Ce n’est pas tuer au hasard et traumatiser à vie des personnes innocentes.” Même dans les guerres, il peut encore y avoir de l’humanité et du respect, a soutenu l’avocat. “Ici, il n’en est rien. Le but ultime était de faire le plus de victimes possible. Tout cela n’a rien à voir avec une guerre.”
Pour le plaideur, la prise de conscience de la part des accusés n’arrivera jamais, “parce que ce ne sont pas ou plus des êtres humains”. “Il n’y a rien à dire pour leur défense. Il n’y a aucune explication à leur acte. Leur culpabilité est totale pour ceux qui sont dans le box.” Qualifiant ce procès en assises d’exemple d’humanité, Me Wilmotte a conclu son intervention en rappelant aux jurés ce qu’il était attendu d’eux : “Leur travail, c’est de tuer des gens. Votre travail, c’est de les en empêcher et de les condamner. C’est ce qu’attendent les parties civiles depuis des années. Ce ne sera qu’une réponse judiciaire, mais cela leur apportera un peu d’apaisement, un peu de paix.”
La rédaction avec Belga
■ Plateau de Camille Tang Quynh et images de Charles Carpreau