L’édito de Fabrice Grosfilley : circonscription fédérale, ballon d’essai ou diversion

Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’annonce d’une proposition de loi instaurant une circonscription fédérale.

Faut-il recréer une grande circonscription électorale ?  Une circonscription à la taille du royaume, pour que les tous Belges, tous ensemble, puissent désigner une partie des députés sans se soucier de savoir s’ils sont francophones ou néerlandophones.  C’est l’idée d’une circonscription fédérale qui est aujourd’hui relancée par les libéraux flamands. 

Le parti libéral flamand, l’Open VLD, c’est le parti d’Alexander De Croo. Deux de ses parlementaires ; Egbert Lachaert qui est président de parti, et Patrick Dewael qui a dans le passé été ministre de l’Intérieur et président de la Chambre, ont annoncé ce matin avoir déposé une proposition de loi instaurant une circonscription fédérale. Leur idée est de permettre à tous les électeurs de pouvoir choisir une liste à l’échelle du royaume. Qu’ils habitent Koekelberg, Ostende ou Bastogne, tous les électeurs pourraient voter pour les mêmes candidats. Argument développé par Egbert Lachaert : il n’est pas normal que le Premier ministre doive rendre des comptes qu’à une seule communauté. Le système actuel récompense ceux qui fustigent l’autre communauté, c’est une spirale négative qui mène au blocage.

Cette proposition n’est pas tout à fait neuve. Elle figure depuis longtemps dans le programme des libéraux flamands. Guy Verhifstadt lui-même l’avait défendu.  On doit bien dire qu’elle va dans le sens contraire de l’histoire politique récente. Autrefois, les ténors de la politique se mesuraient les uns aux autres dans de grandes circonscriptions, pour le Sénat ou pour le Parlement européen. Cela donnait de grands duels spectaculaires. On a finalement réformé le Sénat ou il n’y plus d’élection directe et les ténors d’aujourd’hui préfèrent se présenter aux élections législatives. On pourra voter pour Paul Magnette ou Georges Louis Bouchez si on habite le Hainaut. On ne pourra pas si on habite ailleurs.  En sens inverse, porter sa voix sur Ahmed Laaouej, Sophie Wilmes ou Zakia Katthabi n’est possible que si on habite en Région Bruxelloise ou dans une des communes à facilités. 

Cette sortie de l’Open VLD a, ce matin, été bien accueillie par les écologistes, le parti socialiste et le mouvement réformateur. Elle s’est en revanche attirée les foudres de la N-Va, du Vlaams Belang et même du Cd&VD. On va le dire clairement : pour organiser cette circonscription fédérale, il faut une majorité des deux tiers. On peut déjà dire qu’elle est quasiment impossible à constituer. Du coup, imaginer que cette proposition a surtout pour but de masquer d’autres débats, sur le financement de la défense ou sur la fiscalité ou Alexander De Croo est plus ou moins en difficulté, n’est peut-être pas une vue de l’esprit. 

Et puis surtout, il faut la lire cette proposition de loi. On la trouve sur le site de la Chambre. Elle propose une circonscription de 20 sièges, avec interdiction de voter pour la case de tête, il faudra choisir son candidat, mais, détail très important, avec un caractère unilingue. Il y aurait donc une liste pour le MR, une autre pour l’Open VLD, une pour le PS, une pour Voruit. Pas de panachage possible, ce qui donne un avantage au groupe numériquement le plus important, les Flamands. Si l’idée était de réunir tous les Belges et relancer un débat national, il faut bien constater qu’on s’arrête au milieu du gué. 

 Un édito de Fabrice Grosfilley