Fermer les ports… sauf exception : l’édito de Fabrice Grosfilley
Monter les sanctions d’un cran. C’est la réponse que l’Union Européenne envisage d’apporter aux massacres de Boutcha. Et dans les propositions qui sont sur la table, certaines, par ricochet, pourraient toucher l’économie belge.
Ce soir le président Wolodymyr Zelensky va donc prendre la parole à l’ONU. Ce sera évidemment une déclaration importante, dans le contexte des massacres de Boutcha, où russes et ukrainiens se rejettent la responsabilité des exactions. Le président ukrainien, qui s’est rendu à Boutcha mettra sans doute l’accent sur les crimes de guerre commis sur le territoire ukrainien. Et comme la vue de ces corps laissés sans vie, les mains liés dans le dos pour certains ou fauchés alors qu’ils circulaient à bicyclette pour d’autres, a révulsé le monde entier, le président ukrainien sera très probablement écouté avec une certaine solennité.
C’est dans ce contexte que la présidente de la commission européenne Ursula Von der Leyen a formulé aujourd’hui une série de nouvelles recommandations pour sanctionner davantage encore la Russie. Un 5ieme paquet de sanctions, qui va devoir être validé par les chefs d’Etat ou de gouvernement. Dans cette proposition, deux points saillants : l’interdiction d’importer du charbon russe (ce qui représenterait un manque à gagner de 4 milliards par an pour la Russie), ainsi que la fermeture des ports européens pour tous les navires russes.
Cette fermeture des ports européens, il y a plusieurs semaines que les ukrainiens la demande. La requête avait d’ailleurs été répétée la semaine dernier par Wolodymyr Zelensky lorsqu’il s’était exprimé devant notre parlement fédéral. Cette proposition de fermeture pourrait donc bien toucher les intérêts belges, en particulier le port d’Anvers. L’an dernier 11 millions de tonnes de marchandise en provenance ou à destination de la Russie sont passé par Anvers. Cela fait de la Russie la 5ieme destination la plus importante pour ce port.
Cette fermeture des ports n’est pas vraiment une surprise. D’abord parce que les Ukrainiens la demande avec insistance. Mais aussi par les syndicats de dockers eux même commencent à monter au créneau. En Suède, qui de l’autre côté de la mer Baltique est juste face de Saint-Petersbourg, ce sont ces syndicats qui ont annoncé que les dockers refuseraient désormais de décharger des navires russes et qui ont appelé les dockers des autres pays d’Europe à suivre leur exemple.
Il y a quand même une petite subtilité dans la proposition d’Ursula Von der Leyen. Le trafic maritime sera interdit “sauf pour les produits de première nécessité.” Dans ces produits la commission range les produits agricoles et alimentaires ainsi que l’énergie. Là on imagine bien que c’est un autre port belge qui a poussé un ouf de soulagement. Le port de Zeebruges, spécialisé dans les produits pétroliers et notamment le gaz naturel liquéfié. Il y a même un terminal et un réservoir du groupe Fluxys spécialement destinés au stockage du gaz russe à Zeebruges. Pour l’instant ces installations vont donc pouvoir continuer à fonctionner. Et l’Union Européenne va continuer à se contorsionner avec des sanctions, c’est d’accord, à condition qu’elles ne nous touchent pas trop fort.