Taux de vaccination : pourquoi de telles disparités entre les 19 communes? (Carte)
La vaccination se poursuit en Région bruxelloise pour les plus de 50 ans et les personnes atteintes de comorbidités. En moyenne, 69,3% des plus de 65 ans ont déjà reçu une première dose de vaccin mais si on regarde de plus près, commune par commune, on s’aperçoit que les réalités sont très différentes.
Actuellement, la Région bruxelloise est un peu à la traîne en matière de vaccination. Le pourcentage de ses habitants qui est déjà protégé est moindre qu’en Flandre ou en Wallonie.
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Pour justifier ce retard, le ministre bruxellois de la Santé, Alain Maron (Ecolo), précise notamment que lors de la phase 1A, à savoir celle concernant le personnel des maisons de repos, des hôpitaux ou des collectivités, Bruxelles a vacciné également des personnes résidant en Wallonie et en Flandre mais travaillant à Bruxelles.
En tout cas, pour les plus de 65 ans, la très grande majorité des personnes sont bien domiciliées dans une des 19 communes. Et quand on regarde les chiffres de plus près, on s’aperçoit qu’il existe des disparités assez importantes d’une commune à l’autre. Ainsi, entre Saint-Josse, dernière du classement, et Woluwe-St-Pierre, la première, on compte 29 points d’écart.
Des différences attendues
Lorsqu’on connaît la sociologie bruxelloise, ces écarts ne sont pas très étonnants. En effet, les taux de vaccination les plus faibles se trouvent plutôt dans les communes de la première couronne. “A Bruxelles, nous avons 180 nationalités différentes et aussi une fracture numérique et des différences socio-économiques très fortes, explique Inge Neven, responsable du service Hygiène de la Cocom. Il est compliqué de toucher tous les publics et nous devons faire face à des réticences face à la vaccination. Et puis, 40% des Bruxellois n’ont pas de médecin généraliste. Ils ont plus de difficultés à obtenir des réponses à leurs questions.”
A priori, la présence d’un centre sur le territoire communal n’influence pas les taux de vaccination puisque Molenbeek, par exemple, a un taux plus faible que Koekelberg.
Il faut donc que les communes, qui connaissent bien leur territoire et donc leur population, rentrent dans le jeu. Ces taux ont été communiqués la semaine dernière aux bourgmestres et beaucoup n’ont pas attendu pour agir. Ainsi, plusieurs ont décidé de mener des campagnes spécifiques.
A Anderlecht (65% des plus de 65 ans ont reçu une première dose de vaccin), on a décidé de placer un stand d’information et de prise de rendez-vous sur le marché. “Nous sommes en train d’imprimer des cartes sur lesquelles nous pouvons noter les deux rendez-vous ainsi que l’itinéraire pour le centre, explique le bourgmestre Fabrice Cumps (PS). Nous rappelons aussi que les personnes peuvent avoir un véhicule pour s’y rendre. Dès la semaine prochaine, le stand sera sur les marchés.” Des affiches en plusieurs langues comme le polonais, le roumain ou l’arabe sont aussi prévues. Et les pharmaciens devront également faire de la sensibilisation et inscrire les personnes qui le désirent.
A la Ville de Bruxelles (61.2%), une lettre individualisée a été envoyée aux seniors. Des transports individuels ont également été prévus. Il serait aussi possible d’obtenir la liste des personnes qui ne sont toujours pas vaccinées pour les contacter directement. Le but n’est pas de les forcer si elles ne souhaitent pas se faire vacciner mais bien de répondre aux interrogations. A cela s’ajoute des campagnes à plus grande échelle comme des affiches à certaines stations de transports en commun, des publications dans le journal communal, des formations pour les agents de la ville afin qu’ils puissent orienter la population…
A Etterbeek (69,2%), on se sert du réseau associatif des seniors pour rentrer en contact avec eux. “Nous avions demandé un centre communal pour la vaccination des plus de 75 ans et la Région nous a dit non, regrette le bourgmestre Vincent De Wolf (MR). Nous avions le personnel des hôpitaux Iris-sud qui était d’accord de participer. Je pense que nous aurions eu plus de réponses. Maintenant, nos chauffeurs emmènent les seniors à Pachéco ou au centre de Woluwe-St-Lambert et un peu au Heysel. Mais ce qui peut expliquer le faible taux etterbeekois, ce sont aussi les hésitations avec Astra Zeneca. Lorsque c’est le jour de ce vaccin, la moitié des rendez-vous sont annulés.”
Du côté de Forest (69,5%), dès la semaine dernière, on a mis en place un stand mobile qui se rend sur les grandes places et au marché. Là, les personnes peuvent prendre un rendez-vous et poser leurs nombreuses questions sur la vaccination. En tout, c’est ainsi une centaine de personnes qui a pris le chemin d’un centre. La commune a donc décidé de prolonger le dispositif. Elle va aussi tenter de contacter les seniors mais les responsables pensent que beaucoup attendent l’arrivée du Johnson&Johnson en unidose pour se faire vacciner et éviter l’Astra Zeneca.
A Ixelles (68,9%), dès le départ de la campagne de vaccination, le taux des plus de 75 ans était faible. “J’ai proposé qu’on envoie un courrier mais on s’est dit qu’ils en avaient déjà eu un, raconte le bourgmestre Christos Doulkeridis (Ecolo). Cela n’est donc pas suffisant et nous avons mis en place une communication plus ciblée avec notamment les responsables des cultes. Nous espérons que les généralistes vont aussi pouvoir sensibiliser leurs patients. Nous verrons si le Johnson&Johnson change la donne. Et puis nos agents de quartier vont aussi recevoir une formation le 5 mai pour répondre aux questions. L’important est que la population ait confiance. C’est aussi pour cela que nous faisons un Facebook live avec Marius Gilbert ce mardi.”
Du côté de Koekelberg (63,8%), on a aussi mis en place des taxis pour conduire les seniors au centre de vaccination. “Mais c’est le rôle de la Cocom de lancer ces campagnes, réagit le bourgmestre Ahmed Laaouej (PS). Pourquoi elle n’a pas fait comme en Wallonie des campagnes dans toutes les langues? La communication doit être plus diversifiée. Et puis, ce n’est pas logique que pour 200.000 personnes, dans le nord-ouest, des communes avec une population plus précarisée, on n’est pas de centre de vaccination. Je pense que cela aurait changé beaucoup de choses. Ici, on complique l’accès.” Ici, comme dans d’autres communes, on a demandé s’il était possible d’obtenir la liste des personnes qui ne se sont pas fait vacciner afin de les contacter directement. “Il faut quand même voir si cela respecte bien le RGPD car la vaccination n’est pas obligatoire.”
Pour Molenbeek (62,1%), on a tenté de sensibiliser via des affiches dans différentes langues mais surtout par le réseau associatif et les mosquées. Des vidéos ont été réalisées pour que les imams les diffusent grâce à Whatsapp.
A Saint-Gilles (59,5%), on s’appuie aussi sur les personnes influentes dans les différentes communautés. “La difficulté est de toucher les personnes qui ne s’informent pas dans les médias traditionnels et surtout que ne parlent pas ou mal le français, précise le bourgmestre Charles Picqué (PS). Notre commune est une des plus diversifiées et nous voyons que nous avons du mal à toucher les Portugais, les Roumains, les Polonais et les Brésiliens principalement. Nous allons distribuer des brochures dans ces langues et nous passons par les communautés religieuses également. Nous allons aussi demander qu’une équipe mobile vienne pour vacciner dans le quartier de la gare du Midi avec le Johnson&Johnson.”
Saint-Josse (51,7%) est la commune avec le taux le plus faible. “La fracture numérique est très importante, commente le bourgmestre Emir Kir (Indépendant). Le premier site de doclr nous a fait perdre beaucoup de temps. Il y a aussi des binationaux qui ont pu se faire vacciner au Maroc mais cela ne doit pas concerner beaucoup de monde. Vu notre population, il fallait un centre sur notre territoire. Là, on ajoute une difficulté. Les gens ne savent pas où se trouve Pachéco même si nous avons mis en place un transport gratuit.” Un affichage massif va avoir lieu. Un toutes-boîtes a déjà été distribué. Tous les jeudis, un stand pour l’information et l’inscription sera installé place Saint-Josse et des webinaires auront lieu pour les fonctionnaires de la commune.
Enfin, à Schaerbeek (61,3%), cela fait aussi plusieurs semaines qu’on demande à la Cocom de lancer des campagnes à destination des personnes maîtrisant mal le français. “Elle vient de réaliser des spots dans 18 langues, se réjouit la bourgmestre Cécile Jodogne (DéFI). Elle fait aussi des communications sur les radios communautaires. C’est une bonne chose. Elle pourrait coordonner l’impression d’affiches aussi pour toutes les communes. Les différences de taux ne sont pas étonnantes quand on connaît Bruxelles. La fracture numérique, les difficultés de lecture et la précarité sont des facteurs qui jouent sur l’adhésion de la population à la vaccination. Les personnes doivent avoir confiance. Nous comptons beaucoup sur les personnes influentes, ayant des relais dans les différents milieux, sur les généralistes mais surtout sur les pharmaciens. Ce sont des personnes crédibles qu’on visite régulièrement.”
Vanessa Lhuillier – Photo:BX1
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