Rue de la Loi : quand la Région bruxelloise est exemplaire
“Quand c’est bien il faut le dire aussi”, parait-il. Depuis ce mercredi matin la Région bruxelloise impose le port du masque sur l’ensemble de son territoire. C’est la conséquence d’un taux de nouvelles contaminations supérieur à 50 cas pour 100 000 habitants sur base hebdomadaire. Le port du masque s’impose à tous, à quelques rares exceptions près (la pratique sportive, le handicap, un métier pénible…). Ceux qui suivent mes chroniques savent que je ne suis pas un fan de cette obligation (c’est un euphémisme). Je n’ai pas changé d’avis et continue donc d’avoir des réserves : je ne vois pas en quoi porter le masque à vélo ou lorsque je me ballade dans une rue déserte protège qui que ce soit. Je continue de croire que le respect de la distanciation sociale, le télétravail, la réduction de nos contacts festifs, même s’il nous en coûte beaucoup, sont plus efficaces qu’un bout de tissu souvent mal porté. Je redoute de croiser ou côtoyer ceux qui, sous prétexte qu’ils portent un masque, se croiront autorisés à venir éternuer sur mon épaule. Je ne suis cependant ni virologue ni ministre, l’opinion que j’exprime ici est celle d’un simple citoyen qui n’est pas expert de la question. En tant que simple citoyen, j’estime toutefois avoir le droit d’exprimer un avis, fut-il jugé minoritaire ou dissident, sans me faire prendre à parti, agonir d’injures ou embarqué dans des joutes verbales qui frôlent l’hystérie. Je note, quoiqu’en disent les partisans du masque obligatoire, qu’il n’y a toujours pas d’unanimité scientifique sur la question. Mais soit, il fallait une mesure claire et efficace, simple à faire comprendre et facile à appliquer. Une mesure qui ne crée pas de discriminations et ne souffre pas d’une kyrielle d’exceptions qui la rendent inapplicable. Le port du masque pour toute sortie extérieure sur un territoire donné est de ce type-là et, en bon citoyen, même si je conserve des doutes, j’appliquerai la mesure.
Si cette décision est exemplaire et mérite d’être soulignée, ce n’est pas seulement parce qu’elle est facilement compréhensible. C’est aussi et surtout parce qu’elle aura été amenée et communiquée dans les temps. Si l’application est activée ce 12 août, c’est 6 jours plus tôt, le jeudi 6 août, que la décision de rendre le masque obligatoire une fois ce seuil d’alerte atteint, a été prise et annoncée au public par le ministre-président Rudi Vervoort. Le jour-même, l’annonce avait parue un peu fade aux journalistes et commentateurs présents. C’est que nous avons pris la mauvaise habitude d’un climat anxiogène et d’un sentiment d’urgence qui imposeraient des mesures chocs prises dans la précipitation et applicable immédiatement. Prenez des experts qui sonnent l’alarme, des politiques qui les contredisent, ajoutez des propositions qui partent dans tous les sens, secouez le tout lors d’une réunion interminable et annoncez vos décisions fort tard pour une application le lendemain matin. La Région bruxelloise a le grand mérite de sortir de ce modèle : en communicant à l’avance sur les mesure en cas de dépassement d’un seuil objectif, les autorités bruxelloises font preuve à la fois d’anticipation (c’est bien le moins qu’on est en droit d’exiger des pouvoirs publics) mais aussi de transparence (le citoyen savait à quoi s’en tenir si les chiffres continuaient à déraper). Montrer que les décisions reposent sur des bases mesurables et connues de tous, qu’elles sont prévues bien à l’avance et ne tombent pas du ciel, est, à notre estime, le meilleur moyen de faire adhérer la population aux mesures qu’on lui impose, de l’associer à la réflexion et de la considérer comme adulte.
On notera également que le bras des autorités bruxelloises n’a pas tremblé, et qu’on n’a pas craint, dans la capitale, de prendre une mesure impopulaire. Nul besoin à Bruxelles de faire intervenir un gouverneur ou une autorité extérieure : les élus ont pris leurs responsabilités sans qu’on ait besoin de les pousser dans le dos.
Dernier point : le caractère régional de la mesure. Celle-ci s’applique sur l’intégralité des 19 communes bruxelloises. Ce point avait évidemment fait débat lors du comité régional où le ministre-président avait face à lui bourgmestres, responsables de zone de police et des services d’hygiène qui auraient pu vouloir défendre chacun leur pré-carré. On aurait pu centrer ces mesures sur les quartiers densément peuplés où le risque de contamination est forcément plus grand que dans des communes périphériques, au bâti moins fourni et aux espaces verts plus nombreux. On aurait également pu les décréter dans les seuls quartiers et communes où le seuil d’alerte était atteint. Cela aurait permis d’épargner les autres, au risque de prendre des mesures dispersées dans le temps et moins visibles. C’est là encore le choix de l’efficacité et de la simplicité qui s’est imposé : la même mesure pour tous. En s’accordant sur ce point, les 19 communes ont démontré leur capacité à faire passer l’intérêt général avant leur intérêt particulier, l’intérêt régional et médical l’a emporté sur l’égoïsme communal. Cela semble du bon sens, puisque cela tient compte de la réalité des déplacements (nombreux sont les Bruxellois ou navetteurs à passer d’un quartier à l’autre, même en temps de pandémie) mais nous savons bien que le bon sens n’est pas toujours ce qui triomphe quand on réunit des autorités et des mandataires aux intérêts particuliers. Cette capacité à jouer collectif est une leçon dont de nombreuses communes de Flandre et de Wallonie pourraient s’inspirer. Elle est aussi la meilleure réponse à donner à ceux qui pensent que la fusion des communes et des zones de police est une priorité absolue tant la capitale serait victime de ses dysfonctionnements.
Cette semaine, on a beaucoup parlé des Bruxellois de Blankenberge. Les fauteurs de trouble sont devant la justice et c’est logique, mais on a malgré tout entendu beaucoup de commentaires populistes pointant la population bruxelloise dans son ensemble, ou même ses institutions qui seraient “laxistes”. A propos de plage, chers amis, prenez garde à ne pas vous concentrez sur le grain de sable dans l’œil du voisin. Il y a parfois des domaines où ce sont les Bruxellois avec leur jeune population cosmopolite et leurs institutions complexes qui donnent l’exemple.