Rue de la loi : la question sécuritaire n’est plus au centre des débats
C’était il y a 3 ans. Pour certains qui ont perdu un proche, qui ont été blessés, ou qui ont été les témoins directs de la violence c’est encore comme si c’était hier. On apprend à dominer sa colère, on dompte sa colère, on relativise et on trouve la force d’avancer, mais le temps n’efface rien. Pour d’autres qui ont suivi les évènement avec plus de distance, le souvenir commence à s’estomper. Il ne s’agit pas d’oublier, mais de donner aux évènements la place qu’ils méritent, les empêcher d’envahir chaque recoin de nos pensées, et que la peur ne puisse dominer notre pulsion vitale. La vie normale a donc repris son cours. Pourtant ces attentats du 22 mars, avec leurs 32 morts (outre les 3 terroristes) et 372 blessés auront pesé lourdement sur notre vie politique.
Pendant des mois les questions de la sécurité et du radicalisme ont donc légitiment été au cœur du débat public. Avec de nouvelles législations adoptées au Parlement fédéral. Les perquisitions de nuit sont désormais autorisées. Le temps de la garde à vue est passé à 72 heures, on est désormais priés de donner son identité pour acheter une carte téléphonique prépayée. Dans les prisons on a créé des zones « deradex », en fait des ailes spécialisées ou on essaye d’isoler les détenus les plus radicalisés pour tenter de les empêcher d’endoctriner leur compagnons de cellule. L’ex ministre fédéral de l’Intérieur, Jan Jambon (NVA) a lancé un « Plan Canal » et les militaires ont pris possession des carrefours et des lieux sensibles pendant plusieurs mois pour en assurer la garde. C’est un bilan dont peut se prévaloir le gouvernement fédéral sortant, même si la plupart de ces mesures ont fait consensus et ont été votés à une très large majorité.
Les autres niveaux de pouvoir ne sont d’ailleurs pas restés inactifs. Au niveau de la fédération Wallonie-Bruxelles un centre d’aide et de prise en charge, la Caprev suit les jeunes qui ont développé une idéologie radicale. Un réseau de soutien avec un numéro vert (0800 11 72) a été crée pour aider et informer les familles et les proches d’une personne qui aurait basculé dans la radicalisation.
Conséquence de ces attentats aussi, l’obligation pour chaque commune d’avoir désormais une cellule locale en matière de radicalisme et de terrorisme.
L’efficacité de l’ensemble de ces mesures peut bien sur être discutée. On ne pourra jamais complétement éradiquer le risque terroriste. Les mesures prises en Europe ne sont d’ailleurs qu’une partie de la réponse possible. La dimension géopolitique, les réalités de terrain en Syrie ou ailleurs, l’éducation, le goût de la violence, la propagande par internet, l’influence de religieux qui opèrent à des centaines de kilomètres sont autant de données sur lesquelles les politiques décidées à l’échelle du Royaume ont peu de prise. De même que peuvent être discutées les concessions faites au nom de la lutte anti-terroriste sur le terrain des droits de l’homme, de la présomption d’innocence ou des libertés individuelles. L’équation est complexe entre une trop grande passivité qui ne permet pas la protection du citoyen et une volonté d’efficacité qui nous pousserait vers un système totalitaire au nom de la sécurité.
Si pendant des mois le débat politique a donc été profondément marqué par notre réponse au terrorisme, ce thème a aujourd’hui quitté le devant de la scène. Les questions de sécurité ne sont pas le cœur de la campagne électorale. On a d’ailleurs bien vu que lors des dernières élections communales les partis et les candidats qui ont essayé de faire campagne avec des arguments sécuritaires n’ont pas été récompensés, ils ont même plutôt été sanctionnés par l’électeur. C’est un signe de maturité de notre démocratie sans doute le souhait de passer à autre chose de plus positif et de moins oppressant.
Avec un bémol quand même. On vient de voir à Utrecht aux Pays-Bas ou à Christchurch en Australie. Qu’il s’agisse d’un attentat pur et dur avec des motivations politiques, ou de l’acte d’un déséquilibré, susceptible d’être récupéré politiquement on est jamais à l’abri d’un retour de la violence. L’attentat contre le musée juif en 2014 avait d’ailleurs eu lieu à la veille d’une triple élection ( fédérale, régionale et européenne) comme celle du 26 mai prochain. Le débat sécuritaire ressemble à un volcan. Il est pour l’instant en veilleuse, il ne sera jamais complétement éteint.