Rue de la Loi : sur l’abattage rituel, le MR avait un message à géométrie variable

C’est le couac de la dernière heure. A quelques heures de la fin de la campagne (à partir de ce vendredi minuit les médias sont priés de ne plus donner la parole aux candidats) voici que sort sur twitter un document qui met à mal la position du Mouvement Réformateur en matière d’abattage rituel. C’est aussi l’histoire de l’arroseur arrosé, tant le MR était monté vite et fort au créneau contre Ecolo après la révélation d’un tract qui voulait signaler la comptabilité entre le programme des verts bruxellois et les partisans de l’abattage sans étourdissement.

Cette vidéo (elle est en bas de cet article) a été tournée il y a un mois, un mois et demi. Dans un snack du centre ville, face à un interlocuteur qu’on devine très concerné par cette question, Didier Reynders fait plus que temporiser.  “On n’a jamais proposé quoi que ce soit à Bruxelles, il n’y a pas de proposition d’ordonnance on n’en proposera pas , il n’y a pas de raison d’avancer dans cette voie là… ce ne sera pas avec nous que cela se fera” explique-t-il aux cotés du conseiller communal David Weytsman.  En clair l’interdiction de l’abattage rituel n’est vraiment pas une priorité pour le candidat libéral, qu’on devine en pleine opération séduction, campagne oblige.

Confronté à cette vidéo,  Didier Reynders dit aujourd’hui que la question portait  sur l’interdiction de  l’abattage rituel, et pas sur l’abattage rituel sans étourdissement… une nuance qui lui aurait donc échappée sur le moment, ce qui ressemble à une défense quelque peu tirée par les cheveux. En réalité Didier Reynders fait ce que de nombreux candidats font : il flatte l’électeur dans le sens du poil. Puisque son interlocuteur ne souhaite pas l’interdiction de l’abattage, le candidat ne va pas lui dire le contraire. Avoir entendu le MR éructer contre Ecolo pour le même motif ne manque pas d’harissa.

Que Georges-Louis Bouchez et Denis Ducarme soient avec tant de force pour l’interdiction de l’abattage sans étourdissement alors  que Didier Reynders ne semble pas vouloir l’interdire aurait donc de quoi nous étourdir. Pour retrouver nos esprits (et un semblant de vérité vérifiable) le plus simple est donc d’aller vérifier dans les programmes. Dans le “Programme Pocket”  du MR , qui est une sorte de résumé sur le site internet du parti, c’est très clair  : le MR souhaite une législation à Bruxelles pour interdire purement et simplement l’abattage sans étourdissement ou anesthésie, là c’est écrit noir sur blanc.  Si vous allez dans le vrai programme en revanche, celui qui fait plusieurs centaines de page, dans le programme général il n’y pas de proposition d’interdiction.  Pas une ligne, non. On parle juste  de l’étiquetage  de cette fameuse  viande pour que le consommateur soit bien informé (c’est page 187). Pour trouver la position d’interdiction il faut en réalité aller lire le programme européen. Là le MR écrit qu’il  souhaite rendre obligatoire l’étourdissement de tous les animaux avant l’abattage (page 22).  En résumé, le MR défend l’interdiction, l’a fait en Wallonie, n’ose pas dire qu’il le fera à Bruxelles, et la demande au niveau européen.

La conclusion de tout cela  ne peut pas être que Didier Reynders n’aurait pas lu le programme européen. Mais plutôt que pour beaucoup de  partis quand ils sont confrontés à des  électeurs qui adoptent une posture très revendicatrice sur cette question très sensible essayent de ménager la chèvre et le chou. Les libéraux qui dénonçaient le communautarisme d’Ecolo vivent les mêmes tensions. Il y a chez eux (comme au PS, au CDH et même au PTB qui s’est abstenu sur la question au parlement wallon) une tension entre les principes wallons et les réalités bruxelloises. Car les partis politiques, et le MR ne fait donc pas exception, se préoccupent d’un vote musulman qu’ils imaginent, à tort ou à raison, conséquent en Région Bruxelloise.  Ce qui explique que si ce sont des ovins ou des bovins qu’on égorge, les politiques bruxellois, y compris les libéraux, préfèrent noyer le poisson.

 

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24 mai 2019 - 20h45
Modifié le 24 mai 2019 - 21h02