Rue de la Loi : lancer les négociations, sans traîner mais sans brusquer (J+19)

On n’attendait pas de surprise, il n’y en eut pas. Rudi Vervoort et Laurette Onkelinx ont donc annoncé ce vendredi à 11h lors d’une conférence de presse qu’ils conviaient Ecolo et  DéFI à entamer des négociations pour former un gouvernement en Région Bruxelloise. Deux semaines après la décision des néerlandophones voici donc la configuration du probable gouvernement bruxellois : PS-Ecolo-DéFI-Groen-SPA-Open VLD.

Pour justifier leur choix les deux  dirigeants socialistes ont estimé que deux formations francophones s’étaient “auto-exclues” du processus : le CDH, qui a opté pour l’opposition à tous les niveaux de pouvoir, et le PTB qui réclamait la présence de son versant néerlandophone (le PVDA, 1 siège dans le collège néerlandophone) alors qu’il avait déjà été écarté par les partis flamands. Le choix d’Ecolo s’imposait ont estimé les socialistes, gagnants des élections, 2ème parti en sièges, les écologistes étaient “incontournables” a estimé Laurette Onkelinx. Le troisième partenaire sera DéFI “plus proche de nos thèses” et ayant participé au gouvernement bruxellois sortant , un gage de stabilité, “la confiance ça compte en politique”. Exit donc le MR, même si Laurette Onkelinx a remercié Charles Michel et Didier Reynders pour leurs “échanges respectueux et intéressants sur le fond”.

Guy Vanhengel, ministre bruxellois sortant, aura pourtant encore tenté une manœuvre de dernière minute pour tenter de rappeler les libéraux à la table de négociation, s’inquiétant d’une “précipitation qui pourrait compliquer la formation dans d’autres entités”, il appelait via twitter à “impliquer le MR dans la formation”. L’intervention avait tout d’un baroud d’honneur (on rappelle qu’à Bruxelles  les deux communautés choisissent leurs partenaires chacun de leur coté, et que ce n’est qu’une fois ce choix posé que francophones et néerlandophones se retrouvent, on imagine que Guy Vanhengel aurait peu apprécié que les francophones lui recommandent de garder le PVDA ou le CD&V  à bord par exemple). Laurette Onkelinx a d’ailleurs balayé la demande d’un revers de la main “j’ai rarement entendu qu’on demandait aux autres régions de temporiser, Bruxelles est une région à part entière qui doit être respectée comme telle. Dans la situation compliquée d’aujourd’hui il peut être important à un moment donné que les régions puissent être présentes et fortes”. Rudi Vervoort renchérissant : “On ne prend personne en traître, nous avons été limpides en période de campagne, nos propos ont toujours indiqué que nous voulions une coalition progressiste à même de poursuivre notre projet pour Bruxelles”.

Et pourtant les négociations ne commenceront pas tout de suite. A ce stade, seule une note d’intention a été transmise à Ecolo et DéFI, il leur appartient d’abord d’y répondre. Au sein de Défi quelques coups de téléphone et un communiqué suffiront. A Ecolo il faudra une assemblée générale de la régionale bruxelloise et un conseil de fédération, le résultat des votes est attendu pour 21h ce vendredi soir. Une fois ces formalités passées, les négociateurs bruxellois ont décidé de prendre leur temps. La première réunion de négociation est annoncée pour le 24 juin seulement. Elle sera pilotée par Rudi Vervoort et Elke Van Den Brandt, désignés formellement formateurs, tandis que Laurette Onkelinx conduira la délégation socialiste.

Pourquoi un tel délai ? Officiellement pour permettre à tous les négociateurs de se documenter la semaine prochaine. Des séances d’information sur le budget régional ou les investissements de la STIB seront ainsi mises sur pied pour “partager l’information et permettre à chacun de se mettre à niveau”. On a du mal à penser que les négociateurs (ils seront deux par parti) ne soient pas déjà bien informés. En réalité ce faux départ est surtout destiné à calmer les partis flamands qui craignent que l’enclenchement de négociations bruxelloises ne compliquent les négociations fédérales (notamment du fait que le MR n’en soit pas). La semaine prochaine, comme M. Jourdain, on fera donc de la négociation sans le savoir, et surtout sans le dire trop fort.

C’est le compromis trouvé pour ne pas s’enliser dans un sur-place qui n’avait de justification qu’au regard des autres niveaux de pouvoir. Continuer à rester en attente c’était prendre le risque que les négociations bruxelloises ne se retrouvent à un moment prises en otage par des logiques wallonnes ou fédérales. Les socialistes en communiquant le nom de leurs partenaires et un semblant de programme déjouent ce piège. Mais en s’accordant un délai avant de négocier “pour de vrai”, ils évitent de trop brusquer les partis flamands et laissent une petite marge de manœuvre aux deux informateurs fédéraux, Didier Reynders et Johan Vande Lanotte,  attendus chez le roi lundi prochain. Ce qui ne devrait pas empêcher les négociations bruxelloises d’atterrir quelques jours avant la fête nationale a pronostiqué Rudi Vervoort.  Au moment où les négociations fédérales et wallonnes sont dans le brouillard, les négociateurs bruxellois viennent d’endosser le maillot jaune.