Ce garçon de 8 ans appelle le gouvernement à régulariser ses parents sans-papiers (VIDÉO)

Du haut de ces huit ans, ce petit garçon anonyme livre en vidéo un témoignage poignant sur son quotidien confiné et interpelle le gouvernement belge pour que la situation de ses parents, sans-papiers, soit régularisée.

Notre maison est trop serrée. Il n’y a qu’une seule chambre, la plus grande, c’est le salon. Alors, nous dormons dans le salon, nous jouons dans le salon, nous regardons la télévision dans le salon, nous mangeons dans le salon. Je sais bien qu’il y a des enfants qui n’aiment pas ce confinement. Mais moi, c’est à chaque période de vacances, c’est chaque année que je vis ce confinement”. 

Son visage est caché, il parle d’une voix assurée et, sans trembler, explique sa situation à lui, d’enfant, et celle de ses parents en cette période de confinement dans un appartement de moins de 50m² à partager à quatre. Jointe par téléphone, sa maman nous explique que c’est lui qui a tenu à faire cette vidéo. “Nous habitons un logement de deux pièces. La chambre est pleine de moisissures, on n’y dort plus de peur de tomber malade“. Alors, comme le raconte son fils, ils dorment à quatre dans le salon avec leur fille de 9 ans.

Les parents, d’origine marocaine, sont arrivés il y a plus de 10 ans en Belgique ; 18 ans pour le père. Ils avaient alors une attestation d’immatriculation, autrement appelée “carte orange” – un titre de séjour temporaire, délivré à un étranger ressortissant d’un pays tiers à l’Union européenne. Les parents se sont mariés à Schaerbeek et les deux enfants sont nés en Région bruxelloise, où ils sont désormais scolarisés. Mais en 2012, sans pouvoir trouver de contrats de travail, les parents perdent le droit de rester sur le sol belge. “On ne pouvait pas se permettre d’acheter un contrat de travail, comme le proposent certains patrons. On a du coup perdu notre carte orange“, explique la maman.

“Ce qui est dur psychologiquement, c’est d’être obligés de faire depuis tant d’années, ce qu’on ne veut pas faire et d’avoir peur de faire ce qu’on aimerait vraiment.

Pour survivre, le couple vend des pâtisseries marocaines, préparées par elle, vendues par lui, grâce à la livraison. Les revenus étaient déjà instables, mais avec la crise du coronavirus, tout s’est effondré. “On n’a plus l’argent pour payer le loyer. Le propriétaire ne connait pas notre situation et on a peur de le lui dire, peur d’être expulsés. On vit dans la peur, au quotidien. Electrabel a accepté un plan de paiements le temps de la crise, mais on ne peut même plus s’acheter à manger“. “Heureusement, il y a des gens qui nous donnent des dons et des colis alimentaires”, explique le petit dans sa vidéo. “On est tellement reconnaissants des personnes qui nous viennent en aide, mais la situation est difficile. C’est bête à dire, mais on a envie de pouvoir acheter les choses qui nous font plaisir et on ne peut pas se permettre de demander spécifiquement “pourrais-je avoir ceci ou cela?”, d’autant plus en cette période de Ramadan…“, ajoute la maman.

Être sans-papiers, la peur et la honte des enfants

Dans sa vidéo, le garçon se confie sur sa crainte de dire à ses camarades de jeu qu’il n’a pas de papiers. Pour sa sœur, c’est l’école qui a recommandé un soutien psychologique. “Ma fille a peur dès que quelqu’un toque à notre porte. Elle a peur de la police, peur des contrôles. Mon fils, ce n’est pas du coronavirus dont il a peur, mais bien de l’expulsion”. Une situation illégale qui touche tous les aspects de la vie de cette famille et en particulier, de celle des enfants. “Mon fils voudrait faire du foot, mais pour ça, il faudrait prendre 3 ou 4 fois par semaine les transports en commun et parfois sortir de Bruxelles pour assister à des matchs en extérieur. On a trop peur de se faire contrôler, alors il fait du karaté parce qu’on peut y aller à pied. Il n’aime pas ça, même s’il se débrouille super bien! Ce qui est dur psychologiquement, c’est d’être obligés de faire depuis tant d’années, ce qu’on ne veut pas faire et d’avoir peur de faire ce qu’on aimerait vraiment“.

C’est donc la Première ministre, Sophie Wilmès, que le petit garçon interpelle directement à la fin de sa vidéo. Il parle à la cheffe de gouvernement, mais aussi à la maman qu’elle est : “Je sais bien que vous avez des enfants, je sais bien que vous êtes une bonne maman. Je sais bien que vous ne voudriez pas que vos enfants vivent la même vie que nous, alors s’il vous plait… Vous pouvez, la Belgique peut, régulariser les sans-papiers“.

Cette semaine, la Ligue des droits humains (LDH) alertait le gouvernement de la situation de “précarité sévère” des personnes sans-papiers en cette période de crise sanitaire. L’association mettait en lumière le fait qu’elles sont “dans l’impossibilité de circuler, dans l’impossibilité de travailler, sans accès aux droits sociaux, et donc sans moyens de survie“, dénonçant un enjeu de santé publique. Selon la Ligue des droits humains, des systèmes exceptionnels de régularisation sont mis en place dans certains autres pays européens, comme l’Italie ou l’Espagne.

Marine Guiet