Avec le confinement, les espèces sauvages ont pris leurs aises

Si le confinement, puis le déconfinement, a impacté nos comportements humains, les animaux ont également été influencés par cette période particulière. Ainsi, la faune sauvage bruxelloise a vu ses comportements dévier par rapport à ses habitudes.

Beaucoup de Bruxellois ont remarqué, durant le confinement, l’apparition d’oiseaux dans leur jardin ou à leur balcon, alors même qu’ils n’avaient jamais croisé ces espèces si près de leur habitation. “J’ai vu deux fois un pic épeiche et, même une fois, un héron dans mon jardin ! C’est totalement inhabituel et cela ne risque pas de se reproduire“, évoque ainsi une Bruxelloise, par ailleurs membre de l’organisation Natagora, association active dans la protection de la nature, et notamment des oiseaux. “Je ne l’explique pas autrement que par le calme au plus fort du confinement, qui a amené des individus à explorer de nouveaux territoires“, conclut-elle.

Il y a clairement eu des observations anecdotiques d’espèces là où on ne s’attendait pas à les voir, lors des moments les plus calmes du confinement“, explique Alain Paquet, responsable du monitoring des espèces au département des études de Natagora, et spécialiste des oiseaux urbains. “Cela s’explique par le calme transitoire dans les parcs et la fermeture des plaines de jeu, au début du confinement, ainsi que la diminution de la pollution de l’air et du bruit. Peut-être même, aussi, la diminution des animaux victimes du trafic routier“.

Une mésange, ainsi qu’une foulque avec ses oisillons, photographiés durant le confinement
Photos : Pixel-Diary

Mais si des Bruxellois ont été surpris de constater que certaines espèces inconnues suspendaient leur vol dans leur jardin, “c’est davantage le regard des Bruxellois qui a changé, plus que le comportement des oiseaux“, développe Alain Paquet, “Le changement de comportement a été assez léger chez les oiseaux, en se rapprochant un peu plus des habitations. On a attribué à la nature des changements qui étaient, finalement, une évolution du regard des humains. Certaines personnes ont cru que la visite de certains oiseaux étaient une grande première dans le jardin, alors qu’en fait, ils n’y avaient tout simplement jamais prêté attention“.

Quant au chant des oiseaux, qui a remplacé, au fil du confinement, les bruits habituels de Bruxelles, “cette présence sonore exacerbée est un mélange de deux choses : on entendait mieux les oiseaux car l’oreille était moins polluée par le fonds sonore urbain, mais aussi parce que, semble-t-il, d’après une étude menée à l’étranger, ils ont changé leur patron d’expression“, indique le spécialiste.

“C’est davantage le regard des Bruxellois qui a changé, plus que le comportement des oiseaux”, explique Alain Paquet
Photos : Pixel-Diary

Le revers de la médaille

Néanmoins, Alain Paquet évoque également le revers de la médaille, car le confinement a exercé une pression importante sur la nature. “Une immense pression a été exercée, par exemple, sur la Forêt de Soignes, où l’on a constaté davantage de comportements inadéquats“. Parmi ceux-ci, les chiens qui n’étaient pas tenus en laisse, et les balades du public en dehors des sentiers : “Des espèces d’oiseaux nichent assez bas, au sol ou dans des buissons. Nous n’avons pas de statistiques précises, mais on voit que des zones de nichées ont été piétinées“, développe Alain Paquet, qui généralise cette pression exercée sur la nature à l’ensemble des parcs restés ouverts durant le confinement.

De même, Natagora a constaté qu’en deuxième couronne bruxelloise, les assauts des corneilles ont redoublé alors que les Belges étaient confinés chez eux. “Ce n’est pas nouveau, mais cela a été exacerbé par le calme en rue, et le fait que le nettoyage n’ait pas pu se faire correctement, sauf dans les quartiers où les poubelles ‘en dur’ sont la norme“, précise le spécialiste.

Quant au déconfinement, et à la vie future qui se dessine, “nous espérons que le retour à la vie normale, avec son rythme effréné, ne se traduira pas par une perte de l’intérêt pour la nature, qui s’est développé au cours du confinement“, conclut Alain Paquet.

Maître renard, par notre odeur repoussé…

Les renards vivant à Bruxelles ont également été impactés par le confinement, même si, là encore, le changement du regard humain y est pour quelque chose : “Si les gens ont vu plus de renards durant le confinement, c’est parce que, télétravail oblige, ils avaient davantage l’occasion de les voir rôder autour de chez eux“, évoque un naturaliste du département biodiversité de Bruxelles-Environnement, en charge notamment des renards évoluant dans la capitale, “De plus, la période de confinement coïncidait avec celle des premières sorties de renardeaux, ce qui est tout à fait habituel en cette période“. D’après le spécialiste, les renards ont d’ailleurs été moins proches des habitations que d’habitude, durant le confinement : “De manière générale, en journée, les renards sont attirés par des endroits calmes, et ensoleillés. C’est pour cela que, depuis longtemps, on les observe, par exemple, sur des terrasses d’habitation, inoccupées durant la journée mais exposées plein sud. Avec le confinement, les gens étant en télétravail et les enfants restant à la maison, ils ont déserté beaucoup de jardins“.

Sophie Renaut habite à Wezembeek-Oppem, en périphérie bruxelloise, et a vécu cette situation. Avant le confinement, elle avait l’habitude d’apercevoir, presque tous les jours, un renard dans son jardin, sauf les week-ends où la famille était à la maison. “Mais depuis le confinement, je n’ai plus vu ce renard. Nous sommes confinés avec trois enfants, et le renard ne passe pas quand il y a du bruit“, évoque la mère de famille. “ Et malgré le déconfinement, je ne vois pas de différence, car je télétravaille encore de la maison, et un de mes trois enfants, en maternelle, n’a pas encore repris l’école, ce qui est suffisamment bruyant pour effrayer le renard. Le fait d’être à la maison depuis deux mois est une bonne protection pour nos poules et notre coq !“.

Le retour à la situation d’avant-confinement sera progressif, selon le spécialiste, à mesure que les Bruxellois retourneront massivement au travail ou à l’école. “N’étant plus à la maison, les Bruxellois observeront moins de renards, alors que, justement, ceux-ci reprendront leur place sur les terrasses ensoleillées. Ils vont comprendre qu’ils peuvent faire leur retour, et vont reprendre leur vie habituelle“.

À Saint-Gilles et à Etterbeek, vous nous avez envoyé vos photos de renards aperçus durant le confinement
Photos : L. Augurelle et Th. Dufrane

Néanmoins, il est impossible de tirer des conclusions certaines, d’un point de vue scientifique sur l’impact du confinement sur les renards. “Il aurait fallu commencer une étude à l’instant zéro, avant le confinement, la prolonger durant cette période, et ensuite après un mois, deux mois, puis tirer un bilan comparatif avec l’année suivante“, évoque le naturaliste.

Reste que la population de renards est importante à Bruxelles, répartie à travers tous les quartiers, même s’il est impossible de la chiffrer.  “Ils se sont installés à Bruxelles, alors qu’il s’agit pourtant d’une espèce de la campagne. Cela n’allait pas de soi, car les mammifères ont besoin de leur odorat pour chasser leurs proies, alors qu’en ville ils sont parasités par les gaz d’échappement et les bruits urbains“, explique le spécialiste, “Mais ils sont utiles pour les villes, en régulant le nombre d’espèces nuisibles, comme les rats et les souris“.

C’est pour cette raison, et pour éviter une explosion artificielle de sa population dans la capitale, que Bruxelles Environnement rappelle, d’ailleurs, qu’il ne faut pas volontairement nourrir les renards.

 

■  Arnaud Bruckner – Photo principale : Pixel-Diary (avec autorisation)