Affaire Belliraj : la chambre de mises en accusation prononce la prescription de l’action publique
La Chambre des mises en accusation statue aujourd’hui sur le dossier Belliraj, un dossier aux multiples ramifications, qui remonte à plus de 30 ans. Ainsi, elle a prononcé dans l’après-midi la prescription de l’action publique. Rappel des faits, et mise en perspective :
Rappel des faits
Chapitre 1 : 1988-89, en Belgique
En 1988-89, six personnes perdent la vie dans des circonstances suspectes : un épicier belge-marocain d’origine juive, un homosexuel connu lui aussi comme juif, l’imam de la Grande Mosquée et son secrétaire, un employé de l’Ambassade d’Arabie saoudite et, le 3 octobre, le professeur Joseph Wybran, chef du service d’immunologie de l’Hôpital Erasme, et président du CCOJB, la coupole des organisations juives de Belgique.
À la suite de ces faits, des enquêtes sont ouvertes, séparément, mais elles piétinent : ces assassinats ne sont jamais reliés entre eux, en tout cas dans un premier temps.
Chapitre 2 : 2008, au Maroc
Vingt ans plus tard, en 2008, Abdelkader Belliraj est arrêté au Maroc dans le cadre d’un dossier de terrorisme, et avoue être à l’origine de ces six assassinats. Il donne ainsi des détails sur ses complices, le modus operandi, les armes utilisées, les circonstances, etc. Belliraj affirme aussi avoir agi pour le compte du groupe Abu Nidl, et avoir été engagé comme informateur par le Sûreté de l’Etat en Belgique, après les assassinats.
► L’avocate du professeur Wybran, Michèle Hirsch, trouve des éléments qui prouvent que Belliraj est impliqué
Notez que l’interview a été réalisée en matinée, avant que la Chambre des mises ne se prononce
Une commission rogatoire est alors ordonnée au Maroc par le Parquet et le procureur fédéral. Mais, entre-temps, Belliraj est condamné à perpétuité au Maroc, et se rétracte quant à l’affaire belge : il déclare que ces aveux ont été obtenus sous la torture.
► L’avocat d’Abdelkader Belliraj, Vincent Lurquin, défend l’innocence de son client
Notez que l’interview a été réalisée en matinée, avant que la Chambre des mises ne se prononce
Chapitre 3 : 2016, en Belgique
En 2016, le procureur fédéral demande le non-lieu, faute de preuves, ainsi que la prescription. De nouveaux devoirs d’enquête avaient été effectués en 2016, sans apporter de nouvel éclairage au dossier depuis.
Enfin, il est demandé à la Chambre des mises en accusation de se prononcer, ce 24 décembre.
La Chambre des mises prononce la prescription de l’action publique
Une affaire de trente ans, qui doit trouver son épilogue aujourd’hui. Ce jeudi après-midi, la Chambre des mises en accusation a prononcé la prescription de l’action publique, nous indique l’avocate Michèle Hirsch.
La Chambre des mises a donc suivi l’avis du parquet fédéral sur le point que les faits sont bel et bien prescrits, après trente ans d’enquête.
Abdelkader Belliraj est toujours détenu au Maroc.
Me Hirsch réagit à la décision de la Chambre des mises
Contactée par l’agence Belga, Michèle Hirsch a réagi à la décision. “Cela fait 30 ans que Madame Wybran, la veuve du Docteur Wybran, assassiné en octobre 1989 sur le parking de l’Hôpital Erasme à Anderlecht, demande vérité et justice à la Belgique. L’assassinat de son mari avait été revendiqué par une organisation terroriste (Abou Nibal)“, a réagi jeudi Me Michèle Hirsch, avocate de l’épouse de Joseph Wybran, qui s’était constituée partie civile dans ce dossier.
“Finalement, ma cliente n’aura qu’une partie de la vérité et jamais la justice. Abdelkader Belliraj a assassiné le Docteur Wybran avec des membres de l’équipe qu’il avait constituée pour tuer des Juifs et des Arabes opposés à la Fatwa contre l’écrivain Salman Rushdie. Il a été condamné au Maroc pour cet assassinat. Ses complices en Belgique ne seront, eux, jamais poursuivis“, a-t-elle déploré. “Belliraj était informateur de la Sûreté de l’État belge. Il y avait été engagé alors qu’il avait commis ces assassinats pour infiltrer des milieux terroristes“, a soutenu l’avocate.
“La chambre des mises en accusation de Bruxelles avait demandé à la Sûreté de l’État de communiquer les documents classifiés et secrets concernant Belliraj. Elle a refusé. Et aujourd’hui le temps a passé et la chambre des mises en accusation a constaté la prescription. La raison d’État a triomphé. Madame Wybran, le CCOJB, l’Université Libre de Bruxelles et les familles des autres victimes ne connaîtront jamais toute la vérité dans cette affaire“, a commenté la pénaliste.
Me Lurquin réagit également
“Il est sûr que s’il y avait eu quelque charge à l’encontre de mon client on n’aurait pas attendu la prescription“, a commenté jeudi soir Me Vincent Lurquin, rappelant que le procureur avait relevé l’insuffisance d’indices de culpabilité à l’encontre d’Abdelkader Belliraj.
“Mon client a été kidnappé, séquestré et torturé. Le procureur a également souligné ce risque que les aveux ont été faits sous la torture“, a-t-il ajouté.
S.R. et ArBr – Photo : Belga (illustration)