Rue de la Loi : comment donner du poids à mon bulletin de vote ?

Nous sommes à 5 jours de l’élection, et vous vous posez peut-être la question suivante : comment faire un sorte que mon vote soit valable, et qu’il pèse le plus lourd possible pour  que mes idées soient le mieux représentées après le 26 mai ? À Bruxelles on entend toute sorte d’arguments sur les stratégies de vote. Essayons de démêler le vrai du faux et d’y voir clair.

D’abord sachez que vous allez voter au moins 3 fois. Une fois pour l’Europe, une fois pour la Chambre (le parlement fédéral), une fois pour la Région Bruxelloise (parlement Bruxellois, et ce vote vaut aussi pour la COCOF et la VGC qui gèrent les affaires communautaires – la culture par exemple-  pour les bruxellois francophones ou néerlandophones). Et non, vous n’êtes pas obligé de voter à chaque fois pour le même parti. Vous pouvez très bien voter pour la tarte aux pommes au niveau européen, mais préférer la tarte aux fraises au niveau fédéral et défendre la tarte au sucre au niveau bruxellois. A chaque niveau de pouvoir, le vote de votre choix, le législateur a été cool avec vous.

Pour chacune de ces élections vous pouvez choisir de voter en case de tête ou opter pour le vote de préférence en choisissant de privilégier un ou plusieurs candidats en noircissant la case derrière leur nom. Vous pouvez en favoriser autant que vous voulez, mais toujours dans la même liste. Qu’est que ça change ? Au niveau du nombre de sièges, rien du tout, votre vote pour ce parti ne compte qu’une seule fois. Par contre pour la distribution des sièges au sein de la liste, si vous votez en case de tête cela veut dire que vous êtes d’accord avec l’ordre présenté par la liste. Votre voix servira d’abord à élire le premier de liste, puis le 2ie de liste une fois que le premier est élu, etc. Si vous votez pour une ou plusieurs personnes  en particulier vous pouvez l’aider/ les aider  à remonter dans le classement et se faire élire plus facilement. Les candidats classés en fin de liste, qui réalisent un gros score sont régulièrement élus grâce à leurs voix de préférence (raison pour laquelle être en fin de colonne est une place recherchée). Maintenant sachez que  tous les candidats, même les premiers de listes, aiment recevoir des votes de préférences, cela les aide à mesurer leur popularité, et pèse ensuite dans les rapports de force lorsqu’il s’agit de désigner un(e)  ministre ou un(e) chef(fe) de groupe.

Mon vote pèse-t-il autant si je choisis une liste francophone ou une liste néerlandophone ? Ça c’est une bonne question et je vous remercie de l’avoir posée. À la chambre la réponse est oui, c’est la même circonscription, le même collège. D’ailleurs plusieurs partis ont décidé de présenter des listes communes francophones-néerlandophones (et notez au passage que si vous habitez dans une des 6 communes à facilitées, vous pouvez, à laChambre, choisir de voter pour les élections fédérales dans l’arrondissement de Bruxelles) . Pour la Région Bruxelloise en revanche, la question se pose autrement, puisque  vous devez d’abord choisir entre le collège francophone et le collège néerlandophone avant de choisir une liste. Il y a 17 députés régionaux à élire côté néerlandophone et 72 côté francophone. Cet arrangement est le fruit d’un compromis historique (les accords du Lombard, je vous en ai déjà parlé lors d’une chronique précédente) destiné à protéger la minorité flamande. Cela induit une inégalité de fait entre les députés : il faut 3000 voix environ pour être élu côté néerlandophone, on tourne aux alentours de 10 000 côté francophone, et pourtant au final ces députés auront le même poids une fois qu’ils sont élus.

Cette disproportion a des conséquences. En 2014 le Parti Pirate avait fait un peu plus de 3000 voix. Comme il s’était présenté côté francophone il n’a eu aucun élu. Avec le même score côté flamand il aurait décroché un député (le Vlaams Belang en a d’ailleurs eu un avec un score inférieur). C’est ce qui explique que certaines petites listes se présentent désormais côté flamand, mais en faisant campagne dans les deux langues, et même parfois en privilégiant ouvertement une communication en français. On voit que cette répartition en deux collèges est arbitraire et aujourd’hui en partie dévoyée. Tous les grands partis flamands font d’ailleurs de l’œil aux électeurs francophones. Avec un argument souvent entendu : voter pour un parti néerlandophone démocratique c’est contrer le risque d’un vote flamand d’extrême droite. Le raisonnement est valable. Mais il l’est aussi dans l’autre sens puisque des francophones choisissent de voter pour des partis d’extrême-droite côté flamand. Si vous choisissez de voter côté néerlandophone sachez que vous devrez voter une 4ie fois pour désigner des représentants bruxellois au parlement flamand (alors que les représentants bruxellois au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ex-Communauté Française, ne font eux  pas l’objet d’une élection séparée, ils sont désignés par les partis parmi les députés régionaux élus ).

Tous ces petits calculs existent donc. Évidement si tout les francophones se mettaient  à voter côté néerlandophone (ou inversement ) l’élection prendrait un tour surréaliste. Il ne faut pas oublier que le poids politique des francophones est nettement prépondérant à Bruxelles. Voter côté francophone est un vote tout aussi utile pour défendre vos idées et peser sur les choix politiques de demain, et comme on ne peut pas voter des deux cotés, ce sont simplement des vases communicants, le poids que je mets dans un collège, je le perds dans l’autre. A chacun d’établir ses priorités en fonction de sa sensibilité.

La règle c’est donc qu’il n’y a pas de règle. Voter côté francophone ou néerlandophone , en case de tête ou pour des candidats en particulier, c’est un choix qui vous appartient et qui relève de votre liberté individuelle. N’écoutez pas les conseils de Pierre, Paul ou Jacques, faites vous votre propre opinion en lisant les programmes et en interrogeant les candidats dont vous pensez être proches. Il vous reste 5 jours, vous avez encore le temps de  vous informer.

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21 mai 2019 - 16h00
Modifié le 21 mai 2019 - 16h21