Vers de nouveaux traitements contre le Covid-19 : pour qui et dans quelles conditions ?

A côté des traitements utilisés pour soigner les malades hospitalisés, seul un type de médicament (à base d’anticorps monoclonaux) est aujourd’hui utilisé contre le Covid pour traiter des patients non hospitalisés, afin de leur éviter des complications. Mais plusieurs milliers de doses de deux autres traitements ont été commandés par la Belgique. Qu’en attendre ? Quand seront-ils disponibles ? A qui sont-ils destinés ? 

►Depuis plusieurs mois maintenant, les traitements à anticorps monoclonaux sont utilisés sur des patients à risque atteints du Covid, mais non hospitalisés. « Ils constituent un substitut à la vaccination, pour des patients qui ne peuvent être vaccinés ou ne réagissent pas bien à la vaccination. On leur administre passivement des anticorps qui vont persister pendant au moins six mois. », explique Nicolas Daubie, infectiologue au CHU Saint-Pierre et membre de la Task Force Covid Therapeutics. Il s’agit d’anticorps fabriqués en laboratoire injectés par voie intraveineuse. « Ils sont très largement utilisés et ont fait leur preuve. », précise Michel Goldman, médecin infectiologue au CHU Saint-Pierre. Ils permettent d’éviter l’hospitalisation aux patients à risque. En Belgique, c’est le Sotrovimab, développé par GSK qui est aujourd’hui prescrit. Mais il doit être utilisé dans des conditions très spécifiques : dans les tout premiers jours de l’infection, et sur des patients fragiles ou atteints de comorbidités. Les anticorps de Regeneron, administrés précédemment en traitement précoce sur des patients à risque, seraient eux, selon Michel Goldman, moins efficaces contre Omicron.

La France a commencé il y a quelques semaines à administrer un cocktail d’anticorps développé par AstraZeneca, pour des patients immunodéprimés et très fragiles. Il a toutefois suscité des doutes sur son efficacité vis-à-vis du variant Omicron, précise Nicolas Daubie. Mais selon Michel Goldman, la combinaison des deux anticorps semble prometteuse.

Reste que l’administration des anticorps monoclonaux, par voie intraveineuse, implique un passage en hôpital, et peut s’avérer dès lors lourde pour le patient, rappelle Karin Rondia, porte-parole du KCE, le Centre fédéral d’expertise en soin de santé. La Task Force Covid Therapeutics vient de rendre deux recommandations en faveur de l’achat de doses de deux nouveaux traitements dont l’un des avantages est de s’administrer par voie orale. Mais ils ne sont pas prêts à être utilisés largement avant plusieurs mois.

►Le Molnupinavir (commercialisé sous le nom de Lagevrio, développé par les laboratoires MSD). Une commande de 10.000 doses est en cours. Entre 5 et 8000 seraient déjà arrivées. Ce médicament ne bénéficie par encore d’une autorisation de l’agence européenne du médicament pour une mise sur le marché en Europe (mais il est autorisé aux Etats-Unis et au Royaume-Uni). Les doses commandées seront utilisées chez nous dans un premier temps pour des essais cliniques, menés avec des médecins généralistes, destinés à vérifier les effets du traitement, notamment les effets secondaires, sur des patients âgés à risque. Ce traitement, qui doit être entamé dans les cinq premiers jours de l’apparition de la maladie, a fait l’objet d’essai de phase 3, sur des patients non-vaccinées d’environ 40 ans en moyenne, dont le principal facteur de risque était l’obésité. Le variant Omicron n’existait pas encore lors de cette phase d’essai. Son objectif est de réduire les hospitalisations.

►Le Paxlovid, le fameux médicament développé par Pfizer dont on a beaucoup parlé ces derniers jours. Il réduirait de 89% le risque d’hospitalisation et de décès chez les personnes non vaccinées. Il serait efficace contre le variant Omicron, selon Pfizer. Le KCE recommande l’achat de 10.000 doses, compte tenue des “incertitudes relatives à son efficacité, sa sécurité et ses conditions d’utilisation, en particulier chez des patients âgés et/ou polymédicamentés.” Ce médicament ne dispose pas encore non plus d’autorisation de mise sur le marché à ce stade (seuls les Etats-Unis l’autorisent), mais fait l’objet d’une évaluation continue par l’EMA. Les doses commandées seront seront utilisées pour des essais cliniques, comme pour le Molnupinavir, destinés à mieux cerner les modalités pratiques de son utilisation sur le terrain.

Il a été testé dans des conditions très semblables au Molnupinavir, mais les mécanismes d’action des deux traitements sont différents. Dans le cas du Paxlovid, l’un de ses composants bloque un enzyme nécessaire à la reproduction du virus, l’autre ralentit la destruction du premier. Le Molnupinavir introduit des mutations dans le génome du virus. Mais la prudence s’impose avec l’un comme avec l’autre. Leur utilisation devra être encadrée, notamment en raison de possibles interférence avec d’autre médicaments, surtout dans le cas du Paxlovid, insistent aussi bien Michel Goldman que Karin Rondia du KCE. Une demande d’autorisation de mise sur le marché est actuellement en attente auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), mais cette dernière a donné son feu vert début décembre à une utilisation d’urgence.

Patients à risque et immunodéprimés

Mais ceux qui espèrent trouver grâce à ces avancées le moyen de contourner la vaccination seront déçus. Karin Rondia souligne que ces traitements ne seront pas destinés à tout le monde mais à des patients vulnérables, à risques, fragiles ou immunodéprimés, chez qui la vaccination n’est pas efficace. Il ne s’agit en aucun cas de les envisager comme une alternative au vaccin, ni à l’hospitalisation. Ils doivent être administrés dans les 4 à 5 jours suivant l’apparition des symptômes. En outre, ces traitements, innovants, sont chers, bien plus que les vaccins. Leur remboursement par l’Inami n’est pas à l’ordre du jour : sans la reconnaissance de l’EMA, les firmes ne peuvent introduire de demande en ce sens.

La recherche sur le Covid utile pour d’autres maladies

Les expériences accumulées dans la recherche de vaccins et de traitements contre le Covid sont utiles pour d’autres maladies. Ainsi les recherches sur l’ARN vont pouvoir être utilisées en particulier dans la recherche contre le cancer, mais aussi d’autres maladies infectieuses, explique Michel Goldman. « En matière de traitements, toutes les recherches sur les anticorps sont très importantes parce qu’elles visent à identifier des anticorps universels qui seraient efficaces contre tous les variants, et elles vont de paire avec la recherche d’un vaccin universel qui marcherait contre tous les types de coronavirus. », indique le médecin infectiologue.

Quant aux autres traitements, ces recherches sont essentielles également parce qu’elles pourraient demains s’appliquer à d’autres maladies virales. Même si jusqu’ici, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit : le développement de médicaments contre le Covid a bénéficié d’études menées sur d’autres maladies. Ainsi le Remdesivir, toujours utilisé sur les patients Covid hospitalisés, avait été développé initialement contre le virus Ebola. Le médicament de Pfizer contient des composants originellement anti-HIV. Des traitements testés contre le virus de la grippe le sont aujourd’hui contre le Covid et vice versa. « La recherches sur le Covid n’est pas isolée. Des scientifiques réfléchissent à s’inspirer de ce qui est développés dans le cadre du Covid pour combattre la bronchiolite, par exemple. » La bronchiolite, mais aussi la grippe et d’autres infections respiratoires : des progrès sont attendus en matière de vaccins et de traitements, liés à l’activité menée autour du Covid, conclut Michel Goldman.

S.R. – Photo : Arch. Bx1