Relance : les demandeurs d’emploi et les employeurs pris dans des embouteillages à Bruxelles
Les offres d’emploi croissent depuis mars 2021 dans la Région de Bruxelles-Capitale. Avec 111 385 offres pour l’année 2021, ce volume connait une augmentation de presque 47% par rapport à l’exercice précédent. Du jamais vu. Bonne nouvelle ? En meilleure santé, mais toujours contaminé par le Covid, le marché de l’emploi traverse un paradoxe, révèle une étude d’Actiris.
L’emploi bruxellois souffre de covid long. Après s’être attaqué de plein fouet aux employés, avec les fermetures et les limitations, la pandémie continue de bouleverser le marché de l’emploi. L’Office Régional Bruxellois de l’Emploi, Actiris, n’a jamais capté autant d’offres d’emploi qu’en 2021, mais un effet de levier s’opère et les jobs vacants n’ont jamais eu autant de mal à trouver leurs pépites.
111 385 offres d’emplois à Bruxelles en 2021
Parmi le total d’offres, il faut signaler que 14 533 sont des intérims. Ce type de contrat connait une augmentation de près de 550% par rapport à l’année 2020. Il joue donc un rôle majeur dans le nombre d’offres recensées par Actiris.
Le problème des pénuries n’est pas nouveau. Après presque deux années de pandémie, il devient critique. Si le niveau de qualification est pointé comme la solution miracle, deux phénomènes occupent davantage de place. Les confinements successifs font que les Bruxellois réfléchissent davantage à leurs conditions de travail. Les emplois pénibles convainquent de moins en moins, rapporte Actiris. Ce qui s’ajoute au contexte de relance de l’activité au sein duquel les employeurs qui engagent à nouveau se disputent les mêmes profils de demandeurs d’emploi.
Les employeurs font la file d’attente
Près d’un employeur sur deux prévoit d’agrandir son effectif d’ici au mois de mars 2022, annonce une étude de Manpower, expert en recrutement. Portées par les secteurs de la construction et de l’IT, les intentions de recrutement n’ont jamais été aussi élevées. C’est dans la Région de Bruxelles-Capitale qu’elles sont les plus nombreuses.
Mais les recrutements coincent dans la mesure où les employeurs recherchent des profils identiques, au même moment. Les fonctions d’infirmier, enseignant, serveur de bar sont très disputés. Actiris qualifie toutefois de temporaire cette concurrence des employeurs suite à la relance économique. Bon signe, le taux de chômage atteint fin février un niveau historiquement bas en Région bruxelloise.
“S’attaquer aux dessous de l’iceberg”
Un deuxième bouchon est créé par la pandémie. Les pénuries dans les métiers pénibles ou stressants se sont amplifiées ces deux dernières années, remarque l’Office Régional Bruxellois de l’Emploi. Actiris présente la crise sanitaire comme “l’élément déclencheur” d’une prise de conscience de l’importance des conditions de travail.
“La réalité est devenue criante, la pandémie est l’opportunité de s’attaquer aux dessous de l’iceberg”, analyse Delphine Pennewaert, psychologue du travail chez Ressources au Travail. “80% du mal-être des travailleurs vient de mauvaises relations avec ses collègues et son institution“. Pour répondre au mal-être au travail, le salaire en lui-même et les horaires ne sont pas les principaux facteurs d’un mal-être, avance comme hypothèse la psychologue en se reposant sur des témoignages de terrain. Jouer sur la considération des collègues et l’image que se fait la société du job sont les deux pistes les plus efficaces pour séduire les demandeurs d’emploi.
Des pistes qui n’ont pas forcément été appliquées en ces termes dans la réforme du marché du travail de février 2022.
Bien conscient que la valeur sociétale d’un métier est un atout, Actiris soulève également la question des mobilités intersectorielles : “Les travailleurs ont pu se recycler temporairement ou quitter le secteur pour se reconvertir, et ce, souvent avec des conditions de travail identiques, voire meilleures”. Soit des départs à remplacer.
► Le cas Horeca | La pénurie d’effectifs, un autre fardeau post-Covid pour l’Horeca bruxellois
La formation, premier tremplin
Pour contrer l’accentuation des pénuries, la Région compte sur Bruxelles Formation. Près de la moitié des heures de cours prestées par l’organisme concerne des fonctions en pénurie.
Bruxelles Formation couvre 70% des métiers qu’Actiris caractérise comme “critiques”. D’autant que “les places que nous proposons se remplissent de stagiaires, c’est positif”, assure Selin Salün, porte-parole de Bruxelles Formation.
La formation des enseignants et des infirmiers, parmi les fonctions les plus critiques, bénéfice d’un coup de boost. Avec la “formation professionnelle individuelle en établissement d’enseignement”, les demandeurs d’emploi suivent des études complètes tout en étant rémunéré 2 euros brut par heure de cours.
Les jeunes sortent du chômage le plus rapidement
Parmi les demandeurs d’emploi qui affrontent ces nouvelles dynamiques du marché, ce sont les jeunes de moins de 25 ans qui s’en sortent le mieux. Actiris recense en janvier 2022 quelque 744 jeunes chômeurs de moins que l’année précédente : “En période de croissance économique, les jeunes sont ceux qui sortent du chômage le plus rapidement en comparaison avec les autres catégories d’âge“.
Comme sur la route, les bouchons finissent par se résorber avec le temps. Valoriser l’image des métiers aux conditions pénibles et mettre l’accent sur la formation, la porte la plus efficace pour décrocher un emploi, pourraient accélérer la décantation.
Samuel Di Carlantonio – Photo : Belga