Pourquoi les femmes roulent-elles moins à vélo?
La semaine de la mobilité démarre ce mercredi 16 septembre pour se terminer ce dimanche par une journée sans voiture en mode light, covid oblige. Pour commencer la semaine, Provélo publie une étude commandée par Bruxelles Mobilité sur la pratique du vélo par les femmes. Le constat n’est pas nouveau. Les femmes sont moins nombreuses parmi les cyclistes. Depuis des années, les chercheurs et Bruxelles Mobilité tente de comprendre cette différence genrée dans les pratiques de mobilité. Les raisons de la (non)pratique sont nombreuses et demandent une modification des infrastructures mais également des mentalités.
S’il y a bien un grand vainqueur de cette pandémie, c’est le vélo. Avec le confinement, les risques accrus d’être contaminé par le virus dans des endroits clos avec une forte concentration de personne, le vélo est réellement devenu la petite reine de Bruxelles. +44% de cyclistes comptés dans la capitale aux heures de pointe. Ceux qui ont découvert ce moyen de locomotion en 2020 ont eu également la chance de bénéficier d’une météo clémente et d’un trafic apaisé. Une chance pour tous ceux qui ont peur de rouler en milieu urbain.
Mais sur ces cyclistes post-confinement, combien sont des femmes? La logique voudrait que la réponse soit un sur deux. La pratique est tout autre. De tout temps, les femmes enfourchent moins une bicyclette. Dès la création du deux roues à pédales, les femmes en sont plus ou moins exclues selon les pays. Il faut dire que pédaler avec une crinoline, ce n’est pas le plus pratique. En plus, les mouvements font entrevoir les jambes et certains médecins insinuent que le vélo serait dangereux pour la santé des femmes. Sans oublier que le vélo représente une certaine liberté à laquelle une femme ne pourrait accéder.
Dimanche, 200 femmes ont d’ailleurs manifesté pour encourager celles qui n’osent pas s’y mettre.
►Une promenade féministe organisée pour encourager les femmes à se mettre au vélo à Bruxelles
Un tiers des cyclistes sont des femmes
Heureusement, en Belgique, ces clichés sont dépassés. Cependant, les femmes restent toujours moins nombreuses à pratiquer le vélo que cela soit de manière occasionnelle que quotidienne. En 1998, date des premiers comptages réalisés à Bruxelles, les femmes ne représentent que 23,8%. Aujourd’hui, elles sont 36,1%. Si l’augmentation est importante, elle a tendance à ralentir ces dernières années pour se stabiliser autour des 34% selon les chiffres de comptage de Provélo.
Alors pourquoi cet écart? Pour tenter de répondre à la question, Provélo a interrogé en ligne 1.126 femmes sur leur pratique du vélo et sur ce qui les freinait. 23 femmes, cyclistes 1 à 3 fois par semaine, ont aussi tenu un journal de bord. Elles devaient y noter leurs déplacements et les raisons du choix modal. En tout, 161 déplacements dont 97 à vélo ont ainsi été analysés. Enfin, 10 femmes qui pratiquent le vélo plus de 3 fois par semaine, ont mis un GPS sur leur vélo pour enregistrer tous leurs trajets. Provélo n’a pas pour ambition d’être exhaustif dans cette étude mais cela donne déjà des tendances.
Rouler à vélo ou ne pas rouler à vélo, telle est la question
Provélo s’est interrogé sur les raisons qui retiennent les femmes d’utiliser le vélo. Celles qui ne roulent pas avec, citent d’abord le danger, l’insécurité routière, le manque d’aménagements et le manque d’aisance. Si elles n’ont pas appris à faire du vélo petites, l’apprentissage à l’âge adulte complique les choses. Nelly Iemand fait partie de ces femmes. Elle avait commencé à rouler à vélo voici 7 ans mais suite à un accident sur les rails de tram, elle a arrêté. Pendant le confinement, elle a recommencé à prendre un vélo pour aller au parc. Mais pour ses déplacements quotidiens, elle hésite encore. “J’habite à Schaerbeek et je vais travailler à Rogier. Je dois prendre le Botanique et j’ai peur avec les rails de tram. Je diviserais mon temps de trajet par deux mais cela n’est pas suffisant pour moi. Je veux bien rouler à vélo mais je veux me sentir en sécurité.”
Pour celles qui l’utilisent, ce qui les freine c’est le relief, la distance, le transport d’enfant ou de charge, la tenue et la météo.
Pour que cela change, il faut donc que les femmes n’aient pas peur de prendre leur place dans l’espace public. On le sait, il est souvent considéré comme masculin. Rouler à vélo est donc une manière de se le réapproprier. En même temps, certaines femmes se sentent plus en sécurité à vélo car en cas de harcèlement de rue, elles peuvent s’échapper plus rapidement.
On voit aussi la répartition genrée de certaines tâches. Ainsi, ce sont majoritairement les femmes qui conduisent les enfants à l’école ou qui effectuent une course en même temps. Dès que le trajet a plusieurs buts, utiliser le vélo semble plus complexe. Les enfants sont d’ailleurs cités par 23% des usagères comme étant un frein. Les femmes ont souvent plus peur et s’inquiètent plus lorsqu’elles ont un enfant soit à l’arrière soit dans la circulation.
De manière générale, elles sont plus prudentes que les hommes. Dans les mentalités, il est d’ailleurs plus courageux pour une femme de se déplacer à vélo que pour un homme.
Enfin, Provélo a interrogé les femmes sur les raisons qui les poussent à prendre le vélo. Pour 71%, elles disent que cela est bon pour la santé et elles disent aussi penser plus à l’écologie que les hommes.
Des itinéraires différents
Il n’y a pas que les raisons qui différents entre femmes et hommes mais aussi les itinéraires. Une cycliste va choisir son trajet en fonction de son sentiment de sécurité et va utiliser plus les axes secondaires avec moins de trafic sauf s’il existe des aménagements séparés des voitures. Comme lors de leurs déplacements de manière générale, elles privilégient les lieux plus éclairés et fréquentés surtout le soir. Elles vont aussi parfois enfreindre de manière volontaire le code de la route pour ne pas se mettre en danger par rapport aux voitures.
Elles pointent également l’agressivité envers les cyclistes. Si elles n’en souffrent pas plus que les hommes, elles risquent rapidement d’entendre des propos sexistes. La tenue joue aussi un rôle. Elles soulignent la difficulté de rester féminine tout en circulant à vélo. Elles adaptent leur tenue et se débrouillent pour se rafraîchir avant d’arriver. Parmi celles qui ne souhaitent pas rouler à vélo, l’argument de l’apparence revient régulièrement, plus que chez les hommes. “Pour moi, c’est aussi un frein, ajoute Nelly Iemand. Je ne me vois pas prendre le vélo en robe par exemple.”
Tenir compte du genre dans les aménagements
Comme pour l’aménagement de l’espace public, tenir compte du genre devrait être un principe de base. C’est en tout cas la conclusion de Provélo si la Région souhaite tripler le nombre de vélos d’ici 2030. Aménager et sécuriser des trajets et mieux communiquer sur les itinéraires cyclables régionaux porteraient leur fruit pour tous les genres. Il serait bon de séparer les cyclistes des automobilistes dès que possible, mieux éclairer la nuit et former les femmes pour qu’elles osent prendre leur place dans le trafic.
Une autre recommandation de l’étude est de prévoir des parkings à vélos mais également des consignes pour pouvoir y laisser ses bagages ou ses courses. Ainsi, cela ne serait plus un frein à la prise du vélo lors des déplacements qui comportent plusieurs objectifs.
Mieux former et surtout mieux informer sont aussi indispensables pour lever les blocages. Plus la proportion de femmes parmi les cyclistes sera élevée, plus le nombre de cyclistes dans les rues de Bruxelles augmentera. Et si les femmes qui hésitent voient de plus en plus d’autres femmes avec des profils variés sur les routes, alors elles oseront plus, conclut l’étude de Provélo.