L’avenir financier des maisons de repos abîmé par la crise sanitaire

Soignante avec personne âgée Maison de repos - Capture BX1

La crise sanitaire a lourdement affecté le quotidien du personnel et des résidents des maisons de repos. Mais aussi leurs finances. Le taux d’occupation est en chute, les recettes en berne. Et les perspectives sont loin d’être roses.

À la résidence Les Magnolias, à Jette, 150 lits sont occupés. Sur 200. Avant mars 2020, la maison était quasi au complet. 25% d’occupation en moins, c’est 25% de recettes en moins, indique Katrijn Van Rossem, la directrice. Une baisse de revenus partiellement compensée par des aides régionales. Mais en ce mois de janvier 2021, les perspectives sont incertaines. Certes des dépenses non urgentes ont pu être reportées, « et pas question de toucher à la qualité de l’accueil et des soins pour les résidents, mais nous avons peur pour l’emploi. Si l’occupation reste trop basse et si nos pertes ne sont pas intégralement compensées, comment allons-nous à terme pouvoir couvrir les frais de personnel ? », s’inquiète Katrijn Van Rossem.

Taux d’occupation en chute

Elle est loin d’être la seule. Les finances des maisons de repos, et maisons de repos et de soins, ont gravement souffert de la crise sanitaire. Entre mars et septembre 2020, le taux d’occupation a baissé de 10 à 12% en moyenne, selon une étude menée par GIBBIS (Fédération du secteur privé associatif des institutions de soins bruxelloises). Et la situation n’est pas près de s’améliorer. Retrouver le taux d’occupation de février 2020, ce ne sera pas pour tout de suite, craint Christian Dejaer, directeur de GIBBIS et expert sur les maisons de repos. La surmortalité due au Covid, est venue s’ajouter aux décès naturels. En outre, les nouvelles admissions ont chuté. Mesures de sécurité, protocoles de visite strictes, peur suscitée par le virus : beaucoup ont préféré postposer leur entrée en maisons de repos.

« Habituellement, le taux d’occupation à Bruxelles est de 83,7 %. Or il devrait être de 90% pour que les budgets soient à l’équilibre. Alors imaginez-vous les conséquences d’une chute de 10%, voire plus », ajoute Vincent Frédéricq, secrétaire général de la Femarbel (Fédération des maisons de repos du secteur privé commercial).

Compensations financières

Les recettes des maisons de repos proviennent de deux sources : le prix payé par les résidents pour les frais d’hébergement, et le forfait « soins » calculé par Iriscare. Pour les maisons de repos de CPAS et du secteur associatif, cela revient à environ 110 euros par jour en moyenne (répartis à parts égales entre le coût de la chambre et le forfait soin). Chaque lit inoccupé représente donc une perte de 110 euros, explique l’économiste Jean-Marc Rombeaux, conseiller à la fédération des CPAS de Bruxelles. Manque à gagner pour le secteur ? 14 millions d’euros pour 2020. Les pertes ont été totalement compensées par des aides régionales, pour la période d’avril et juin 2020. Entre les mois de juillet et de décembre, commente le directeur de la fédération GIBBIS, seul le forfait Iriscare a été compensé, soit la moitié du coût journalier, forfait qui finance surtout le personnel. « On a neutralisé l’impact des lits vides mais uniquement sur la partie forfait soins », résume Jean-Marc Rombeaux.

Concrètement ? Pour 2020, ce sont 23 millions d’euros de subsides qui ont été affectés au secteur, nous précise-t-on au cabinet du ministre bruxellois de l’Action sociale et de la Santé Alain Maron (Ecolo), « de manière à immuniser le financement des maisons de repos pour les 2e, 3e et 4e trimestres, soutenir l’engagement de personnel complémentaire et de matériel de protection et compenser les pertes sur le prix de journées payés par les résidents. »

Incertitudes

Et pour l’avenir ? « L’enjeu, c’est la survie des établissements et surtout le maintien de l’emploi », assure Vincent Frédéricq. « Si on ne parvient pas à revenir à un taux d’occupation supérieur, on risque des pertes d’emploi et ensuite des faillites ou des fermetures. » Certes, le vaccin permet d’envisager un retour à l’ordinaire. Mais pour quand ? «Il faut atteindre un taux de vaccination de 70 à 80% pour assurer l’immunité collective dans les maisons de repos, et permettre alors un assouplissement des mesures de sécurité et gestes barrières. On en est loin. Le retour à l’ordinaire, ce n’est pas pour demain », tempère Jean-Marc Rombeaux, qui espère une éclaircie pour juin-juillet, et dès lors une remontée du taux d’occupation. Alors en attendant, il faut tenir.

Le personnel des maisons de repos hésitent à se faire vacciner

Alain Maron prévoit de prolonger les aides, mais de manière partielle. Les pistes aujourd’hui à l’étude, « visent à poursuivre partiellement l’immunisation du financement du secteur et d’augmenter le forfait journaliser par résidents pour mieux financer les médecins coordinateurs et l’achat de matériel de protection », nous indique son cabinet. Sans plus de détails.

Mais les propositions sur la table ne satisfont pas le secteur. Selon les CPAS, Femarbel et GIBBIS, les compensations régionales ne couvriraient plus que 75% du forfait Iriscare au premier trimestre 2021, et seulement 25% pour les trois mois suivants. Et elles seraient conditionnées au maintien de l’emploi. « Comment faire ? », interroge Christian Dejaer. « Ce forfait est destiné à financer les coûts de personnel, s’il est entamé d’un quart, cela met les maisons de repos en grandes difficultés. » Jean-Marc Rombeaux rappelle qu’en Wallonie, les mesures de soutien ont été prolongées jusqu’au 31 mars 2021 et des aides spécifiques sont prévues pour les frais supplémentaires liés au personnel, au matériel. Alain Maron veut rassurer : les discussions sont toujours en cours.

S.R. – Photo : BX1