Un ouvrier de Bruxelles-Propreté s’indigne d’un manque de protection : “Nous prenons des mesures”, assure l’agence
L’agence Bruxelles Propreté a annoncé ce mardi que le nombre des tournées de collecte allait être réduit en raison d’un manque de personnel. Un ouvrier opérationnel, qui doit notamment gérer ces tournées, s’insurge pour sa part d’un manque de protection des ouvriers, qui mènent à des problèmes d’insalubrité.
Ce mardi, Bruxelles Propreté a annoncé la mise en place de nouvelles mesures en raison d’un manque d’effectifs suite à la crise sanitaire du coronavirus. Des collectes sont réorganisées et certains sacs ne seront pas ramassés ces prochains jours (lire les détails sur notre article). Selon un ouvrier opérationnel, qui souhaite rester anonyme, le nombre de malades ne cessent d’augmenter au sein des effectifs de Bruxelles Propreté. “De plus en plus de personnes se présentent avec les symptômes d’un rhume, d’autres sont même infectés par le coronavirus. Mais beaucoup d’entre eux sont en CDD et viennent donc quand même travailler alors qu’ils devraient rester à la maison”, explique-t-il.
Ce dernier estime que de gros soucis se posent actuellement au sein de l’agence régionale : “La direction ne prend pas les précautions nécessaires. Nous n’avons pas de masque, nous avons une paire de gants en latex par camion, nous n’avons pas de gel hydroalcoolique… Les brigadiers sont derrière des plexiglas pendant que les ouvriers sont collés les uns contre les autres dans les camions lors des tournées. On ne respecte donc pas les consignes de distanciation sociale. On nous a fait des promesses comme quoi on allait recevoir du gel et des gants, mais pour l’instant, on attend encore”, estime-t-il.
L’ouvrier anonyme rapporte qu’une patrouille de police a déjà dressé un P.-V. envers un camion de collecte en raison d’un non-respect des mesures de distanciation sociale, la semaine dernière dans le secteur de Neder-Over-Heembeek. “On aimerait surtout avoir une reconnaissance et que la direction se rende compte que nous sommes en première ligne. On a parfois l’impression d’être traités comme des animaux”, dit-il. “En plus, on collecte beaucoup plus de déchets qu’avant le confinement. Avant, on collectait 3,5 à 4 tonnes par plan, alors qu’on est de 5,5 à 6 tonnes par plan pour l’instant. Les gens doivent rester chez eux, donc ils consomment plus…”
Des bidons d’eau et de savon
Du côté de Bruxelles Propreté, on confirme que des mesures sont prises pour permettre aux ouvriers d’être mieux protégés. “Depuis ce mardi, nous avons installé des bidons d’eau et de savon dans les camions de collecte et de tels bidons ont également laissés aux balayeurs. Et pour le personnel en contact avec la population, comme dans les recyparks, nous leur avons laissé des bidons de gel hydroalcoolique”, nous explique Étienne Cornesse, porte-parole de Bruxelles Propreté. “Pour les masques, ceux-ci ne sont pas utiles car les personnes qui gèrent les collectes ne sont pas en contact direct avec la population. En outre, les masques sont réservés au corps médical, aux personnes essentielles pour les soins. Nous sommes donc impuissants : les masques leur sont réservés”.
“On comprend l’inquiétude du personnel mais nous prenons des mesures au fil des jours”, confie encore le porte-parole, qui ajoute que le grand problème reste le confinement des ouvriers dans les camions qui servent aux tournées de collecte. “Il y a un risque évidemment, mais nous essayons de le limiter en demandant notamment aux équipes de rester sur la voirie pendant que le chauffeur va par exemple à l’incinérateur pour déposer les déchets entre deux tournées”, dit-il. Il estime également que les sacs de déchets des particuliers laissés à l’extérieur durant la nuit ont peu de risques d’infecter les ouvriers de Bruxelles Propreté.
Étienne Cornesse ajoute enfin que les ouvriers bénéficient d’aménagement d’horaires : “Quand une équipe a terminé les collectes, elle est invitée à prendre une douche et à quitter son secteur d’activité pour éviter tout rassemblement et toute contamination éventuelle. Les cantines sont également à éviter”. Malgré ces mesures, le nombre d’employés est bien en baisse depuis plusieurs semaines en raison de certificats de maladie. Ce qui mène Bruxelles Propreté à adapter ses collectes.
“Nous sommes comme des animaux”
Mise à jour, jeudi 26 mars à 10h05 : Suite à notre article, de nouveaux témoignages anonymes nous sont parvenus dénonçant des manquements au sein de l’agence régionale. Un ouvrier nous affirme qu’il n’y “a pas de seau avec du savon, ni de gel, rien”. “Nous sommes comme des animaux et si on ose se plaindre, on a droit à des rapports disciplinaires de la part de la brigadière”, nous indique-t-il.
Une autre personne se plaint des conditions de travail des employés administratifs dans les secteurs opérationnels de l’agence Bruxelles Propreté. “Nous sommes confinés à 7 ou 8 dans le même bureau que les brigadiers ou ingénieurs, et nous n’avons pas toujours la possibilité de respecter la distanciation sociale entre nos bureaux. De plus, contrairement aux administratifs du siège, nous n’avons pas été mis en télétravail, et contrairement aux ouvriers ou brigadiers, nos horaires n’ont pas été adaptés…”, explique cet employé administratif. “Nous n’avons reçu ni masques, ni gel, ni gants, alors que nous devons traiter des documents qui ont parfois fait le tour de Bruxelles avant d’arriver entre nos mains. (…) Il n’y a aucune équité au sein de l’agence !”, conclut-il.
Etienne Cornesse, porte-parole de Bruxelles Propreté, réagit à ces nouvelles accusations, affirmant que celles-ci sont “exagérées”. “Certaines personnes doivent en effet rester dans des bureaux mais pas dans de telles conditions”, dit-il. “Tout d’abord, le gel n’est pas nécessaire dans des bureaux alors que les employés ont accès à des sanitaires avec du savon et de l’eau chaude. Ils peuvent donc se laver les mains plusieurs fois par jour, comme les consignes le rappellent depuis un moment. Ensuite, affirmer que les brigadiers sont avec les employés administratifs est un mensonge car les brigadiers accompagnent les équipes à l’extérieur. Enfin, le télétravail pour certains employés n’est pas possible sur certaines missions. Et dans les bureaux, les mesures de distanciation sont respectées tant que possible. Il y a beaucoup d’émotions actuellement autour de cette crise, et nous le comprenons, mais nous prenons des mesures pour apaiser au mieux ces tensions”.
Gr.I. – Photo : Belga/Nicolas Lambert